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« Les pires ennemis de l’islam sont…les islamistes », par Jean-Paul Mari.

par Jean-Paul Mari
Ils sèment la mort depuis quarante ans. Ils prônent la mort, la louent, l’appellent de leurs vœux, l’incarnent, rêvent de martyr, en font un moyen et surtout le but suprême de la vie. Hommes en noir, femme en noir, combattants...

Lire le premier chapitre du roman: Les hommes du ministère.

par grands-reporters
De Léonard Vincent. Dans une capitale d'Afrique, des silhouettes rasent les murs, un homme écoute la radio, pendant qu'une Land Rover roule trop lentement et que le Chef, " grand bras affectueux et sourire de requin ", assiste aux cérémonies officielles qu'il méprise. Telle est l'atmosphère glaçante de cette dictature ordinaire, " inspirée des faits réels " comme on dit.

Le 17 octobre 1961, par Benjamin Stora

par Benjamin Stora
Le 17 octobre 1961,dans l'ouvrage de Benjamin Stora, " Les Algériens en France. Une histoire politique, coll "Pluriels".

Migrants: Un trou dans l’eau.

par Jean-Paul Mari
Grand-reportage: De Palerme à Catane, de Lampedusa à Zarzis en Tunisie jusqu'à à la frontière libyenne, pour faire le bilan des départs, des naufrages, de l’action des ONG et des gouvernements dans la région.

Message d’urgence de « Pilotes volontaires »

par grands-reporters
l'ONG française basée à Lampedusa désormais empêchée de voler au-dessus de la Méditerranée pour repérer les embarcations de migrants en détresse.

Deux journalistes français enlevés à Mogadiscio

par Jean-Paul Mari
Ils ont été enlevés par des hommes armés dans un hôtel de Mogadiscio. Certaines sources affirment qu'il s'agit de Français. Le ministère des Affaires étrangères n'a fait aucun commentaire pour le moment.

« La Bleuite », l’autre guerre d’Algérie. ( Un film de Jean-Paul Mari )

par grands-reporters
"La Bleuite", l’autre guerre d’Algérie. Un film de jean-Paul Mari Une production mano a mano. Bientôt sur France 5 et Public-Sénat. La Bleuite est la plus grosse opération d’infiltration, de désinformation, d’intoxication jamais montée par les services secrets militaires français contre l’appareil du FLN et de l’ALN, à Alger et dans tout le maquis rebelle. Seul à la manœuvre, le capitaine Paul-Alain Léger, ne travaillant qu’avec des prisonniers retournés, va convaincre le terrible colonel Amirouche que son maquis est infiltré par des traîtres. Une opération diabolique et des milliers de morts.

FICHE TECHNIQUE

Réalisateur : Jean-Paul Mari Auteur-scénariste : Jean-Paul Mari Musique : Mathias Duplessis Narrateur : Jean-Paul Mari Image : Franck Dhelens Son : Franck Dhelens Montage : Frédéric Charcot Design / Animation / Illustration : Yann Le Bechec l

«Camille» à Bangui: vivre et mourir par l’image.

par Maria Malagardis
Fiction, d'après la vie de Camille Lepage, photographe de guerre tuée en République centrafricaine en 2014 à l'âge de 26 ans. Son réalisateur, Boris Lojkine, s’est entouré de locaux formés pour l’occasion et a tourné sur les lieux de la disparition de la jeune femme, encore hantés par les déchirures du pays. Une expérience vécue par tous entre deuil et exutoire.

Guerre 14-18 . Photos. Nostalgie de la boue

par Hugo Passarello
11 novembre : ces Français qui reconstituent la guerre de 14-18 Grâce à un appareil photo datant de la période de la Grande Guerre, Nostalgie de la boue explore la reconstitution de la mémoire collective française, un siècle après la...

L’armée noire.

par Jean-Paul Mari
REIMS, 6 NOVEMBRE 2018 Excellence Monsieur le Président Emmanuel Macron,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Monsieur le Maire de Reims
Distingués hôtes, En vos grades et qualités, tous protocoles observés,
Je commencerai, si vous le permettez, par exprimer la gratitude du Peuple Malien, de...

« FORTUNA »

par Jean-Paul Mari
Fortuna, jeune Ethiopienne de 14 ans, est accueillie avec d’autres réfugiés par une communauté de religieux catholiques dans un monastère des Alpes suisses. Elle y rencontre Kabir, un jeune Africain dont elle tombe amoureuse. C’est l’hiver et à mesure que la neige recouvre les sommets, le monastère devient leur refuge mais aussi le théâtre d’événements qui viennent ébranler la vie paisible des chanoines. Ceux-ci vont-ils renoncer à leur tradition d’hospitalité? Parviendront-ils à guider Fortuna vers sa nouvelle vie ?

EN DERIVANT AVEC ULYSSE.

par Jean-Paul Mari
Si Ulysse revenait aujourd’hui en Méditerranée, que trouverait-il  ? Une Mare Nostrum, une mer commune à tous ses habitants ou un espace coupé en deux, éclaté, balkanisé. Divisé au gré des rivalités, des cultures et des religions, entre les «  civilisés  » et les «  barbares  ». Serait-il plus étonné par les progrès réalisés ou horrifié par ses plaies ? Les hommes auraient-ils réussi à avoir enfin le même Dieu autour de la même mer ? La Méditerranée aurait-elle réussi à rester le centre de la culture, la lumière du monde, un joyau de l’humanité ou, frappée par une décadence effrayante, s’était-elle transformée un cul de basse-fosse de l’intelligence  ? Ulysse pourrait-il nous dire qui nous sommes  ? Me dirait-il aussi, comme Tirésias, qui je suis  ? Être méditerranéen, est-ce avoir une identité ou n’être plus que le «  Personne  » de Polyphème, quelqu’un aux origines diluées dans un monde mondialisé. Moi qui suis né sur ces côtes, amoureux et souffrant au bord de la mer, sidéré par les guerres mais hypnotisé par la lumière d’après incendie, qui suis-je ? Qui sommes-nous  ? Perdus ou sauvés  ? Il n’y a qu’un seul moyen d’obtenir une réponse à toutes ces questions. Refaire, pas à pas, ce grand voyage avec lui. En dérivant avec Ulysse. - Sélectionné pour le Prix Renaudot. - Prix Encre Marine 2018 Éditions J-C Lattès

Le calvaire Libyen des migrants

par Fabien Perrier
C’est finalement l’Espagne qui pourrait accueillir les 629 migrants qui se trouvent à bord. Mais la route vers l’Espagne est longue et certains migrants ont besoin de nourriture… Ce dernier épisode illustre les difficultés croissantes du bateau affrété par SOS Méditerranée et Médecins sans frontières pour secourir les migrants.

L’Aquarius , un bateau de 629 naufrages a la recherche d’un port d’accueil.

par Jean-Paul Mari
L'Aquarius est actuellement en standby au milieu de la Méditerranée après que l'Italie a fait fermer ses portes au bateau ambulance, sur instruction du nouveau ministre de l'Intérieur d'extrême droite, Matteo Salvini. Photo archives Patrick Bar/SOS Méditerranée Matteo Salvini, nouveau ministre de l’Intérieur italien, d’extrême droite, n’a pas tardé à passer des paroles aux actes.

Ce que le nouveau gouvernement italien réserve aux migrants

par Jean-Paul Mari
Expulsions massives de 500 000 individus en cinq ans, fermeture des frontières, défiance vis-à-vis des ONG : le nouveau gouvernement italien, mené par la Ligue et le M5S, promet un durcissement radical de la politique migratoire.

Plainte pour torture contre le Général Haftar, l’homme fort de l’Est de la Libye

par Jean-Paul Mari
Plainte pour torture contre le Général Haftar, l’homme fort de l’Est de la Libye. [ ALLER SUR LE SITE DE LIMBO->https://www.limbo-asso.com/] Plainte pour torture contre le Général Haftar, l’homme fort de l’Est de la Libye. La présidente de l’Association LIMBO a révélé sur France 24 qu’une plainte avait été déposée le 18 avril dernier contre […]

«En Libye, il y a une porosité entre les centres de détention officiels et les prisons »

par Jean-Paul Mari
ALLER SUR LE SITE DE LIMBO ALLER SUR LE SITE DE LIBERATION Directeur adjoint des opérations de Médecins sans frontières, Pierre Mendiharat est de retour d’une visite en Libye, où l’ONG intervient notamment pour offrir des soins aux migrants subsahariens...

Douze enfants migrants se sont suicidés en 2017 en Suède

par Jean-Paul Mari
Paris, fin décembre 2017, suicide de Kantra, jeune malien de dix-huit ans. 14 décembre 2017, un migrant albanais décède après sa tentative de suicide. Au cours des deux derniers mois, l'association Forum Réfugiés a recensé 7 tentatives de suicides par pendaison ou lacération des bras dans ce centre de rétention de Marseille

« La Bleuite », l’autre guerre d’Algérie.

par grands-reporters
Un film de Jean-Paul Mari Ce film a été sélectionné au FIPA, au Festival de Luchon et au FIGRA. Et sera projeté une nouvelle fois au public dans le cadre de la sélection FIPA des coups de cœur à Biarritz. ... Une production mano a mano. ... Bientôt sur France 5 et Public-Sénat. ... ... La Bleuite. La Bleuite est la plus grosse opération d’infiltration, de désinformation, d’intoxication jamais montée par les services secrets militaires français contre l’appareil du FLN et de l’ALN, à Alger et dans tout le maquis rebelle. Seul à la manœuvre, le capitaine Paul-Alain Léger, ne travaillant qu’avec des prisonniers retournés, va convaincre le terrible colonel Amirouche que son maquis est infiltré par des traîtres. Une opération diabolique et des milliers de morts. .... LIRE la critique de Télérama ... VOIR LA BANDE ANNONCE ... ... France • 2017 • 00:52 • Documentaire national • Compétition ... Réalisateur : Jean-Paul Mari Auteur-scénariste : Jean-Paul Mari Musique : Mathias Duplessis Narrateur : Jean-Paul Mari Image : Franck Dhelens Son : Franck Dhelens Montage : Frédéric Charcot Design / Animation / Illustration : Yann Le Bechec

Limbo: Qu’est-ce qu’un migrant survivant?

par Jean-Paul Mari
Fondée en 2016, LIMBO a pour objet la lutte contre la traite des êtres humains, la défense des droits des rescapés issus de camps de torture d'Egypte, de Libye, du Soudan. LIMBO accompagne les rescapés sur le chemin de la résilience, de l'enfer des camps à la vie normale.

Quand la Libye réinstaure la traite négrière.

par Jean-Paul Mari
Voilà longtemps que des témoignages ou des reportages ont établi que la Libye, en dehors de toutes les lois internationales, vend les migrants noirs Africains sur ses marchés aux esclaves. Les images et le reportage de CNN apporte de nouveaux éléments. Esclavage, tortures, viols, meurtres...C'est pourtant, dans cet enfer, que l'Europe fait tout pour retenir les migrants. Histoire de ne pas le voir débarquer sur nos côtes.

5 morts au large de la Libye. Les garde-côtes libyens mis en accusation

par Jean-Paul Mari
Le « comportement violent et imprudent des gardes-côtes libyens a causé au moins cinq morts en Méditerranée centrale » lundi (6 novembre) au matin, dénonce l’ONG allemande Sea-Watch.

En Libye, un permis de tuer ?

par Jean-Paul Mari
La Libye vient d’interdire ses côtes à tout navire étranger. Une décision qui vise à criminaliser l’action des ONG, à les réduire à l’inaction, à laisser les migrants se noyer sans témoins. La décision est sans précédent. La Libye a annoncé le 10 août qu’elle interdisait tout navire étranger près de ses côtes. Elle crée - sinistre farce - une «zone de recherche et de sauvetage» où les navires ne pourront pas pénétrer sans autorisation, voire sans «demande express» des autorités libyennes, en particulier pour les bateaux des «ONG qui prétendent vouloir sauver les migrants». Le commandant de la base navale de Tripoli qui a fait cette martiale annonce s’irrite de ceux qui «manquent de respect aux garde-côtes et à la marine libyenne»… En clair, la Libye interdit aux ONG de travailler dans cette région de la Méditerranée, bien au-delà de la limite des 12 milles marins de ses eaux territoriales. Jusqu’où ? Elle ne le dit pas. Et s’octroie le droit d’aller arraisonner des bateaux étrangers dans les eaux internationales. Déni de droit. Pour mémoire, tous les observateurs savent que les garde-côtes libyens n’ont rien à voir avec leurs homologues européens, qu’ils sont souvent constitués de simples milices brutales et corrompues. Leurs «sauvetages» consistent pour l’essentiel - quand ils n’ont pas été assez soudoyés par les passeurs à terre - à aborder les radeaux pneumatiques, à rafler hommes, femmes et enfants, à les ramener vers les prisons de Tripoli où ils sont battus, violés, rançonnés et doivent payer - encore ! - pour pouvoir avoir le droit de se retrouver en enfer. Tous les rescapés l’attestent, la Libye est un cauchemar pour les migrants, surtout s’ils sont noirs et chrétiens. A un médecin humanitaire qui lui demandait pourquoi il était dans cet état et de quoi il souffrait, un naufragé a répondu : «J’ai mal à la Libye.» Humiliations, exploitation, tortures, viols : hommes et femmes, tous ont vécu la même chose. La Libye a réinventé la traite négrière. On imagine mal que les autorités d’une partie de ce pays, qui parlent si fort aujourd’hui, le font sans l’accord tacite des pays européens. Ce n’est pas une surprise. Ces dernières semaines, l’offensive contre les ONG est devenue générale. Paris, Berlin et Rome mettent désormais en cause le travail des ONG. Le chef d’accusation ? Les humanitaires seraient… complices des passeurs libyens. Au départ, il y a peu de chose dans le dossier. Une déclaration d’un procureur de Catane, l’hostilité affichée et attendue de l’agence Frontex, un flot de rumeurs et d’insinuations sur les «vraies» motivations des ONG, leurs méthodes, leurs financements, etc. Une sale campagne de discrédit reprise, amplifiée et déformée avec volupté par tous les mouvements d’extrême droite qui n’ont qu’une obsession : faire disparaître les migrants de la surface de la mer. Quand j’étais à bord de l’Aquarius de SOS Méditerranée et Médecins sans frontières, chaque sauvetage se faisait - et se fait encore - sous la direction du MRCC, le centre maritime de Rome qui désigne les embarcations à secourir et les attribue au navire le plus proche. A l’époque, le MRCC avait d’ailleurs salué l’initiative citoyenne des ONG européennes et l’amiral commandant la flotte militaire européenne de l’opération Sophia nous avait envoyé un télégramme de félicitations et une invitation à déjeuner à son bord. Quant au financement, la plupart des navires naviguent grâce aux dons privés de milliers de citoyens, recueillis en toute transparence. Alors ? Alors, il a suffi d’une seule accusation - sérieuse - contre une petite organisation allemande, Jugend Rettet, pour décréter que… toutes les ONG étaient forcément coupables. Absurde ? Non, cohérent. Parce que les choses ont changé. Il y a un an, l’Europe ne faisait rien. Les migrants se noyaient. Et les pouvoirs politiques se taisaient. Ou bégayaient des professions de foi sans suite à chaque tragédie spectaculaire. Seule l’Italie faisait son travail, employant ses garde-côtes aux secours, recueillant les naufragés, les recevant sur son sol. Elle était bien seule. Comme lors de l’opération Mare Nostrum qui a sauvé - tout de même ! - près de 150 000 migrants en mer. Aujourd’hui, l’Italie a fait savoir qu’elle en avait assez de lancer des appels à l’aide qui restent sans réponse. Elle menace de fermer ses ports engorgés. Durcit le ton. Se referme. L’Europe, elle, a choisi de ne pas faire son devoir, au mépris de toutes ses valeurs. Elle a choisi de payer la Libye, comme elle l’a fait pour la Turquie. Ce n’est pas nouveau. Silvio Berlusconi - une référence - qui se faisait fort d’arrêter le flux des migrants, n’avait pas hésité à faire le chemin de Tripoli pour s’incliner devant Kadhafi et offrir la construction d’une grande autoroute pour 5 milliards de dollars, avec un supplément de 400 millions d’euros pour la marine nationale libyenne. L’Europe, aujourd’hui, prend le même chemin. Dans ce contexte, les ONG sont devenues gênantes. Avec leur façon de créer un corridor humanitaire. Alors il faut les supprimer. Ou au moins, les neutraliser. En leur imposant entre autres un «code de conduite» avec un policier à bord, façon de transformer le secours en contrôle policier des migrants. Exactement comme le veulent aussi les mouvements d’extrême droite qui ont armé un navire, le C-Star, pour refouler les naufragés vers les «secours libyens», autre farce macabre. Gageons que, sous peu, le C-Star s’opposera au travail des navires des ONG, provoquant des incidents en mer, ce qui amènera les autorités à limiter encore plus l’activité des ONG pour des «raisons de sécurité»… Tout cela n’a qu’un but : criminaliser l’action des ONG, c’est les réduire à l’inaction, laisser les migrants se noyer sans témoins, les faire disparaître de la scène internationale. Mais surtout, loin de chez nous. Hors de notre vue. Cela ressemble à un crime contre l’humanité, non ? Avec l’indifférence comme arme de destruction. La décision des Libyens n’est qu’une étape de plus, un permis de chasse, un permis de tuer, et au mieux, pour nous Européens, un permis tacite de laisser mourir.

Abbas, jeune réfugié malade, expulsé en catimini vers Milan

par Jean-Paul Mari
URGENT: Un appel du Comité réfugiés de Montpellier. Ils sont six, tous venus du Sud Soudan. Cela leur a pris des mois, des années pour atteindre la Libye où ils ont été exploités avant d'être forcés à embarquer dans embarcations qui ne méritent pas le nom de bateau. Sauvés de la noyade, ils sont arrivés en Italie où on leur a pris leurs empreintes sous la contrainte et, de là, se sont rendus en France. Ils y sont depuis plus d'un an, progressent dans notre langue et ont une conduite exemplaire. Il y a quelques mois, ils ont été envoyé à Montpellier

Sale campagne contre les ONG de secours aux migrants

par Jean-Paul Mari
Quand les migrants gênent, on dit qu’ils ont la rage. Ou que ceux qui les empêchent de se noyer en mer sont des criminels complices des passeurs. Depuis quelque temps, une série d’accusations visent les ONG dont les bateaux de...

L’Edito: « Réarmer l’Erythrée ? » par Léonard Vincent

par Léonard Vincent
On va donc bientôt discuter, au Conseil de sécurité de l'ONU, d'une possible levée des sanctions militaro-financières frappant l'Erythrée. Et cette fois, ça bouge. Les rapports du Groupe de contrôle chargé de surveiller leur application sont de plus en plus hésitants, vu l'immense omerta qui prévaut dans la Corne de l'Afrique. Les diplomaties occidentales, frissonnant de trouille devant tous ces visages noirs qui se massent à ses portes, se montrent soudain ouvertes à un assouplissement de leur comportement envers l'enfer d'où il se sont évadés, notamment Asmara. La dictature elle-même s'est bien organisée, faisant croire qu'elle était un régime comme un autre, criminel peut-être, mais bien en place. Le monde moderne, quoi. Considérant cette comédie, les membres du Conseil de sécurité ont des préoccupations bien éloignées des lamentations des prisonniers érythréens. Mais la France disposant d'un siège permanent et d'un veto, elle pourrait faire entendre une voix raisonnable. Laquelle ? Celle d'un point de vue bien informé. Voici ce qu'il pourrait être : premièrement, que le règlement définitif de la question des territoires occupés par l’Éthiopie doit être un préalable à tout mouvement un peu constructif dans le coin ; puis que l'examen d'une levée des sanctions ne saurait être entamé qu'en contrepartie d'une chose, et d'une chose seulement : que l'armée érythréenne cesse d'être utilisée comme un outil de réduction à l'esclavage de la population et, donc, que tous les enfermés des camps de l'infamie soient rendus à leur famille, soignés et respectés ; que le régime érythréen n'ayant jamais cessé de se comporter comme un voyou dans la région, en fomentant la violence en Éthiopie et à Djibouti, mais aussi en servant de piste d'envol à l'aviation émiratie qui meurtrit le Yémen, le retour du ministère de la Défense érythréen sur la liste des acheteurs de matériel de combat n'est à l'évidence pas une avancée sur la voie de la paix. Or cela voudrait dire que le président Issayas Afeworki et son clan mafieux acceptent de se saborder ? J'affirme que ce cruel dilemme est bon, car cela pourrait être l'occasion, enfin, de leur proposer une sortie à la hauteur de l'épuisement de leur peuple. L.V ... Lire la pétition de a communauté Érythréenne

L’Édito :Josette ou l’élégance du reporter, par Jean-Paul Mari

par Jean-Paul Mari
Il y a des disparitions plus cruelles, plus injustes, plus scandaleuses que d’autres. Nous avions une grande dame et le qualificatif, désormais, n’est plus très facile à attribuer. Il est d’usage de dire que certaines personnes s’en vont en emportant une partie de notre mémoire. Ce n’est pas totalement exact. La mémoire qui nous reste est seulement plus douloureuse. Elle met le vide en abyme. La mort de Josette me donne le vertige, un peu comme on perd un point de lumière dans l’obscur, un repère moral, un membre aimant de notre famille. Et celui ou ceux qui gouvernent – mal – en haut auraient dû nous la laisser encore un peu, comme une borne lumineuse sur le chemin du ciel. Josette était un coup de foudre pour tous ceux qu’elle rencontrait, sa mort est un coup de grâce. Au Nouvel Observateur, elle est la dernière d’une série de chocs qui ébranle toute la maison. Il y a eu Serge Lafaurie, jeune vieillard magnifique dont Clint Eastwood n’était qu’un pâle sosie, un prince des mots, un seigneur engagé et discret. Et François Cavigioli, sa plume, bon dieu, sa plume ! Et la malice des tendres. Et K.S. Karol, une culture d’encyclopédie politique, un morceau d’histoire contemporaine à lui tout seul. Et son courage. Et maintenant Josette, dont l’élégance du corps et de l’esprit faisait baver d’envie les quatre étages de la rédaction. Ils étaient à la fois beaux, brillants, engagés et humbles. L’humilité. Au temps des selfies, la vertu devient rare, non? Elle, en grande dame, n’étalait rien. Il lui suffisait d’être. Albert Londres aurait fondu devant elle. Nous aussi. Josette, présidente de l’association avant que sa santé ne l’oblige à renoncer, cela suffisait à illuminer la fonction politique, et d’oser imaginer Ava Gardner à l’Élysée. Alors oui, plus que la tristesse, c’est une sainte colère qui nous saisit. La tristesse, ce sera pour plus tard, quand le temps atténuera le scandale de son départ. La tristesse, pas l’amertume. Et quand sera trop forte la nostalgie de notre grande dame, il suffira de fermer les yeux et de la revoir pour retrouver le vrai visage de la jeunesse éternelle. Avec toute notre tendresse.

« Voila pourquoi il faut des bateaux de sauvetage professionnels pour secourir les migrants »

par Jean-Paul Mari
Tragique : Des migrants clandestins périssent noyés devant la caméra d’un Tunisien Une vidéo tournée par un marin tunisien en Mer Méditerranée est en train de choquer sur les réseaux sociaux. Le marin était à bord d’un bateau qui a essayé de porter secours à des immigrés clandestins (en majorité) des Africains qui étaient perdus en pleine mer à bord d’une embarcation de fortune. Voulant à tout prix se sauver, les centaines d’ immigrants clandestins chargés dans cette embarcation se sont tous précipités pour monter sur le bateau venu à leur secours, créant un déséquilibre et un chaos qui ont causé la mort de nombreux parmi eux. Un canot pneumatique surchargé, la panique, le manque d'expérience du sauvetage, l'absence de gilets de sauvetage, un bateau pas adapté, des marins dépassés qui ne peuvent qu'appeler au calme mais n'agissent pas....tout cela a provoqué la noyade des migrants pratiquement laissés à eux-mêmes. Cette tragédie n'aurait jamais eu lieu avec les secours des gardes-côtes italiens ou les trop peu nombreux navires humanitaires qui patrouillent, seuls, au large des côtes libyennes. Depuis le début de l'année, et selon le HCR, le nombre de migrants morts en tentant de traverser la Méditerranée a déjà atteint le niveau record de 3800. Allez! Encore un effort...on va finir par s'y habituer!

Les guerres d’Hollande.

par René Backmann
Jamais, depuis un quart de siècle, autant de soldats et de moyens militaires français n’ont été projetés sur des champs de bataille étrangers. En Afrique, l’opération au Mali a peut-être permis d’enrayer une déstabilisation globale du Sahel, mais l’intervention en Centrafrique risque de se terminer sur un scandale désastreux pour l’armée française.

Agadez, la porte de l’exil

par Jean-Paul Mari
Format : 26 min Reportage : Catherine Norris-Trent, Julien Sauvaget Voir le doc sur France 24 En 3 ans, Agadez, au nord du Niger, est devenue une étape incontournable pour les candidats au rêve européen. Ils sont plus de 12000...

Migrants : de la banalisation de l’horreur

par Jean-Paul Mari
C’est un navire de sauvetage en mer – l’Aquarius – qui fait route vers Trapani, son port d’attache en Sicile. Habituellement, sur le chemin du retour, on se sent soulagés. Une rotation de trois semaines de mer, des sauvetages réussis, des vies sauvées, un équipage fatigué, des bénévoles, des médecins et des marins pressés de souffler. Et puis soudain, un appel, un de plus, le dernier. Le bateau se déroute, bien sûr. Sans savoir ce qu’il va affronter. L’appel du centre maritime de Rome parle de deux canots pneumatiques en détresse. Saletés de radeaux flottants en plastique que les passeurs jettent sur la mer, chargés d’au moins cent personnes, souvent plus. Il faut faire vite. Les sauveteurs savent faire. La routine, hélas. Sauf que la marine militaire italienne informe qu’il y a de « nombreux cadavres à bord de l’un des canots». Un sauvetage de migrants en Méditerranée, face aux côtes libyennes, c’est une affaire toujours une affaire de vie et de mort. Là, en prime, il y a l’horreur. À travers les rapports publiés par SOS MEDITERRANNEE, MSF ou le récit de l’envoyée spéciale du journal Le Monde présente à bord, on comprend le choc que les sauveteurs ont eu en découvrant le canot en plastique en train de couler. Souvent, ces pneumatiques surchargés dérivent au gré des courants, moteur en panne, boudins percés, dégonflés. Leur fond en plastique, tapissé de mauvaises planches, se casse en deux comme une boite d’allumettes. La masse des migrants glisse inexorablement vers le centre, creuse le radeau qui s’enfonce, balayé par les vagues. Au milieu, des femmes, censées être mieux protégées. L’eau monte dans le canot, la panique fait le reste, les migrants se noient, piétinés au fond de l’embarcation. Ils sont partis de Libye vers minuit. Vers cinq heures du matin, c’est le fond du bateau, troué, qui a lâché, l’eau a grimpé et soulevé le plancher flottant. Le premier canot de sauvetage découvre des hommes et des femmes terrorisées qui se débattent dans un mélange d’eau de mer, de vomi et de carburant, cette essence puante qui les intoxique, les fait délirer, les tue. Au fond du canot, 22 corps, dont 21 femmes. Les autres ont des regards hallucinés. Ils ont passé près de six heures à côté des morts, un compagnon, une épouse, une sœur. Quand ils arrivent à bord de l’Aquarius, la plupart n’arrivent pas à marcher, d’autres tiennent des propos incohérents. Des survivants hagards, qui n’ont rien mangé ou bu depuis des jours et qu’on douche à grands jets, pour essayer de les débarrasser de cette saleté d’odeur d’essence qui empuantit le pont du navire. Une odeur de mort. Bien sûr, l’Aquarius a sauvé, ce mercredi 20 juillet, 209 personnes, dont 50 mineurs, des Africains qui fuyaient le Nigeria, la Côte d’Ivoire ou la Guinée-Conakry. Mais les rescapés et leurs sauveteurs ont fait le voyage du retour avec vingt-cinq sacs mortuaires sur lesquels on a tracé à la craie un numéro et un début d’identification. Sauveteur ou migrant, personne ne pourra oublier ça. À terre, cela semble plus facile. Vingt-deux migrants morts de plus…allons, cela ne change vraiment pas le « score » des trente, quarante mille noyés en quinze ans, 2014, non ? Il y a dix ans, l’affaire nous aurait secoués et les éditorialistes auraient interrogé les consciences et les politiques. Aujourd’hui, à l’exception du récit du Monde, cela fait une courte dépêche AFP, quelques lignes d’une brève dans les quotidiens, peut-être une phrase en fin de journal…L’horreur se banalise. Puisque le cœur nous manque, regardons les chiffres. Cette année, 80 000 hommes, femmes et enfants ont traversé la mer jusqu’en Italie (HCR). Depuis 2014, 10 000 sont morts ou sont portés disparus en tentant de gagner l’Europe par la mer, notre Méditerranée. Dix mille…Plus vingt-deux, ce mercredi d’été. Dont vingt et une femmes. Victimes des guerre du monde, de la misère de l’Afrique, des passeurs libyens, de radeaux de plastique puant le vomi et l’essence. Victimes enfin de notre goût du confort. Et de cette formidable capacité, que nous avons développé, à accepter l’inacceptable. JPM

« NOIR ET BLANC en couleurs »

par Edoardo di Muro
Bande dessinée à grand spectacle. Livre entier. L'Afrique en couleurs vue par un grand dessinateur,Edoardo di Muro.

L’Édito: « Sauvés par les Libyens?Non merci! », par Jean Paul Mari.

par Jean-Paul Mari
Alors que Sophia ( l'Europe) vient de signer un accord avec la marine libyenne...... Ce mardi 25 mai, six grands canots pneumatiques transportant 550 migrants ont été « secourus » par les garde-côtes libyens au large de Sabratha, à l’ouest de Tripoli. Ce n’est pas la première fois que les autorités libyennes parlent de sauvetage de migrants dans la limite des des eaux territoriales du pays. Deux jours plus tôt, 850 réfugiés, embarqués dans de fragiles embarcations pneumatiques ont été arrêtés au large de Zaouira. En avril, ce sont 649 hommes, femmes et enfants, à bord de sept canots, qui ont été interceptés. A chaque fois, les autorités libyennes parlent de « sauvetage ». A chaque fois, le même communiqué claironne que « les migrants secourus ont été remis aux autorités maritimes avant d’être transférés dans des centres d’accueil et d’hébergement ». La réalité est bien différente. D’abord, les Zodiacs modernes des garde-côtes libyens ne sont pas des bateaux de sauvetage. Ils sont certes puissamment motorisés, sont armés d’une mitrailleuse, mais n’ont pas le capacité d’emport qui leur permettent d’accueillir la grosse centaine de passagers que contient un grand et fragile canot pneumatique utilisé par les passeurs. Ensuite, l’intervention est moins une action de sauvetage qu’une interception, suivie de l’arrestation des migrants. Le 20 mars dernier, la brutalité de l’action a provoqué le chavirage d’un canot et la noyade de neuf des migrants à bord. Et deux jours plus tôt, un canot a pris feu pendant l’intervention et quatre naufragés sont morts carbonisés. Enfin, l’expression « autorité maritime » ne veut plus dire grand-chose dans un pays divisé entre au moins deux gouvernements, l’un, à l’est, reconnu par la communauté internationale et l’autre, à Tripoli - précisément à l’endroit où se déroulent les « sauvetages » - soutenu par une coalition de milices notamment islamistes. Thomas, un Gambien recueilli à bord de l’Aquarius de SOS MÉDITERRANÉE a témoigné des résultats de son premier « sauvetage » par les garde-côtes. En fait de « centre d’accueil et d’hébergement », il a été jeté avec les autres en prison, battu et rançonné, et n’a pu s’en sortir qu’en payant une somme équivalente à 500 euros. Avant de repayer un passeur pour une deuxième tentative, terrorisé à l’idée... de se faire « sauver » une deuxième fois par les garde-côtes. La Libye, pays sans loi et sans droit pour les migrants, qui sont pour l’essentiel des Africains noirs et parfois, condition aggravante, chrétiens, ne sauve pas les réfugiés, elle les capture à nouveau, les maltraite, les exploite. Avant de diffuser des communiqués humanitaires triomphants, histoire de montrer à la communauté internationale qu’elle n’a surtout pas besoin d’intervention extérieure dans ses eaux territoriales, comme l’Europe menace de le faire avec l’opération Sophia. Et que Tripoli sait faire le ménage tout seul pour débarrasser la mer des migrants, cette population aussi gênante que rentable.

Voyage au Nord Kivu en guerre éternelle.

par Corentin Fohlen
En novembre 2008, de violents combats opposent les milices du Congrès National pour la Défense du Peuple (CNDP) du rebelle Laurent Nkunda à l’armée congolaise dans la province du Nord-Kivu, région à l’est de la République Démocratique du Congo. Un...

L’Edito: « Les gifles des boxeurs » par Léonard Vincent

par Léonard Vincent
J'étais en charge d'une rédaction le week-end dernier et une tenaille me serrait la gorge. Je savais que, depuis quelques semaines, des centaines de personnes terrorisées étaient de nouveau entassées, sur les plages de Libye, dans des boudins de plastique. On les poussait à la mer après les avoir brutalisé et fait les poches. Je savais qu'une fois au large, comme chaque année, beaucoup se noyaient, parce que leur matelas pneumatique cédait au poids, à l'usure, aux vagues, à leur rafistolage. De rares navires se portaient au secours des survivants. Quant aux morts, je voyais une fois encore que leurs cadavres gonflés commençaient à s'échouer sur les plages d'Afrique. Et puis un chiffre m'est tombé sous les yeux : plus de mille morts en douze jours. Pour le média pour lequel je travaille, j'avais déjà raconté tout cela. L'évasion hors d’Érythrée, la fuite éperdue vers la paix, les camps de concentration en Égypte et en Libye, les naufrages, les héros, l'Italie, Calais... Mais ces histoires illustrées, clamées, n'ont rien changé. Pire : leur répétition a habitué les consciences et lassé les rédactions. Comme ces gifles stimulantes que se donnent les boxeurs avant le combat. Malgré tout, j'ai demandé aux journalistes de la rédaction dont j'avais la charge, une fois de plus, d'appeler untel, d'écrire ceci ou cela. Je suppose que c'est ainsi qu'on maintient allumée les bougies dans les tempêtes : au cas où. Peut-être un jour aura-t-on besoin du feu. Ou d'allumer un incendie.

Edito: « Quand la vague grossit », par Jean-Paul Mari

par Jean-Paul Mari
Ce matin-là, la mer, calme et sans vent, s’est mise à résonner d’appels radio d’embarcations en détresse relayées par le centre maritime de Rome. Un, deux, trois, dix, onze « Zodiacs » sont apparus, venus de nulle part, puisque venu de Libye, cette terre de cauchemar pour les migrants, ce pays hors du temps et de l’espace des hommes. Onze canots pneumatiques en mauvais caoutchouc. De gros boudins qui fuient de toutes parts, se dégonflent, s’aplatissent comme des jouets de plage crevés. Une toile molle en guise de sol renforcée par un parquet de planches vissées à la diable, pointes en l’air, histoire d’interdire le repos et de transpercer les chairs. Onze radeaux humains chargés chacun de plus de cent personnes, hommes, femmes et enfants, déjà tétanisés par le froid, la soif, la faim, le mal de mer et la panique. Tous les navires présents face à la côte libyenne ont cherché les migrants perdus, en se dépêchant de les trouver avant de ne rencontrer qu’un trou dans l’eau. Les bateaux de guerre de l’opération Sophia, chargé de traquer les passeurs et ne rencontrent que des naufragés, le « Dignity I », le navire de MSF et l’Aquarius de SOS MÉDITERRANÉE qui patrouillaient dans la zone. En quelques heures, mille cinq cents naufragés sont secourus, mis au sec, soignés et dirigés vers les centres d’accueil de Sicile. En huit rotations, l’Aquarius prend à son bord des femmes en état d’extrême fatigue, des mineurs dont un enfant de trois ans et six hommes présentant des fractures aux bras à coup de gourdins et des traces de torture sur tout le corps, souvenir de Libye. Depuis le début de cette campagne, l’Aquarius a récupéré 1403 migrants promis à la noyade. Un matin de mer calme, onze « zodiacs » sur l’eau d’un coup...chaque printemps produit le même effet qu’on s’acharne à qualifier de « surprise ». Un peu comme la bataille des chiffres de l’emploi, les organismes officiels s’attachent à noter ici ou là une baisse des arrivées, un jour sans, un fléchissement...rien n’y fait. La réalité est que l’Italie a déjà accueilli 31000 réfugiés depuis le début de l’année et 2000 d’entre eux sont partis de la lointaine Égypte, dix fois plus que l’an dernier à la même époque, pour un voyage plus long, donc plus dangereux encore. Combien se sont noyés ? Combien ont disparu sans pouvoir lancer d’appel radio, sans laisser de trace, sans un chiffre, sans un nom, sans un mot ? Combien de trous dans l’eau ? On dit déjà 800, on disait près de 4000 l’an dernier. On estime. On ne sait pas. Chez nous, un seul disparu mobilise tout un service de police ; en mer, c’est une petite virgule sur le cahier des petits comptables de la mort. Une chose est sûre, les prévisions « rassurantes » sont déjà fausses et la Méditerranée connaît un nouvel afflux de réfugiés. Quand la mer est calme, la vague des migrants grossit. JPM

Sauvetage tragique

par Jean-Paul Mari
Crédit photo : Patrick Bar / SOS MEDITERRANEE Sauvetage tragique en Méditerranée   Dimanche 17 avril, au lendemain d’un sauvetage de 116 personnes, l’Aquarius de l’association SOS MEDITERRANEE et son partenaire médical Médecins du Monde a procédé à un nouveau...

Aquarius: Le journal de bord en images

par Patrick Bar
Patrick Bar a rejoint SOS MEDITERRANEE à bord de l'Aquarius depuis son départ de la mer du Nord. Jour après jour, il photographie la vie à bord de l'Aquarius, les opérations de sauvetage et les réfugiés avec pudeur et talent. Il nous livre ici son journal de bord de l'Aquarius.

Sauvetage en Méditerranée

par Patrick Bar
Patrick Bar, photographe bénévole de "SOS MEDITERRANEE", a embarqué en janvier dernier sur l'Aquarius, le bateau de l'Association. Photo reporter confirmé, il nous offre un magnifique clip vidéo sur les récents sauvetages.

L’Edito: « Le prochain sauvetage », par Jean Paul Mari.

par Jean-Paul Mari
Il est déjà minuit, la mer est calme et je ne parviens pas à trouver le sommeil. A terre, sur la côte libyenne, les migrants se préparent à tenter la grande traversée. Je les imagine d’abord parqués dans cette grande baraque dans les dunes, là où les passeurs les font attendre des jours, parfois des semaines. Cette nuit, ils sont plusieurs centaines, Nigérians, Ghanéens, Gambiens, Maliens, Ivoiriens, Camerounais. Hommes, femmes, enfants, bébés. On les fait sortir sous escorte. Des Libyens armés de kalachnikovs ont ordre de ne pas laisser s’approcher les groupes rivaux qui veulent leur voler les migrants. Pour les revendre, les faire travailler, les enrôler dans leurs milices. Sur la plage, une demi-lune éclaire faiblement l’eau noire. Et les réfugiés découvrent cette mer qu’ils n’ont jamais vue. A cent mètres du rivage, les « Zodiacs » les attendent, deux boudins de mauvais plastique, un vieux moteur, un plancher de fortune. Derrière eux, ils entendent les détonations des combats. L’escorte contre les milices. Les passeurs leur ordonnent d’entrer dans l’eau qui leur arrive jusqu’au nez. Les migrants ne savent pas nager. Tous pataugent, s’agrippent, se battent, certains se noient. En posant le pied à bord, un homme crie de douleur, le pied troué par les longues vis qui pointent au fond du Zodiac. On s’entasse. Il est déjà trois heures du matin. L’esquif a pris la mer, sans les passeurs - pas fous ! - qui ont laissé la barre à un des hommes. Deux heures plus tard, le Zodiac est déjà en détresse. On colle des rustines sur les boudins percés qui se dégonflent, le moteur cafouille, les planches du sol cèdent et déchirent le plastique. À bord, tous sont malades. Leurs vêtements trempés dès le départ, le vent, le froid qui les tétanise, les vagues qui les font vomir, l’obscurité sur l’eau qui les terrifie. Il est 6H11, l’heure où le jour pointe sur Tripoli. Le pilote a lancé un SOS et, quand il a un GPS, donné sa position. 6H15, message radio du centre maritime de Rome à tous les navires sur zone : « Embarcation pneumatique en détresse. Une centaine de personnes. Extrême vigilance. Coordonnées... » Sur l’Aquarius, les veilleurs balaient la mer de leurs jumelles et le capitaine pousse les machines en affinant son cap. Un cri. Les voilà. Ce petit point blanc là-bas qui s’enfonce sur la mer. L’eau clapote au fond du Zodiac. Ils sont déjà à deux doigts de sombrer. L’équipe de secours met son premier canot à la mer. Il est déjà sept heures du matin. Moi, je suis revenu à terre. Je ne verrai pas le prochain sauvetage. Mais l’Aquarius est en place. Je peux enfin m’endormir. JPM

« SOS MEDITERRANEE » prolonge sa mission jusqu’à la fin 2016

par Jean-Paul Mari
L'association SOS Méditerranée qui a affrété un navire pour secourir des migrants en mer, va poursuivre sa mission jusqu'à la fin 2016. Le contrat d'affrètement a été signé pour trois mois et doit s'arrêter fin avril, mais « forte de cette première expérience et au vu du nombre de vies à sauver, l'association a décidé de poursuivre sa mission jusqu'à la fin de l'année », écrit-elle dans un communiqué.

L’Editio. « Lettre à ma mer », par Jean Paul Mari.

par Jean-Paul Mari
Ah ! Te revoilà, toi ! Mais où étais-tu donc passée? Depuis qu’on a pris le chemin du retour vers la Sicile, tu nous refais les yeux doux et le dos rond. Les 1817 tonnes de l’Aquarius glissent sur une mer lisse, une eau bleue miroir, sans un souffle de vent. Ce matin, après une nuit sans cauchemars, j’ai écarté les rideaux de ma cabine sur un ciel transparent et léger. Dehors se profilait le paradis. Levanzo, Marettimo et Favignana, les îles des Égades à l’ouest de la Sicile, ses plages dorées, son vin noir et ses rougets frits. Surpris, j’ai écouté. Pas un craquement, plus le moindre signe de cette colère qui tourmentait la grande carcasse d’acier de notre Aquarius. Il y a quelques heures à peine, face aux côtes libyennes, je ne t’ai pas reconnu sous ta lumière grise, les lèvres ourlées d’une bave d’écume et le creux de tes vagues grimaçant un vilain rictus mortuaire. J’étais abasourdi. Notre mer la Méditerranée ne m’avait pas élevé avec autant de dureté. Et ce vent, ce vent ! Sifflant comme Scylla quand elle saisit les naufragés et les noie sans pitié. Ce matin-là, ce n’était même pas des marins, mais des Africains à la dérive. Ne savaient même pas nager ! Leur moteur cafouillait, leur Zodiac dégonflé fuyait de toutes parts, radeau du désespoir qui convulsait sur l’eau comme un animal à l’agonie. Ils n’avaient aucune chance! Et toi, tu t’acharnais. L’Aquarius est arrivé juste à temps. On te les a arrachés. Et la nuit, sur le pont de notre bateau, je les ai écoutés. D’abord, Priscille, et son bébé de trois mois, prénommée « Bénédiction », partie du Cameroun son bébé à peine né, pour fuir un mariage forcé, pour lui donner une vie où elle aura le choix. Et Willy, cinq ans, rivé au bastingage face à l’inconnu me demandant « s’il y avait des poissons dans la mer qui mangent les hommes ? » Et l’autre, gaillard de vingt ans, fils de grand magistrat, père décédé et mère ruinée, dépossédée, escroquée par son oncle, qui a décidé de trouver l’argent pour réparer l’injustice. Et Siku, le Nigérian, qui a fui Boko Haram. Comme Cyril, le Camerounais, Chrétien, lui aussi menacé par les islamistes. Cyril, frappé par le syndrome libyen, racisme, séquestration, viols et « maisons de torture ». Cyril, qui parle comme un docteur en philosophie en racontant à voix basse les milices et les tueurs de Daech, les migrants forcés de prendre les armes pour jouer la chair à canon. Et ces pauvres bougres qu’on drogue pour les transformer en tortionnaires de leurs frères. Ainsi dans ces formes qui dorment autour de nous enroulées dans des couvertures, il y aurait côte à côte torturés et tortionnaires ? Et Cyril a fait oui de la tête. Dehors, la mer grondait, ricanait et je ne la reconnaissais plus. Pour ne pas la haïr, je me suis forcé à me rappeler les dauphins venus à notre encontre lors du sauvetage du Zodiac. Un, deux, trois, quatre puis cinq dauphins qui se sont placés juste devant la proue du bateau. Sont restés là longtemps. Jusqu’à ce qu’on le trouve. Pour nous montrer le chemin. JPM

L’Edito: « Quand volent les migrants », par Jean Paul Mari.

par Jean-Paul Mari
Qu’ils sont sages et disciplinés nos réfugiés ! Sur le pont de l’Aquarius, ils sont 118 à faire la queue, baluchon à la main, tête enfouie dans une couverture grise, à balancer au gré de la houle leur marche des sépulcres. Devant eux, l’île de Lampedusa, la mer, et le bastingage de bâbord à enjamber. L’Aquarius a navigué toute la nuit à vitesse réduite, histoire de ne pas déranger leur sommeil de revenants. Les vagues nous ont d’abord bercés, avant de nous réveiller, au petit matin. Le mauvais temps était de retour. Le vent nous interdisait l’entrée dans le port. Il fallait trouver un endroit à l’abri derrière l’île et transborder nos rescapés vers deux grosses vedettes des garde-côtes qui attendaient. Les migrants, pourtant habitués à tout, ont un peu écarquillé les yeux en voyant les membres de l’équipage italien en combinaison blanche, gants de plastique blanc et masques sur le visage. L’un d’eux, plongeur, était tout d’orange vêtu, une caméra go-pro fichée au sommet du crâne. Un doux mélange du principe de précaution et de règlement sanitaire. Le peuple des Martiens a tendu les bras au peuple des couvertures, quelques ordres en sicilien ont réglé la manoeuvre et le transbordement a commencé. Les deux navires, bord à bord, montaient et descendaient au gré des vagues de trois mètres, leurs coques risquant à tout moment de se percuter, masses d’acier chacune capable d’écraser d’un coup toute une colonie de vacances. On a commencé par les deux bébés que de rudes bras de marins ont cueillis avec la douceur d’une nourrice, puis leurs mères, un adolescent sans béquille, les jambes paralysées par la poliomyélite et enfin les hommes, parfois plus lourds que leurs sauveurs. Sur l’Aquarius, marins et capitaine briefaient chaque candidat au grand saut : - « Tourne-toi ! Regarde-nous ! Descends l’échelle un pied après l’autre. Et lâche tout quand on te le dit...maintenant ! » Un bateau montait, l’autre plongeait et un corps volait dans l’intervalle, assuré par quatre paires de bras, au-dessus de l’eau qui écumait de rater sa prise. Deux fois, nous avons dû changer de mouillage. Deux fois, le vent et les vagues nous ont rattrapés. La vedette et l’Aquarius sautaient comme des bouchons, mais les migrants volaient bien droit, atterrissant en douceur sur le pont de la vedette italienne, en terre d’Europe. Au bout de deux heures d’acrobatie, les réfugiés ont terminé au chaud et nous en sueur. L’Aquarius était vide. Les marins des deux bateaux se sont applaudis, soulagés, les migrants ont dit au revoir de la main, et on a vu s’éloigner le peuple des ressuscités, visages noirs d’ébène et sourires de nouveau-nés. Le capitaine Klaus, responsable de l’Aquarius, les a longtemps suivis d’un regard où se lisait à la fois soulagement et révolte : «Vaudrait mieux qu’ils voyagent en avion, non?» JPM

L’edito : « La flottille des désespérés », par Jean-Paul Mari.

par Jean-Paul Mari
Aujourd’hui, il s’est passé quelque chose d’effrayant. La confirmation de ce que redoutions. Hier, en regardant la mer qui se lissait sous nos yeux, l’absence de vent, le ciel bleu et sans nuages de la Méditerranée retrouvée, on a compris. Après une semaine de mauvais temps, les migrants allaient pouvoir se jeter à l’eau. Devant nous, sur la côte libyenne, les passeurs piaffaient, pressés de reprendre leur commerce des hommes. Leur traite. Là-bas, des Africains, candidats au départ, attendaient, entassés dans des bicoques près de la plage, la peur au ventre. Peur de la brutalité des passeurs, peur de ne pas partir, peur de continuer à endurer leur calvaire dans l’enfer libyen. Il a suffi d’une journée d’accalmie, une seule. Et c’est toute une flottille qui a pris la mer. Sur la passerelle, les messages du MRCC, le centre maritime de Rome, parvenaient à la cadence d’une agence de presse. 5H50 : « bateau en détresse- position inconnue – vigilance ». 6H10 : deux bateaux en détresse – position »...trop loin pour nous ! 8H00 : « un Zodiac secouru par Marine italienne ». Ouf ! Un répit. 8H38 : « Nouveau bateau en détresse. Lat : 32° 55’ N / Long : 012° 30 E». Un autre ? Oui, un autre. Dans la même zone. Ils sont partis de l’Ouest de Tripoli. Sans doute des plages de Zuwara, la route la plus courte vers la Sicile. Rome nous demande de filer plein ouest, pour aller à leur rencontre. 9H13 : « Deux autres bateaux en détresse... » On fonce à dix nœuds en poussant nos machines. La mer bruisse d’appels radio. Les navires militaires de l’Opération Sophia sont eux aussi à la manœuvre. Trop de Zodiacs sur l’eau, trop de naufrages possibles. Rome distribue, coordonne. Et on arrive à temps. Le voilà, sa masse grise de fragile jouet de plage perdu entre deux vagues. Premier repérage en canot. Ils sont nombreux, il y a des hommes, des femmes, des gosses, des bébés. On charge 120 gilets de sauvetage. Et peu après, ils arrivent. D’abord les deux nourrissons extraits du fond du Zodiac. Et deux enfants de 2 et six ans, Erwan et Willy, de Centrafrique. Leur mère monte à bord, fait des gestes pour dire qu’on leur a tiré dessus, s’effondre. Dora, une jolie Nigériane, s’écroule elle aussi en pleurs, sans pouvoir dire un mot. Souleimane remercie le ciel par une prière à même le plancher du pont. Et il faut porter un jeune de dix-huit ans, atteint de polio, et qui a perdu ses béquilles en Libye. Certains sont plus forts, sourient, remercient comme ce groupe venu de Yaoundé au Cameroun. Mais tous sont trempés jusqu’aux os, grelottent au soleil, demandent une couverture, une bouteille d’eau, un biscuit. On s’éloigne du Zodiac, dangereux, lesté d’un bidon d’essence qui fuit. Au fond du rafiot, toujours ces planches et ces longues vis, pointes en haut, assez longues pour déchirer pieds et jambes. Un marin de chez nous essaie de percer le boudin en mauvais plastique, déjà largement dégonflé. Le « Zodiac » ne serait pas allé bien loin. A bord, on compte : 119 réfugiés, 13 femmes, deux enfants, deux bébés. Et les appels radio qui continuent à courir sur l’eau. Une véritable flottille en détresse. Et toute une mer qui gémit. JPM

L’Edito:  » Un gros bébé sur l’eau », par Jean-Paul Mari.

par Jean-Paul Mari
D’abord, il y a eu le silence. On était seul sur l’eau. Et la mer nous paraissait bien vide. Nos veilleurs guettaient la crête des vagues, à la recherche d’un point gris émergent, un Zodiac, avant que le creux de la houle ne l’enfouisse en son sein. Parfois, dans les jumelles, la silhouette d’un cargo, filant vers Tripoli. Et à la nuit tombée, une lune qui inventait des ombres d’éphémères radeaux de rescapés. Et puis un matin, l’appel du MRCC, le centre maritime de Rome, pour nous signaler un Zodiac, cent personnes, en détresse. Trop loin de nous. Le temps sur l’eau est parfois synonyme de naufrage. On a poussé les machines, l’estomac noué. Soudain, on les a vus, surgis de nulle part. Deux grands navires de guerre, un espagnol à l’est, un anglais à l’ouest, qui filaient vingt nœuds, le double de notre vitesse. Et ils fonçaient vers le minuscule Zodiac gris pris en tenaille. « Sophia », le nom a couru sur la passerelle. « Sophia », bien sûr, du nom de l’opération militaire lancée en mai dernier par l’Union Européenne dans la partie sud de la Méditerranée centrale, joliment siglée EUNAVFOR MED. Seize États membres, cinq navires de combat, un porte-avions, des hélicoptères, des militaires, des torpilles, des canons face aux côtes libyennes. Objectif : identifier, capturer et neutraliser tout ce qui flotte et peut-être utilisé par des passeurs ou des trafiquants de migrants. Ils ont le droit d’arraisonner un bateau suspect, le sommer de s’arrêter, le fouiller et s’il y a soupçon, de le saisir. Une quinzaine de suspects ont déjà été remis à la justice italienne. La deuxième étape de l’opération, pénétrer à l’intérieur des 12 miles nautiques, une vingtaine de kilomètres, n’attend plus que le feu vert du Conseil de Sécurité et feu vert officiel de Tripoli. Face à une telle armada...notre Zodiac paraissait bien fragile. Rome a demandé par radio à l’Aquarius de rester à l’écart, mais présent, en assistance, avec notre clinique médicale opérationnelle à bord. Puis les militaires ont commencé leur opération de sauvetage. Ouf de soulagement sur la passerelle. Ah ! bien. Les militaires savaient aussi secourir. D’ailleurs, le très vilain nom de EUNAVFOR MED avait été rapidement remplacé par « Sophia », du prénom d’un bébé de réfugiés né à bord d’un navire de secours allemand en août dernier. Les jours suivants, ils étaient toujours là, visibles. Un Italien notamment qui nous accompagnait au gré de nos changements de cap. Le « Virginio Fasan » - navire amiral ! – portait le nom d’un commandant de la Deuxième Guerre mondiale qui avait préféré saborder son vaisseau plutôt que de le livrer aux Allemands. Il ne nous quittait pas de ses jumelles. Le temps s’est soudain mis au beau, autorisant le départ des embarcations de réfugiés. Et l’Aquarius a dû aussitôt reprendre sa ronde et la veille. N’empêche. L’Amiral nous fait parvenir un dernier télex pour « exprimer sa gratitude pour votre inestimable soutien apporté aux autorités italiennes dans cette difficile situation ». Finalement, Sophia ne manque pas d’élégance. JPM

L’Edito:  » A même la peau », par Jean-Paul Mari.

par Jean-Paul Mari
Quelque chose a changé sur l’Aquarius. Et pas seulement le temps. Du Grand frais, 7 sur l’échelle de Mr Beaufort, vagues de 5 mètres de haut, vent de 50 à 60 km/h, l’écume blanche soufflée en trainées et train de lames déferlantes. Le navire monte, descend, roule et les coursives sont habitées par des hommes qui titubent, bras écartés, comme des alcoolos au petit matin. Non, ce n’est pas cette mer qui dérange. Plutôt un mouvement de houle qui vient de l’intérieur. La flamme est toujours là, la volonté de faire intacte. Sauf qu’entre temps, l’Aquarius a hébergé 74 réfugiés. Et ce qu’ils ont dit, le peu qu’ils ont lâché, par bribes, sur leur calvaire, en mauvais français ou anglais, la gorge serrée ou pire, sur un ton apparemment détaché, a mis l’équipage face au réel de l’horreur. Depuis, tout le monde est plus silencieux. Et sait que chaque sauvetage apportera son lot de gifles. Patrick, notre photographe, s’enferme parfois dans sa cabine. Lui, il savait déjà. Sur son écran, deux photo. Une, au petit matin, grisâtre, couleur du plastique du « Zodiac » du dernier sauvetage ; l’autre, en noir et blanc, une jonque en mer de Chine, bourrée de boat-people vietnamiens, surmontée d’un grand « SOS » noir écrit à l’huile de moteur sur un sac de jute. C’était il y a 28 ans, sur le « Mary », un navire affrété par un mécène de Monaco. À Cergy-Pontoise, le jeune pigiste s’était lié d’amitié avec Monsieur Thanh, sauvé quelques années plus tôt et devenu cadre dans une société d’alimentation. En apprenant le projet en mer de Chine, Patrick s’est précipité. Il avait vingt ans. En un mois, le « Mary » a secouru 327 hommes, femmes et enfants. Débarqué, un peu sonné, le jeune photographe a couru la Roumanie, la Somalie, le Cambodge et le Burkina Faso. Mais à l’époque, l’humanitaire n’était pas encore un métier. Deux enfants à nourrir, un poste à Nice-Matin, un autre à Ici Paris, des Boat-people au People et cette photo qu’il regardait souvent, en noir et blanc, couleur du tatouage qu’il s’est fait faire sur l’épaule droite : « SOS. Boat people. 1988 ». Aujourd’hui, le voilà en Méditerranée, sur l’Aquarius. Ses cheveux et sa barbe ont blanchi. Des hommes dérivent toujours sur l’eau, mais on ne les appelle plus « réfugiés » mais « migrants ». Et quand on les a déposés à Lampedusa, Patrick le photographe a eu un haut-le-cœur en découvrant des voitures de police à côté des ambulances de la « Miséricordia ». Les rescapés vietnamiens circulaient librement dans le camp de réfugiés de l’île de Palawan aux Philippines, nos Africains migrants, eux, attendront leur sort dans un camp de rétention gardé par des Carabinieri. Depuis, Patrick passe un peu plus de temps qu’avant dans sa cabine à éditer ses photos. Il a partagé son écran d’accueil en deux, la jonque de Chine d’un côté, le Zodiac de l’autre. Il pense souvent à son ami, Monsieur Thanh, aujourd’hui disparu. Et, à la première escale, il a juré de se faire tatouer un second « SOS ». Sur l’épaule gauche. JPM

L’Edito: « J’ai mal à la Libye », par Jean-Paul Mari.

par Jean-Paul Mari
C’est l’histoire d’une gamine qui rêve devant une photo de magazine. On y voit un médecin assis à l’arrière d’un pick-up, en Afrique, un bras levé pour tenir une perfusion au-dessus d’un blessé. Et la petite fille se fait une promesse : « Un jour... » Rêve de gosse. Anne a aujourd’hui 51 ans. Elle a fait médecine et 4 ans d’internat mais seule une matière l’intéresse, la médecine généraliste, loin des cabinets et des hôpitaux bien trop blancs. Ce sera l’Afrique, le Cameroun d’abord, la « Vallée des combats » où huit tribus animistes et très guerrières font une trêve, le jour de Noël, pour faire plaisir au toubab chrétien. En Égypte, Anne fait escale, et y reste quinze ans, amoureuse d’un copte-orthodoxe son futur époux. Revenue en France, elle choisit la Normandie, pour leurs deux enfants, la mer et une tentative de médecin de campagne. Calais n’est pas loin. Et les premiers migrants souffrent d’épuisement, de tuberculose, de vieilles blessures et de terribles traumas psychiques. Dans la tente de sa salle d’attente, les adultes s’emparent des crayons pour enfants et dessinent des bateaux qui coulent et des hommes qui se noient. Alors quand elle apprend que l’Aquarius, le navire affrété par SOS MÉDITERRANÉE, part en campagne... La Méditerranée, notre mer pleine de grâce, sait aussi se montrer cruelle. La tempête empêche les départs des migrants. Docteur Anne en profite pour distribuer de l’anti-mal de mer et briefer son équipe de « Médecins du Monde », Stéphanie, l’urgentiste mexicaine, les infirmières Céline et Maryse et Richard, un logisticien de choc. Au matin du onzième jour, le réveil est brutal. Un Zodiac, sur l’eau, bourré de réfugiés. Un quart d’heure plus tard, la clinique de bord est opérationnelle et voilà les premiers rescapés qui arrivent. Dans quel état ! Ils titubent, raides, le regard vague, trempés jusqu’aux os, tétanisés par le froid, s’effondrent sans un mot. On déchoque une femme enceinte, on recoud le pied d’un homme transpercé par les clous au fond du Zodiac, on panse toute la misère du monde. Anne sait écouter les migrants. Les hommes lui racontent l’horreur, par petits bouts, la faim, la soif, les coups, la torture, l’humiliation dans les geôles libyennes. Les femmes, elles, ne disent pas un mot. La plus jeune, la plus jeune, se cache, roulée ne boule sous la table d’examen. - « Où as-tu mal ? » - « Je n’en peux plus.» - « Un homme t’a fait du mal ? » -« Je n’en peux plus !» La gamine est enceinte. Anne comprend qu’elle a été violée. Comme toutes les autres rescapées. Le médecin de Calais revoit les terribles dessins faits par les migrants de la jungle, clairs, précis, souvenirs intacts. Traumatisés. Le lendemain, sur le port de Lampedusa, médecins et réfugiés s’appellent par leur prénom et s’embrassent. Et Anne fait passer de petites notes médicales aux autorités sanitaires italiennes : « attention à celui-ci, blessé...attention à celle-là, fragile. » Le bateau, vide, est revenu sur la mer démontée face à Tripoli. Malgré ses vingt-cinq ans de carrière, Anne confesse qu’elle n’a jamais vu de tels maux, une telle détresse. Une sorte de syndrome inconnu. Comme cet homme jeune venu la voir en consultation. Une fois, deux fois, trois fois, le médecin a demandé :«De quoi est-ce que souffres?» Et le jeune migrant a fini par répondre : « J’ai mal à la Libye. » JPM

L’Edito: « Ô rage… », par Jean paul Mari.

par Jean-Paul Mari
Le temps de la mer n’est pas toujours celui des hommes. Deux jours que nous avons quitté l’escale de Lampedusa où nous avons déposé nos 74 réfugiés sains et saufs. L’Aquarius a poussé sans moteur de 2300 kw pour filer toute la nuit et arriver à 6 H00, pile à l’heure où les migrants atteignent les 20 miles au large de la côte libyenne. Peine perdue. La mer creusée, le vent violent, empêchaient tout départ des fameux « Zodiacs » qui ne sont que des bateaux pneumatiques, façon gros jouets de plage. Têtu, notre navire a recommencé à patrouiller, d’est en ouest, d’ouest en est. Et la Méditerranée a pris en soirée une vilaine couleur grise. Ce matin, le froid est arrivé, moins de 14 °. Pour partir, les migrants sont obligés de se jeter à l’eau et de nager le plus vite possible jusqu’à leur embarcation ancrée loin de la plage. À peine arrivé à bord de l’Aquarius, Moussa, un ancien footballeur ivoirien s’est effondré. Il venait de perdre ses deux frères. Les militaires les avaient rafalé sur la plage. Quand les fugitifs finissent par grimper dans leur Zodiac, ils sont déjà terrorisés, épuisés et trempés jusqu’aux os. La nuit, le froid, le vent font le reste. La mer est cruelle. Et moi, j’enrage. L’Aquarius est condamné à faire des ronds dans l’eau, parfois sous l’eau. Comme dans le mess où chaque vague de quatre mètres submerge les hublots en vous donnant l’impression de vivre à l’intérieur d’une machine à laver. On reste là, à regarder les petites bulles d’air qui tourbillonnent vers la surface, avec l’étrange sensation d’être un noyé. Et cette météo qui annonce des vagues de six mètres ! Déjà mal à l’aise sur ma table d’écriture qui joue les rocking-chairs, je me vois mal faire l’ascenseur entre le rez-de-chaussée et le deuxième étage. Bah ! La mer n’est pas un animal domestique.Tripoli n’est pas une station de métro et on ne peut pas demander aux migrants d’annoncer l’heure et le lieu de leur arrivée. De préférence en soirée, juste avant le journal de vingt heures ! D’un côté, cette absence nous rassure. Pas de radeau sur l’eau, pas de naufrage. Nous sommes là pour secourir ceux qui se noient, pas pour « faire du chiffre ». Sauf que l’équipage sait que ce n’est pas par manque de prisonniers sur la plage. Ils sont là, impatients d’embarquer. Et ils souffrent. Il suffit d’écouter les récits de Assiz, Moussa, Zenawi...tous disent que la Libye et un enfer. Et que chaque jour qui passe est une épreuve. Je les imagine, hommes et femmes, coincés dans le baraquement où les passeurs les entassent, regardant comme nous la mer pour savoir quand leur calvaire finira. Demain ? Oui, demain, peut-être. La Méditerranée devrait se calmer. L’Aquarius, notre navire, est au bon endroit. Nous sommes là. La rage, oui, mais sans le désespoir. Et tant pis pour le journal de vingt heures ! JPM
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