Jean-Paul Mari présente :
Le site d'un amoureuxdu grand-reportage

Recherche un article

Grands-Reporters.com est un site crée par des reporters professionnels, à la disposition de tous ceux qui veulent découvrir un continent, un pays, une région ou en savoir plus sur l’histoire immédiate. Articles, photos, dessins, vidéos, livres… C’est une banque d’information ouverte alimentée par des reporters que nous connaissons tous et que nous remercions.

424 Resultats
  • Par localisations

  • Par catégorie

  • Par auteur

  • réinitialiser la recherche

L’Edito: « Ô rage… », par Jean paul Mari.

par Jean-Paul Mari
Le temps de la mer n’est pas toujours celui des hommes. Deux jours que nous avons quitté l’escale de Lampedusa où nous avons déposé nos 74 réfugiés sains et saufs. L’Aquarius a poussé sans moteur de 2300 kw pour filer toute la nuit et arriver à 6 H00, pile à l’heure où les migrants atteignent les 20 miles au large de la côte libyenne. Peine perdue. La mer creusée, le vent violent, empêchaient tout départ des fameux « Zodiacs » qui ne sont que des bateaux pneumatiques, façon gros jouets de plage. Têtu, notre navire a recommencé à patrouiller, d’est en ouest, d’ouest en est. Et la Méditerranée a pris en soirée une vilaine couleur grise. Ce matin, le froid est arrivé, moins de 14 °. Pour partir, les migrants sont obligés de se jeter à l’eau et de nager le plus vite possible jusqu’à leur embarcation ancrée loin de la plage. À peine arrivé à bord de l’Aquarius, Moussa, un ancien footballeur ivoirien s’est effondré. Il venait de perdre ses deux frères. Les militaires les avaient rafalé sur la plage. Quand les fugitifs finissent par grimper dans leur Zodiac, ils sont déjà terrorisés, épuisés et trempés jusqu’aux os. La nuit, le froid, le vent font le reste. La mer est cruelle. Et moi, j’enrage. L’Aquarius est condamné à faire des ronds dans l’eau, parfois sous l’eau. Comme dans le mess où chaque vague de quatre mètres submerge les hublots en vous donnant l’impression de vivre à l’intérieur d’une machine à laver. On reste là, à regarder les petites bulles d’air qui tourbillonnent vers la surface, avec l’étrange sensation d’être un noyé. Et cette météo qui annonce des vagues de six mètres ! Déjà mal à l’aise sur ma table d’écriture qui joue les rocking-chairs, je me vois mal faire l’ascenseur entre le rez-de-chaussée et le deuxième étage. Bah ! La mer n’est pas un animal domestique.Tripoli n’est pas une station de métro et on ne peut pas demander aux migrants d’annoncer l’heure et le lieu de leur arrivée. De préférence en soirée, juste avant le journal de vingt heures ! D’un côté, cette absence nous rassure. Pas de radeau sur l’eau, pas de naufrage. Nous sommes là pour secourir ceux qui se noient, pas pour « faire du chiffre ». Sauf que l’équipage sait que ce n’est pas par manque de prisonniers sur la plage. Ils sont là, impatients d’embarquer. Et ils souffrent. Il suffit d’écouter les récits de Assiz, Moussa, Zenawi...tous disent que la Libye et un enfer. Et que chaque jour qui passe est une épreuve. Je les imagine, hommes et femmes, coincés dans le baraquement où les passeurs les entassent, regardant comme nous la mer pour savoir quand leur calvaire finira. Demain ? Oui, demain, peut-être. La Méditerranée devrait se calmer. L’Aquarius, notre navire, est au bon endroit. Nous sommes là. La rage, oui, mais sans le désespoir. Et tant pis pour le journal de vingt heures ! JPM

L’Edito. « Entre Thawarga et Calais », par Jean Paul Mari.

par Jean-Paul Mari
J’ai quitté Assiz sur le quai du port de Lampedusa. À travers la vitre du bus qui emmenait les réfugiés au camp de rétention, je l’ai vu rire comme un gamin en exhibant son tee-shirt « j’aime pas le lundi ». L’Aquarius a aussitôt largué les amarres et filé plein sud vers la Libye. Sans ses 74 migrants, le navire semblait un peu vide. Allongé sur ma couchette, j’avais du mal à dormir même après une nuit sans sommeil. Je repensais aux sept années de cavale d’Assiz, de sa Guinée natale jusqu’à l’enfer libyen, son kidnapping, la détention, la torture, les cicatrices sur son visage. Soudain m’est revenu, très clair, le souvenir d’un reportage pendant la guerre là-bas. D’abord la longue route côtière qui suivait l’itinéraire des batailles jusqu’à la chute de Khadafi le bouffon sanguinaire. On longeait la mer de Tripoli à Misrata, ville martyrisée par un siège de quarante-cinq jours. Un peu avant s’élevaient des colonnes de fumée noire des ruines de Thawarga, cité fantôme autrefois peuplée de trente mille habitants. Plus aucun humain dans les rues vides. Des chiens errants, des ânes, des vaches affamées, à l’abandon. Et dans le salon de cette villa où j’avance un pied prudent, un grand tapis moelleux occupé par un mouton mort de soif. Je me souviens de la mort et de la désolation. Partout des villas saccagées, la vaisselle fine brisée, le mobilier pillé, les rideaux arrachés, les lits couverts de merde. Sur le fronton d’une maison, une main avait écrit : « Negros. Esclaves. » Thawarga a toujours été une cité de lépreux. C’est ici qu’on regroupait les esclaves arrachés à l’Afrique tropicale, ici que leurs descendants se sont sédentarisés. Des immigrés de l’intérieur à la disposition des notables arabes locaux. Un cortège de domestiques, de manœuvres et de filles à abuser. Khadafi s’en est servi pour enrôler de force ses hommes de main. Pour leur malheur. J’ai tourné longtemps dans la poussière de Thawarga. Le vent des combats chargeait l’air de fumée grasse, de sable et d’électricité. Venu des dunes, il soufflait sans faiblir. Si longtemps que les arbres poussaient inclinés vers la mer. Si fort qu’il avait fait basculer le talus du chemin de fer en construction. Ce vent du désert rendait fou. Et la nuit, au coin d’un feu puant l’essence, les combattants de la katiba de Misrata s’excitaient à coups d’histoires de mercenaires africains, de récits d’exactions épouvantables, de trahison et de complots. Ah ! la faute aux Noirs bien sûr ! Après la victoire finale, les « combattants de la démocratie » ont dévasté la ville sans défense qu’ils ont rebaptisée « New Misrata ». Thawarga avait trahi, Thawarga devait disparaître. En quittant la cité en ruines, j’ai pu lire sur un mur en grosses lettres l’objectif de cette noble bataille : « Épurer la ville de ses esclaves à la peau noire. » L’Aquarius est arrivé à l’aube devant les côtes libyennes, pile à l’heure où les migrants se jettent à l’eau. Mais la Méditerranée était mauvaise et ses eaux vides. On est resté là à se dandiner sur les flots, face aux immeubles de Tripoli qu’on voyait à l’œil nu. Allez ! Venez, camarades migrants, si vous y tenez. Calais, pour un Noir, c’est pas terrible, je sais. Mais c’est toujours mieux que le vent du désert libyen. JPM

L’Edito: Douzième jour : « J’aime pas le lundi », par Jean-Paul Mari.

par Jean-Paul Mari
Quand on l’a hissé sur le pont de l’Aquarius, mouillé et fripé, il grelottait. L’un de nous lui a enlevé son blouson en mauvais nylon pour l’enrouler dans une couverture. Sous sa veste, il portait un tee-shirt blanc inscrit : « J’aime pas le lundi ». J’ai regardé ma montre, il était 6h40 ce lundi 7 mars. Plus tard, les réfugiés dormaient, assommés, la tête enroulée dans une serviette éponge, ne se réveillant que pour demander à boire, à manger, une aspirine. Assiz a étalé son tee-shirt sur le pont pour les sécher. « J’aime pas le lundi » éclatait au soleil. Torse nu, il est sec comme un migrant en cavale. La sienne a duré sept ans. Depuis sa Guinée natale, vers le Sénégal, la Mauritanie, le Maroc, l’Algérie, la Tunisie jusqu’en Libye. Avec des allers-retours entre les pays au gré des expulsions policières et du travail dans les champs. Il avait 18 ans, il en a 25. Assiz a survécu, il a tout encaissé. Même en Libye, le seul pays capable d’effacer son sourire d’adolescent. Il dit le racisme, les civils armés, les hommes qui vous crachent dessus, frappent et rackettent, les gosses qui vous pointent une lame sur le ventre - « Donne l’argent, sale négro ! » - au milieu de respectables vieillards qui sourient au turbulent gamin. Et les « Maisons de torture ». Assiz est kidnappé, revendu, séquestré, affamé, fouetté, torturé. On lui tend un téléphone pour appeler sa famille en exigeant une rançon. Cela tombe bien, son village n’a pas le téléphone et sa mère pas un sou. Assiz est un mort en sursis. Et il se réveille le matin, le corps et le visage couvert de cicatrices, entouré des corps de ceux qui n’ont payé assez vite. Au bout de trois mois, il réussit à s’évader. Il se cache, réussit à récupérer huit cents euros pour payer un intermédiaire qui encaisse et disparaît, trouve l’argent pour un deuxième voyage et le voilà, en pleine nuit, pieds nus sur une plage près de Tripoli. Le passeur libyen lui montre le « Zodiac » posé sur la mer, gros jouet de plage normalement interdit de navigation. Les migrants ne savent pas nager. Ils entrent dans l’eau, pataugent, s’agrippent, se battent, coulent. « Il y a eu deux ou trois noyés cette nuit-là », dit Assiz. Ceux qui réussissent à grimper dans l’embarcation découvrent un plancher fixé par de longs clous, pointes vers le haut, véritable tapis de fakir qui interdit de s’allonger. La première déchirure du plastique est survenue à l’aube...l’Aquarius est arrivé à temps. Assiz remet son tee-shirt blanc : « J’aime pas le lundi » et retrouve son sourire face au port de port de Lampedusa: « Je me sens comme un bébé qui vient de naître. » Moi, je pense à Donald Tusk, président du conseil européen, qui a annoncé que les « migrants économiques » ne passeraient plus par la route des Balkans. La Turquie a réussi son chantage. Elle a obtenu de l’argent et des visas ouverts pour l’Europe, et promis d’interdire la mer vers Lesbos. La Libye restera le chemin. L’Aquarius, lui, fonce à 10 nœuds, plein Sud, vers la côte libyenne. Le soleil brille et la mer est calme. Nous serons sur zone dès demain 6H00 du matin, à l’heure pour les migrants. Cela me rassure. Moi, j’aime bien les lundis. JPM

L’Edito: « Premier sauvetage », par Jean Paul Mari

par Jean-Paul Mari
Au fond du Zodiac, trois jerricans d’essence et des planches croisées en renfort de la toile. Et pour les fixer, des clous de dix centimètres, de longues pointes qui percent et... pointent vers le haut. Infernal tapis de fakir qui interdit aux passagers de s’allonger ou de s’asseoir pendant un voyage qui peut durer plusieurs jours. Celui-ci, heureusement, n’a pas été aussi long. Dès 5H34 ce matin, nous avons reçu un appel du centre maritime de Rome. Deux Zodiacs en détresse, au large de Tripoli, là où nous patrouillons. L’Aquarius a filé vers la position indiquée à la recherche de cette aiguille sur l’eau. 6H15 : nos veilleurs sur la passerelle discernent le gris d’une embarcation. 6H31 : notre canot de sauvetage est à l’eau. D’abord une première navette, pour vérifier l’état du bateau, rassurer les migrants et leur distribuer des gilets de sauvetage. Puis le transfert peut commencer. À bord, ils sont 74, entassés, dont 10 femmes. Le plus jeune n’a pas quinze ans. Gambiens, Sénégalais, Maliens, Ivoiriens, Guinéens. Il était minuit à peine quand ils ont embarqué d’une plage près de la capitale libyenne. Et déjà, les voilà transis de froid, les lèvres pincées, malades du mal de mer, paniqués par cette immense étendue d’eau qui monte et qui descend. Du Zodiac, on extrait deux femmes enceintes et deux hommes méchamment blessés, le pied transpercé par ces saletés de clous. Il faut calmer les autres, les empêcher de sauter à l’eau ou de se jeter sur l’échelle de coupée, au risque de chuter et de se faire broyer entre le canot et la coque du navire. Jean, le marin, a pris la place du pilote et Zenawi notre interprète, l’ancien réfugié, ne cesse de leur parler. Les rescapés n’ont qu’une hâte, quitter ce radeau de l’enfer. « Mais pourquoi est-ce qu’on construit ce genre d’engin ? » demande, sidéré, Majd le Syrien, marin professionnel. Le plastique du Zodiac est de piètre qualité, le moteur faiblard et les planches cloutées cisaillent le boudin. À l’intérieur, on clapote dans l’eau sale. Déjà, on aperçoit une déchirure au niveau de la ligne de flottaison qui s’enfonce doucement sous le poids de l’eau de mer que le rafiot embarque. Il faut faire vite. En deux heures, tout le monde est amené à bord. Les blessés envoyés aux urgences, avec deux hommes et une femme choqués, les yeux vagues, qui ne peuvent plus marcher ou parler. Une nuit, une toute petite nuit de voyage... ce radeau n’aurait pas tenu deux jours ! L’angoisse nous prend en pensant au deuxième Zodiac dont on n’a plus de nouvelles. À bord, tout le monde tente de cacher son émotion, les infirmières, les membres de l’équipe de secours et même les rudes marins de l’Aquarius. Surtout quand un des réfugiés tombe à genoux sur le pont, les bras levés, pour remercier le ciel, en pleurant de joie.

Premier sauvetage de l’Aquarius

par Jean-Paul Mari
L'appel du centre maritime de Rome a été reçu très tôt ce matin, vers 5H34 heure française. Deux Zodiacs en détresse au large des côtes libyennes. Nous faisons route immédiatement vers le point signalé. Une demie heure plus, ils sont...

Libye: une intervention militaire internationale est en marche

par René Backmann
Les Occidentaux passent à l’offensive contre l’État islamique en Libye pour enrayer sa montée en puissance. Faute de gouvernement d’union nationale libyen reconnu, la France et plusieurs pays agissent clandestinement. Des commandos britanniques, américains et français sont déjà à l’œuvre sur le terrain.

L’Edito.Neuvième jour: « Ma nuit sur l’Aquarius », par Jean-Paul Mari.

par Jean-Paul Mari
J’ai passé une toute nuit avec l’Aquarius. À parcourir le navire de la proue à la poupe, monter et descendre les cinq niveaux du pont supérieur à la salle des machines. J’ai découvert un animal puissant et docile, lourd de plus de 1800 tonnes équipé de quatre générateurs et d’un moteur de 2300 kw qui le fait ronronner comme un gros chat. Précisément, en passant les doigts sur son nom fraîchement repeint, l’ « Aquarius », j’ai retrouvé son ancienne appellation martelée sur la tôle blindée : « Meerkatze ». Quelque chose en allemand comme « mer-chat », un félin de la mer, un fauve, mais aussi le nom allemand d’un singe rare qu’on trouve au cœur des forêts de Nouvelle-Guinée. J’ai déambulé en m’agrippant – le roulis – le long de ses coursives blanches, froides, cliniques qui n’ont pas la prétention du charme. L’Aquarius vient du Nord. Ce garde-côte est taillé pour la mer Baltique et l’Atlantique-Nord où il a longtemps joué les chiens de garde pour les flottilles de pêche allemandes. La quarantaine bien trempée, il est fait pour la bise glaciale, les mauvais coups et la tempête, dur à manœuvrer par vent de travers, mais qui sait fendre les plus grosses vagues sans dévier d’un pouce. Bien sûr, il n’accepte que les marins aguerris, roule comme un rocking-chair et vous met le cœur au bord des lèvres. Pas fait pour les touristes en croisière. Avec lui, on se sent immédiatement en sécurité, mais sans confort inutile. En ce moment, il frissonne d’aise dans cette mer qui se creuse de vagues-tourbillons qui transforment les hublots du mess en « machines à laver ». Son immense coque d’acier grince, craque, siffle, gémit de plaisir. Au plus fort de la houle, j’ai soudain entendu de grands han ! han ! qui résonnaient en fond de cale, là où Sergeï, le lieutenant-boxeur lituanien, frappait comme un sourd sur un sac de sable. Quant au sauna, unique coquetterie, personne n’a le temps et le cœur à l’allumer. Non, la vérité de l’Aquarius est ailleurs, dans la salle des machines qui sent l’iode et la graisse chaude, là où clignotent de petites lampes rouges dans l’obscurité, dans ce coeur qui cogne fort mais au ralenti, en attendant de donner toute sa mesure. Le « Meerkatze » n’a pas rechigné à devenir l’ « Aquarius. Comme tant d’autres, le garde-côte s’est lassé de son travail de flic, même si, dans sa jeunesse, il mettait un point d’honneur à ne laisser personne pénétrer dans les eaux territoriales allemandes. Aujourd’hui, le long des côtes libyennes, il est prêt à accueillir tous les migrants qui cherchent à s’en échapper. Oui, j’ai passé une belle nuit avec ce félin de la mer avant de m’effondrer sur ma couchette. Dès le petit matin, un puissant roulis m’a réveillé. Je me suis levé en titubant de fatigue. Et un roulis plus fort que les autres m’a jeté tête la première contre la paroi opposée de ma cabine...l’animal sait aussi plaisanter. JPM

L’Edito. Huitième jour : « Deux hommes à la mer », par Jean Paul Mari.

par Jean-Paul Mari
À force d’être à l’écoute de l’Aquarius, ce bateau m’a raconté une histoire extraordinaire, celle de deux hommes à la mer. Le premier est né sur le port de Hambourg, entre mer du Nord et mer Baltique, les pieds sur le quai et le nez pointé vers le large. À dix-huit ans, il se fait marin et embarque, émerveillé, sur un cargo qui vogue vers l’Indonésie. À bord, le gamin va grimper tous les échelons de l’échelle de bord qui mène au pont supérieur. Officier, second maître, premier maître. La compagnie maritime le remarque et lui confie un cargo. Les années passent et on le retrouve commandant un porte-conteneur, monstre long de 293 mètres, une usine sur l’eau qui sillonne le globe de l’Atlantique au Pacifique et ne s’arrête qu’aux ports – le temps est cher et précieux – pour décharger. Dans le monde de la mer marchande, il est réputé brillant et sérieux, ses pairs le respectent, sa vie est tracée. Le deuxième est né au même endroit, mais rêvait d’être médecin. Deux années d’études l’ont déçu, trop loin de la détresse des hommes. Alors, il s’en va, prend la mer, apprend à garder un cap en rêvant, mais abandonne son poste pour voir naître son premier enfant. Le voilà à nouveau étudiant, obtenant un doctorat en histoire, liant des amitiés avec les penseurs à Göttingen, Paris et Rome. Quand la famille s’élargit d’un quatrième enfant, il retrouve la marine marchande et un salaire plus confortable. Sans renoncer à s’inventer une vie où l’homme ne se résigne jamais. Aujourd’hui, il navigue d’ailleurs sur un ancien garde-côtes austère qu’il a fait repeindre en rouge-orangé histoire d’être mieux repéré par les naufragés. Deux hommes à la mer. Qui pourraient avoir eu deux vies très différentes. L’extravagant est que ces deux marins n’en font qu’un : Klaus Vogel. L’ex-commandant du porte-conteneurs n’a pas accepté qu’on lui demande d’éviter la route des embarcations de migrants à secourir. Il n’a pas supporté la fin de l’Opération « Mare Nostrum », cette mer vide, sans secours, sans espoir. Il en a parlé à ses très sérieux collègues qui l’ont écouté, un peu embarrassé. Sans hésiter, le capitaine a démissionné de son poste pourtant plein d’avenir. A parlé de son projet à sa famille qui l’a applaudi des deux mains. Et contacté ses amis européens de Göttingen, Paris et Rome. Un an plus tard, le voilà maître de cet étrange navire à la coque rouge-orangé, baptisé Aquarius, battant pavillon de Gibraltar, qui croise face aux côtes libyennes pour sauver des migrants en détresse. Au mess, le soir, quand l’équipage barbouillé par le mal de mer lui parle de cette tempête qui n’en finit pas de nous secouer et retient les migrants, l’ancien commandant de porte-conteneur répond tranquillement :« l’Aquarius est solide ». Et le gamin qui rêvait d’être médecin ajoute : « Nous sommes au bon endroit, au bon moment. À notre place. » JPM

L’Edito: Septième jour : « C’est pas l’homme qui prend la mer… »par Jean-Paul Mari

par Jean-Paul Mari
C’est la mer qui prend l’homme, da, da, da ! Très mauvaise surprise ce matin à l’aube, alors que le vent s’était calmé en soirée, l’équipage de l’Aquarius s’est réveillé sur une balançoire, avec un ciel plombé et le sifflement de l’air dans les hublots entrouverts. Dehors, la méditerranée fait la gueule, creusée de vagues de quatre mètres, soulevée par des rafales de 20 nœuds, près de quarante kilomètres-heure, vent du diable qui courbe les hommes sur le pont. Et en plus, il tourne ! Ouest, puis nord-ouest, et puis plein nord. Tous moteurs réduits, l’Aquarius lourd de ses 1800 tonnes saute comme un bouchon, joue les toupies sur l’eau et le visage d’une partie de l’équipage a pris une jolie couleur verdâtre. Bien sûr, la mer est vide. On a beau être un migrant prêt à mourir, pas question de marcher au suicide. Et nous, on fait des ronds dans l’eau bouillonnante. D’autant que la terre de Libye n’est pas forcément plus calme. Des combats ont éclaté à l’ouest et au sud de Tripoli, vers la frontière tunisienne. Mieux : à l’ouest de la capitale, la guerre...fait la grève. Des groupes armés au service du gouvernement réclament bruyamment une paie qui ne leur a pas été versée. Du coup, ils ont coupé la route qui mène à Zuwara et sa côte d’où partent la plus grande partie des migrants. Restent l’Est, ses plages, ses courants et ses passeurs qui ont établi leur industrie à Garabouli et Khoms, à une centaine de kilomètres de la capitale. Le vent, la guerre, le vent de la guerre, la méditerranée en ce moment ne fait pas de cadeaux. Et nous sommes là, migrants et marins, soumis aux vagues et aux caprices du temps. Alors on enchaine les exercices de sauvetage sur la houle, en répétant les manœuvres dangereuses, une fois, dix fois, vingt fois, comme des soldats à l’entrainement qui savent qu’au moment de l’action, le geste devenu automatique permettra d’être efficace, de sauver des vies, d’éviter qu’une femme ou un enfant au moment de l’embarquement soient pris entre le canot de sauvetage et l’échelle de coupée. J’ai souvent pensé à ce Zodiac surchargé de migrants qui avait lancé un appel de détresse et que nous avons cherché en vain. Il vient d’être retrouvé, dans un piteux état, par la marine militaire au large de Syracuse, en Sicile. A bord, il y avait 100 personnes, dont 7 femmes et 20 mineurs ! Il était déjà loin derrière nous, au Nord, quand nous avons atteint les eaux libyennes. Au moment où il a lancé son message de détresse, on ne pouvait plus le trouver. Rageant de se dire qu’à vingt-quatre heures près, on aurait pu lui éviter trois jours de mauvaise mer. Ouest, nord-ouest, nord...ma table de travail joue les bouchons sur les vagues :« C’est la mer qui prend l’homme / Dés que les vents tourneront, nous nous en allerons ! »

L’Edito: Sixième jour : « Sentinelle », par Jean-Paul Mari

par Jean-Paul Mari
Sixième jour : Sentinelle. Je viens de passer trois heures sur le pont, pour mon quart de veille. Le radar de bord ne suffit pas à repérer les petites embarcations et en l’absence d’appel de détresse, il faut absolument repérer un petit chalutier ou un Zodiac surchargé de migrants avant qu’il ne coule. Le bon poste se situe à 25 mètres au-dessus de l’eau, sur le toit de la passerelle du commandant, juste au-dessous des pâles de ventilateur du radar. Depuis ce matin, l’Aquarius regarde vers le nord, moteur tout réduit, et se laisse dériver par le courant et le vent vers l’est. Je vois distinctement la côte libyenne, à 23 milles de distance, et crois reconnaître les cheminées d’une immense cimenterie que j’avais remarquée, en reportage sur la route entre Tripoli et Misrata. Une bonne vigie divise son périmètre en quartiers. Sur Bâbord arrière, je ne vois rien. La mer roule des vagues lourdes ourlées d’une écume nacrée qui scintille sous le soleil. Sensation d’un vol au-dessus des nuages ou de contempler la banquise de l’antarctique qui dégèle en blocs de glace éblouissants. Bâbord avant, l’obstacle est cette eau qui mousse au loin sous le vent. Un petit triangle blanc dessine une coque, un bouillonnement sombre ébauche un Zodiac. Et tout disparaît. Ce n’était qu’un rond dans l’eau. J’ai passé mon quart à considérer une myriade de mirages. Le temps est précieux. En cas de naufrage, la règle est simple et mortelle. Un humain tient 1H05 dans une eau à 4 degrés, 1H25 à 10 degrés. La méditerranée, relativement clémente, laisse un peu plus de deux heures à vivre à des hommes sains, pas des migrants, déjà affaiblis par la soif, la faim, le mal de mer. Pour garder son corps à la bonne température, il faut une eau à 34 degrés, autant dire un bain chaud à la maison. Quand la température du corps descend au-dessous de trente-trois degrés, le naufragé est en hypothermie, il délire, perd conscience, renonce à lutter. Trois heures que je scrute les vagues en essayant de ne pas me laisser emporter par mes pensées. J’en arrive à pouvoir détecter un mini paquet d’algues jaunâtres à bonne distance. Mais trop d’attention tue l’attention. La recherche devient obsessionnelle. On finit par voir ce qu’on cherche. Hier, à l’appel de la vigie, l’Aquarius a fait demi-tour pour ne découvrir qu’une bâche plastique qui flottait entre deux eaux. Et la nuit est terrible : « J’ai vu distinctement un chalutier tous feux allumés », m’a dit un officier de quart. Ce n’était qu’un bout de lune sur la mer. En face, sur la côte, il y a la foule des migrants. La mer est mauvaise et des combats entre Tripoli et Zuwara freineraient les départs. Seul, au sommet du bateau, j’ai l’impression d’être la sentinelle d’un poste avancé. Sauf que l’Aquarius n’est pas là pour les arrêter, mais pour les tirer de l’eau. JPM

L’Edito: Cinquième jour : « La mouche », par Jean-Paul Mari

par Jean-Paul Mari
Elle s’est posée juste au milieu de l’écran de mon ordinateur au moment même où j’écrivais. Je l’ai chassé de la main. S’est envolée. Est revenue, têtue, au même endroit. Il n’y a rien de plus gênant qu’un insecte au milieu d’une phrase. En plus, j’ai horreur des mouches. Dans le désert, elles sortent de nulle part pour torturer le marcheur qui a soif, tourmente les blessés et ne respecte pas les morts. Les mouches vivent de l’ordure du monde. La tentation était forte de l’écraser. J’ai renoncé. Après tout, cette mouche n’était pas là au départ de Lampedusa en Sicile et elle n’est apparue qu’à douze miles des côtes d’Afrique. Pas de doute, c’était une mouche libyenne. Elle est chez elle. Le fait est qu’elle a décidé de quitter la côte et de prendre le large pour venir se réfugier sur l’Aquarius. Cette mouche têtue, agaçante, mais perdue est de la race des insectes migrants. Alors, j’ai repris mon écriture et elle est allée se poser sagement à côté de ma machine sans plus déranger. Bien plus gênante est cette mer qui roule des vagues de plomb et joue les « machines à laver », du nom que les marins donnent aux hublots soudain submergés par une lame. Le temps commence à s’améliorer. L’accalmie permet de parler avec ceux que nous ne connaissons pas. Une chose est sûre. Ce bateau est habité par un esprit et des hommes pas comme les autres. Il y a Jean le marin, jeune officier formé à l’école navale et habitué des plates-formes pétrolières qui dit avoir compris sur l’Aquarius la véritable nature de son métier-vocation. Et celle de Majd, naviguant né à Idlib en Syrie, réfractaire au service militaire et vogue depuis en frôlant les côtes de sa terre natale. Et celle de Zenawi, l’Érythréen qui a fui voilà trois ans la dictature de son pays, a franchi la Méditerranée sur un rafiot pour gagner Lampedusa, s’est installé en France et fait office d’interprète en arabe et en tigréen. En attendant de se retrouver sur le pont de l’Aquarius, du bon côté, pour tendre la main au naufragé qu’il était. Et puis, il y a l’histoire de Klaus Vogel, capitaine de navire marchand et président de l’association à l’origine du projet, personnage peu commun qui voulait devenir médecin, se retrouve marin à l’âge de dix-huit ans, pose son sac cinq ans plus tard pour fonder une famille et faire un doctorat d’histoire entre Paris et Gottingen. Revenu sur l’eau, il sillonne le globe comme capitaine sur d’immenses porte-conteneurs, mais abandonne tout, d’un coup, à 58 ans, parce qu’il ne supporte pas de voir la Méditerranée vide quand les migrants se noient et appellent au secours. Oui, ce navire est un creuset capable de fondre plusieurs vies ensemble. Tiens ! La mouche s’est envolée. Plus légère. JPM

L’Edito : »Une tête d’épingle sur l’eau » par Jean-Paul Mari.

par Jean-Paul Mari
Jour J + 4. Le message est arrivé hier par radio du centre maritime de Rome. : « Ce matin à 6H40 UTC, message de détresse en Méditerranée du Sud. Selon la Convention du Droit de la Mer et le devoir d’assistance, nous vous informons qu’un bateau pneumatique est en détresse sur une position inconnue avec environ 120 personnes à bord. Demandons à tous les vaisseaux sur zone la plus grande vigilance et rapporter tout contact visuel.» Voilà, nous n’étions pas encore arrivés sur notre zone de recherche que déjà...les marins de l’Aquarius se sont regardés un peu estomaqués. Devant nous, la mer était grosse de vagues de 4 mètres et le vent soufflait à 50 kilomètres à l’heure. C’était un temps à ne pas mettre une vedette de sauvetage à l’eau, encore moins un Zodiac, un bateau pneumatique lesté du poids de 120 personnes, prêt à couler. Ces migrants avaient bien un téléphone mais pas de GPS. Ils ne pouvaient pas dire où ils se trouvaient. Seulement appeler au secours. On sait que leur batterie va s’épuiser. Et qu’il n’y aura plus ensuite qu’un radeau fantôme perdu en haute mer. Klaus, le capitaine de l’Aquarius a décidé une réunion en urgence. Tout le monde s’est déclaré prêt. Les marins, les sauveteurs et les médecins, leurs procédures confirmées, le matériel vérifié. Ne restait plus qu’à organiser une veille visuelle pour repérer une tête d’épingle sur la mer. En plastique qui plus est, même pas capable de renvoyer l’écho de notre radar. La nuit est tombée, les officiers se sont succédés sur la passerelle, les jumelles à la main, scrutant le sommet des vagues qui pouvaient engloutir et nous masquer le Zodiac. Deux heures de veille, la relève, deux heures de veille. Toute la nuit. À la lumière de la lune. « Un cargo est passé à moins de 4 kilomètres sur bâbord. Sans ces feux de navigation, je ne l’aurais pas vu » m’a dit Jean, l’officier, les yeux rougis. Ce matin, le jour s’est levé sur une mer vide, mais assagie. Il fait beau, un peu plus chaud. L’Aquarius a réduit ses moteurs -Slow Go Ahead – face à la Libye. Enfin, nous y sommes. Voilà la zone opérationnelle que nous allons patrouiller d’est en ouest, d’ouest en est, pendant au moins deux mois. Avec le retour du temps calme, tout le monde à bord sait que le risque est grand de voir les passeurs précipiter le départ des embarcations de migrants. Ce matin, Klaus a fait son briefing technique. À la fin, contrairement à l’habitude, il nous a demandé ce qu’on ressentait. Une chose simple : être ici est un soulagement et une douleur à la fois. Le soulagement de pouvoir agir, la douleur devant l’inacceptable. Et on s’est tous retrouvés sur le pont, appuyés au bastingage, à chercher une tête d’épingle sur l’eau. JPM

SOS MEDITERRANEE. Jour 1 : « Avis de tempête »

par Jean-Paul Mari
Assis sur un quai du port de Lampedusa, mon sac sur l’épaule, j’attends l’Aquarius, le navire de l’opération « SOS MÉDITERRANÉE » sur lequel je dois embarquer pour vingt et un jours. Petit pincement à l’estomac. Pas par peur du mal de mer. Plutôt face à l’ampleur de la tâche. Tout à l’heure, le bateau de 77 mètres de long entrera dans ce port qui a vu passer des dizaines de milliers de migrants venus d’Afrique ou d’Asie. Sur un îlot, un caillou tout proche, il y a une statue de vierge à l’enfant plantée à quatorze mètres de profondeur, par un pécheur miraculé. Elle est là, au fond de l’eau et la mer de ses larmes pleure les trente mille hommes, femmes et enfants qu’elle a vus mourir noyés depuis quinze ans en Méditerranée. Ils sont là, ballottés dans la vase du fond, couchés sur le dos, les yeux tournés vers la surface striée par le sillage des bateaux qui devaient les emporter vers une autre vie. J’ai parcouru autrefois cette île pour raconter leur tragédie. Celle de Salomon, l’Africain, dont le Zodiac chargé de 75 personnes a dérivé vingt-cinq jours, et qu’on a retrouvé quasi-mort de faim et de soif avec quatre autres survivants. Celle de Robiel, évadé de la dictature d’Érythrée, qui a vaincu les déserts et la mer, pour aller se noyer dans le port de Calais, à 150 mètres du ferry qui devait l’emmener en Angleterre, le terme de son voyage. J’ai raconté leurs histoires et tant d’autres dans les journaux et un livre. À chaque fois, on me répondait : « C’est terrible. Mais que faire ? » Aujourd’hui, j’ai une partie de la réponse. L’Aquarius a été affrété en un temps record par une association de citoyens comme vous et moi, une sorte de start-up de l’humanitaire. Et il part pour deux mois de campagne frôler les côtes libyennes, là où aucun navire de paix ne croise. Nous allons patrouiller, en maraude, porter secours aux embarcations de migrants en détresse, dans une zone où la mortalité est estimée à 5%, cinq noyés sur cent migrants en mer. Il faudra les sortir de l’eau, soigner l’urgence à bord, les nourrir et les hydrater et, le plus vite possible, les transborder vers les navires qui croisent plus au Nord, voire les déposer dans un port de Sicile et un centre d’accueil. Et l’Aquarius repartira, à toute vapeur, à la recherche d’autres points sur l’eau. Je l’attends, il va entrer en roulant dans le port, la mer est mauvaise. À bord, une partie de l’équipe est déjà terrassée par le mal de mer. Tout le monde est secoué. Tant mieux. T ous savent maintenant que ce sera dur. L’équipage est prêt. On aura sans doute un méchant mal de mer, mais c’est infiniment mieux que cette nausée permanente du sentiment d’impuissance. JPM

« Les migrants ne savent pas nager ». Le film

par Jean-Paul Mari
VOIR LE FILM : "les migrants ne savent pas nager". Le film, produit par Point du Jour, a été diffusé par PUBLIC-SENAT et TV5 MONDE.     LIRE LE JOURNAL DE BORD SUR LIBERATION Pendant vingt et un jours, Jean-Paul...

Edito: Cette fois, on entre en guerre…par Jean-Paul Mari

par Jean-Paul Mari
- Le 25 février prochain, un navire de combat va appareiller du port de Lampedusa en Sicile. Soixante-dix-sept mètres de long, 12 hommes d’équipage de toutes nationalités, un capitaine allemand, assez de fuel, de médicaments, d’eau et de nourriture pour tenir trois semaines en mer : l’Aquarius, le bateau de "SOS MEDITERRANEE", part en campagne. Face à lui, la grande vague des migrants, un million l’année dernière, autant voire plus cette année. Ils partent, en chalutier, en Zodiac, en barcasse. Et ils se noient. Trente mille morts en quinze ans. - Alors, l’Aquarius part en guerre. Contre l’indifférence, l’immobilisme, le cynisme, l’inhumanité. Contre les vagues de la Méditerranée et ses rouleaux du fond qui ballottent des corps. Hommes, femmes, enfants, regardant le sillage des bateaux en surface, ceux qui devaient les amener vers leur rêve. - Que faire ? Rien, sinon se révolter. - L’ association franco-allemande a remué ciel et mer, ouvert une souscription publique et récolté 275 000 euros, trouvé le reste, soit un million d’euros, de quoi partir pour trois rotations, trois mois de campagne avec, à bord, un radar, des canots de sauvetage, des lits, des couvertures, des ponts couverts pour 200 passagers -500 s’il le faut ! - et cinq « Médecins du Monde », pour les soins. L’Aquarius va patrouiller le long des eaux territoriales de la Libye, celle de l’ex-dictateur, des islamistes, des passeurs, des trafiquants d’hommes. Il va repérer les embarcations en détresse, empêcher les naufragés de se noyer, les prendre à son bord pour les transférer vers d’autres navires plus proches des côtes de Sicile. - "SOS MEDITERRANEE", un bateau pour les réfugiés, trois mois de campagne et une souscription ouverte pour pérenniser l’opération tout l’été, gagner cette course contre la montre, contre l’indifférence, contre la mort. Oui, c’est une guerre pour sauver des vies, pas pour tuer des hommes. La seule guerre qui vaille d’être menée à outrance. Dès le 25 février, au départ de Lampedusa, nous prendrons la mer et nous tiendrons le « Journal de bord » pour vous raconter "SOS MEDITERRANEE". «On ne peut pas demander seulement aux migrants de savoir nager...c’est obscène », a dit la mairesse de Lampedusa. - Oui, on peut dire sa honte et sa colère, agir, se battre, participer, remuer le ciel et surtout la terre. Vous aussi, révoltez-vous. L’Aquarius ne doit pas rentrer au port, vaincu, faute de carburant. A bientôt. JPM

Phares d’Algérie

par Zinedine Zebar
Le littoral algérien, de la frontière marocaine à la frontière tunisienne, jalonné de phares, par endroits encore vierge, reste peu connu. Il se distingue par des falaises taillées à pic, des pentes raides, des roches escarpées, des calanques et des refuges naturels.

L’Edito: « Le grand Seyoum » d’Erythrée, par Léonard Vincent.

par Léonard Vincent
J'ai pris l'habitude de l'appeler « le grand Seyoum ». Sans doute parce que ses amis, sa femme et ses petites filles m'ont parlé de sa grande taille, de son visage de pirate, de sa manière de taquiner les timides. Seyoum Tsehaye est un héros. Ecoeuré par les atrocités commises par les Ethiopiens, il monte au maquis à 25 ans, en 1977. Cet ancien élève du lycée français d'Addis-Abéba se bat dans les rangs du Front populaire de libération de l'Erythrée. Quatre ans de front, dans des conditions affreuses. Et puis un jour, puisqu'il rêvait de devenir journaliste, vient l'ordre de se former au maniement de la caméra et de l'appareil photo, pour documenter la guerre. Jusqu'à la libération, il capture en images la lutte un peu folle de ses compagnons en sandales. Un paysan assis sur une bombe non explosée. Une femme fuyant le passage d'un Mig, une casserole sur la tête en guise de casque. Après l'indépendance, il fonde la télévision érythréenne. Mais son ancien camarade Issayas Afeworki, devenu président, s'enfonce dans la paranoïa. Seyoum démissionne. Il rejoint la petite bande de la presse libre et partage leur sort atroce, lors des rafles de septembre 2001 : l'enfermement à l'isolement, quelque part dans les montagnes. On dit qu'il est toujours vivant. C'est à lui, qui enseignait le français et rêvait de Paris, que je pense lorsque j'apprends que l'Union européenne a débloqué en catimiti, vendredi soir, une aide de 200 millions d'euros pour aider le gouvernement érythréen à maintenir sa main sur la gorge de son peuple. L.V

L’EDITO:  » Habtom et ses bourreaux », par Léonard Vincent.

par Léonard Vincent
Notre époque aime les tueries. Hier, dans la gare routière de Beersheba, dans le sud d'Israël, un jeune homme a d'abord abattu un garçon en uniforme avant de se mettre à tirer au hasard dans la foule. Le tueur a été tué. Onze passants ont été blessés, dont trois très sérieusement. Et un quidam a été lynché. La presse est peu diserte à son sujet. « Un demandeur d'asile érythréen, venu à Beersheba pour chercher un visa (...,) a été abattu par un agent de sécurité qui l'avait pris à tort pour un terroriste », dit laconiquement Haaretz. L’Érythréen fuyait le massacre, il s’est écroulé, transpercé par plusieurs balles. Sur la vidéo d’un téléphone portable, on le voit maintenu au sol par une chaise, puis plusieurs fois frappé à coup de pied à la tête. Un homme projette même la masse d’un banc sur le crâne déjà difforme du jeune Africain. Certains profiteront de cet assassinat pour faire valoir leurs opinions politiques. Je voudrais simplement nous inciter à avoir une pensée pour Habtom Zarhum, car apparemment tel était son nom. Il avait 29 ans et travaillait dans un champ du Néguev. On ignore s'il avait connu les villas de torture dans le Sinaï, de l'autre côté des barbelés israéliens. On ignore aussi quand et comment il avait quitté l'Érythrée. On pourrait aller interroger ses amis, les filles qu'il trouvait jolies, se rendre aux endroits qu’il aimait. On écouterait sa chanson fétiche, on goûterait son sandwich favori. On parlerait de ses espoirs. On pourrait rendre justice à Habtom. Emprisonner ses bourreaux. Mais, surtout, lui redonner son nom. Pour qu'il soit autre chose que ce bout de chair méconnaissable et flouté, allongé dans une flaque de sang, à la merci de ceux qui utilisent sa mort pour gagner leur guerre. L.V

Silence, on viole.

par Jean-Paul Mari
La RDC offense une nouvelle fois les femmes victimes de viol

Carnet Africain

par Edoardo di Muro
L’authentique carnet de voyage d’un grand dessinateur Carnet Africain Edoardo di Muro

« Les clés retrouvées. »

par grands-reporters
Lorsque la mère de Benjamin Stora est décédée en 2000, il a découvert, au fond du tiroir de sa table de nuit, les clés de leur appartement de Constantine, quitté en 1962. Ces clés retrouvées ouvrent aussi les portes de la mémoire. La guerre est un bruit de fond qui s’amplifie soudain. Quand, en août 1955, des soldats installent une mitrailleuse dans la chambre du petit Stora pour tirer sur des Algériens qui s’enfuient en contrebas, il a quatre ans et demi et ne comprend pas. Quelques années plus tard, quand ses parents parlent à voix basse, il entend les craintes et l’idée du départ. Mais ses souvenirs sont aussi joyeux, visuels, colorés, sensuels. Il raconte la douceur du hammam au milieu des femmes, les départs à la plage en été, le cinéma du quartier où passaient les westerns américains, la saveur des plats et le bonheur des fêtes. Ces scènes, ces images révèlent les relations entre les différentes communautés, à la fois proches et séparées. Entre l’arabe quotidien de la mère et le français du père, la blonde institutrice de l’école publique et les rabbins de l’école talmudique, la clameur des rues juives et l’attirante modernité du quartier européen, une histoire se lit dans l’épaisseur du vécu. Benjamin Stora a écrit là son livre le plus intime. À travers le regard d’un enfant devenu historien, il restitue avec émotion un monde perdu, celui des juifs d’Algérie, fous de la République et épris d’Orient.

Voyage dans la Casbah

par Zinedine Zebar
‘La Casbah d’Alger a été inscrite sur la liste du patrimoine mondial à la 16eme session du Comité, en décembre 1992.

Ilakaka: la vallée maudite du saphir

par Maria Malagardis
ll y a dix-sept ans, un paysan malgache sortait d’un ruisseau un petit caillou bleu qui allait changer le destin d’une région. Depuis, la fièvre du saphir n’a cessé d’y attirer des hordes de miséreux. La vallée d’lakaka, c’est l’histoire d’un rêve, celui de milliers de miséreux attirés par les sirènes du saphir. Ici, au cœur de Madagascar, hommes, femmes et enfants arrachent à la terre les pierres qui entretiennent l’illusion d’une vie meilleure.

Capitales d’Afrique

par Edoardo di Muro
"EDOARDO L'AFRICAIN" Abidjan, Conakry, Dakar, Lomé, Cotonou, Lagos, Yaoundé, Libreville, Addis-Abeba, Djibouti... Scènes de rues, de marchés, épisodes de la vie domestique... la plume d'Edoardo di Muro n'a manqué aucun détail pour décrire la vie des capitales d'Afrique. Ces véritables œuvres d'art à valeur documentaire retracent l'itinéraire africain d'un artiste hors du commun. Edoardo Dimuro est né en 1944 à Cuneo dans le Nord de l’Italie au pied des Alpes. Son premier métier de garde-forestier lui développe son goût pour la nature qu’il confirmera quand il sera plus tard ranger dans le parc de la Comoé en Cote d’Ivoire. Engagé dans la marine il débarque en 1973 au Nigéria et pendant plus d’un quart de siècle il ne quittera plus le continent africain qu’il parcourt du Nord au Sud et d’Est en Ouest. Il traverse des pays blessés par la guerre, affaiblis par l’exode rural massif et gangrénés par une urbanisation anarchique au milieu de laquelle survit une population experte en débrouille.

Dans Constantine, capitale arabe.

par Zinedine Zebar
Constantine, qui sera pour toute l’année "capitale de la culture arabe", fut pendant des siècles une capitale d’influence qui façonna des figures politiques et culturelles du pays. Mais Alger n’aime pas qu’on lui fasse de l’ombre.

« Voyage en Barbarie »

par grands-reporters
VOIR LE DOCUMENTAIRE EN ENTIER Le prix ALBERT LONDRES 2015 a été attribué au au film VOYAGE EN BARBARIE réalisé par Delphine Deloget et Cécile Allegra et diffusé sur Public Sénat. Il avait déjà reçu le prix RSF au FIGRA...

Mystérieuse Moyenne-Égypte

par Erik Bataille
Les traces de pas, à peine visibles dans le sable, pointent vers le grand mastaba brun ocre, le contournent avant de disparaître dans un trou. «Trop tard!» râle Luc Watrin, un des très rares égyptologues à connaître la région. Une dernière respiration et nous basculons dans le boyau percé par les pilleurs.

Palmarès du Prix Albert Londres 2015

par Jean-Paul Mari
Réuni à Bruxelles, le jury du Prix Albert Londres a décerné le prix de l'écrit à Luc Mathieu, grand-reporter au journal Libération pour ses reportages sur la frontière turco-syrienne et au Kurdistan. Luc Mathieu Le jury s'est prononcé au quatrième...

Derrière le chaos libyen

par René Backmann
Quatre ans après le déclenchement de l’intervention militaire française, puis internationale, en Libye, le chaos et la guerre civile ont succédé à la dictature de Kadhafi. Désastre exploité par les fanatiques de l’État islamique pour ajouter une province à leur émirat. Et par les trafiquants de migrants pour multiplier les points d’embarquement vers l’Europe…

Exposition Olivier Jobard.

par Olivier Jobard
[gallery link="file" ids="8200,8201"]

KINGSLEY. Carnet de route d’un immigrant clandestin.

par Olivier Jobard
KINGSLEY Carnet de route d’un immigrant clandestin. J’ai rencontré Kingsley au Cameroun à l’occasion d’un reportage sur l’immigration clandestine. Ce jeune homme de 22 ans avait déjà tenté l’aventure deux ans auparavant, mais il avait dû rebrousser chemin faute d’argent. Depuis cette tentative avortée, il avait fait des économies et obtenu un important soutien auprès de ses proches. De plus, il était désormais attendu en France depuis que son meilleur ami et ex-collègue, Francis, avait réussi à immigrer légalement en épousant une touriste française. Kingsley était donc prêt à repartir. Il quitte son pays en mai 2004 et traverse en toute illégalité, le Nigeria, le Niger, franchit le désert du Sahara pour entrer en Algérie. Enfin, il atteint le Maroc. Là, après trois mois d’attente et deux séjours en prison, il embarque sur un esquif de fortune fourni par des passeurs, en compagnie d’une trentaine d’autres clandestins, pour rejoindre les îles Canaries. Six mois après son départ du Cameroun, après avoir changé cinq fois d’identité et trois fois de nationalité, il touche enfin la terre européenne…. escorté par des membres de la Guardia Civil. Au début, notre relation était basée sur l’intérêt commun d’aller le plus loin possible dans notre entreprise. Lorsqu’il m’a proposé d’être présent quand l’un de ses amis lui remettait de l’argent, j’ai tout de suite compris que j’étais sa caution morale. Plus tard, il m’a demandé de garder sur moi tout son pécule pour ne pas être volé lors des différents passages de frontières. J’ai accepté, sachant que si je gardais ses économies, il ferait tout pour me retrouver en cas de séparation. Des liens plus profonds se sont tissés progressivement au fil des moments forts que nous avons partagés. Une confiance presque inébranlable s’est installée. Ce que nous avons vécu ensemble et le respect mutuel que nous éprouvons nous engage indéfectiblement l’un envers l’autre. Je reconnais que j’ai très souvent oscillé entre le rôle d’observateur et celui d’acteur au cours de cette histoire, ce jusqu’à l’obtention du titre de séjour de Kingsley. Parce qu’il avait confiance en moi, il a permis d’être exposé dans les journaux alors qu’il était encore clandestin. Je lui ai expliqué que cette médiatisation pourrait éventuellement lui permettre de constituer un dossier solide pour décrocher une dérogation. C’est ce qui s’est produit. Aujourd’hui, il vit en France tant bien que mal. À une époque où le mérite est une vertu vantée par les hommes politiques, où la « prise de risque » et la « mise en danger » sont érigées en valeur étalon, je souhaite exposer, au travers de ce reportage, les difficultés d’un tel périple et mettre en lumière tout ce que ces migrants donnent -jusqu'à leur vie parfois- dans l’espoir d’une existence meilleure.

par François -Xavier Tregan
Dans un minuscule hameau encaissé de la province d’Abyan, dans le sud du Yémen, où des buissons d’acacias et quelques pâturages façonnent un relief cabossé, sec et caillouteux, en impression de vie, au petit matin du jeudi 17 décembre 2009,...

Quand les fourmis déplacent la montagne…

par Jean-Paul Mari
Au Sénégal, une association nationale travaille sur le lien social entre les enfants. Pas de pitié, pas de charité, mais la conviction que l ‘enfant est capable de régler ses quotidiens et de préparer son avenir si on l’accompagne dans ses démarches. Au programme : causeries, épargne et activités commerciales. De Dakar, à Saint-Louis, Kaolack ou Ziguinchor en Casamance, le succès est extraordinaire et réunit déjà 6000 jeunes. Reportage.

Prix Albert Londres 2015: c’est maintenant!

par Jean-Paul Mari
Le 77ème Prix Albert Londres, qui récompense le meilleur reportage écrit et audiovisuel de l'année, sera remis le 9 mai à Tanger, dans le cadre du salon international des Livres et des Arts, a annoncé l'association dans son appel à candidatures.

Casamance: le paradis miné.

par Pape Sambare Ndour
Située dans le département de Ziguinchor, la communauté rurale de Nyassia a été pendant longtemps un bastion de la rébellion. Jadis no man’s land, les irrédentistes casamançais y ont enfoui toutes sortes de mines. Des engins tueurs qui ont fait aujourd’hui beaucoup de victimes civiles, des centaines de mutilés abandonnés à eux-mêmes, sans le moindre suivi psychologique ou soutien financier. Reportage.

21ème Maghreb des Livres

par Jean-Paul Mari
[gallery link="file" ids="7977"]

Algérie : Sur les traces d’Hervé Gourdel

par Zinedine Zebar
Une forêt, des collines hérissées de villages et des montagnes aux cimes enneigés: c’est dans ce cadre que le corps d’Hervé Gourdel, un Français décapité en septembre en Algérie par des jihadistes, a été exhumé par l’armée sous le regard d’habitants abasourdis.

Football en Algérie : les femmes aussi.

par Zinedine Zebar
J’ai suivi l’équipe d’Alger centre « ASE Alger Centre » pendant les séances d’entrainement et des matchs de championnat, l’année dernière cette équipe s’est classée deuxième au classement général.

Les Chinois à la conquête de l’Algérie.

par Zinedine Zebar
Des milliers d'ouvriers sont arrivés à Alger avec le lancement de vastes chantiers dans le BTP. Une partie d'entre eux s'est reconvertie dans le commerce, en bonne intelligence avec la population locale.

Erythrée: les résistants parlent.

par Jean-Paul Mari
Depuis deux ans, des résistants pacifiques osent affronter clandestinement la dictature qui dirige l’Érythrée, l'un des pays les plus fermés du monde. Des militants anonymes collent des affiches appelant à la révolte, distribuent des tracts dans les marchés, écrivent des slogans sur des billets de banque, passent des coups de téléphone aux responsables du régime. Aujourd'hui, ils parlent pour la première fois/

En profondeur

par Christophe Calais
Mon premier séjour au Rwanda remonte au mois de juin 1994. Du haut de mes vingt-cinq ans, je n’avais que des certitudes : jeune photographe de “news”, je venais couvrir l’opération Turquoise pour mon magazine de l’époque, VSD. Le mot...

« L’Algérie, mon pays ».

par Zinedine Zebar
"Je me suis investi corps et âme depuis quatre ans sur un projet qui me tient à cœur : un livre de photos sur toutes les belles régions d’Algérie. J'aimerais, à travers cet ouvrage, faire connaître l’Algérie profonde. J'ai toujours trouvé qu'il y avait un déficit d'images, loin de l'actualité - pour illustrer la beauté de nos villes algériennes"

Enquête : Sinaï. Deux femmes sur la piste des rançons -Voyage en barbarie (2)-

par grands-reporters
L’une sur le terrain, l’autre au cœur des institutions. Deux femmes, deux militantes des droits de l’homme, se battent depuis des années pour collecter les preuves du plus grave trafic d’êtres humains de la Corne de l’Afrique : la déportation, la séquestration, la torture et la mort d’au-moins 50 000 Erythréens (1) par des Bédouins du nord-est du Sinaï.

Enquête : Les oubliés du Sinaï -Voyage en Barbarie-

par grands-reporters
(Photos Cécile Allegra- Delphine Deloget pour Le Monde - Tous droits strictement réservés ) « Ils ont ouvert la porte de la prison. J’ai vu dix personnes enchaînées, debout, face contre le mur. Par terre, il y avait ce garçon...

Centrafrique: »Ils nous mettent mal à l’aise »

par Jean-Paul Mari
L’avenue « Combattant » est la grande artère qui relie l’aéroport au centre-ville de Bangui. Pierre Terdjman la sillonne, son appareil de photo en main, comme il le fait depuis plusieurs semaines à Bangui et en Centrafrique. Sa voiture s’arrête...

Les aventuriers du désert Libyque.

par Erik Bataille
Le désert libyque égyptien abrite un fabuleux ensemble de peintures rupestres, dont celles, uniques au Sahara, du wadi Sura. Nos reporters «embarqués» pour le Figaro magazine, dans une mission scientifique exceptionnelle, ont pu rejoindre le site après des centaines de kilomètres parcourus dans l'un des déserts les plus inhospitaliers de la planète.

Un destin rwandais

par Christophe Calais
"Christophe Calais / Signatures" Depuis près de vingt ans, Christophe Calais narre la chronique photographique d’Angelo : un destin singulier qui épouse les contours sinueux du Rwanda, théâtre d’une guerre civile puis d’un génocide contre la minorité tutsi d’avril à juillet 1994. S’il est un survivant, Angelo n’est pas un rescapé du génocide. Réfugié au Zaïre, comme des centaines de milliers de civils hutu, le garçon fut découvert dans une fosse commune, recouvert par les morts de l’épidémie de choléra qui frappait la région de Goma. Après avoir photographié son retour dans le monde des vivants, Christophe Calais continua, aux confins du Zaïre et du Rwanda, de suivre les pérégrinations de l’enfant. Depuis 2009, Nathan Réra explore le travail de Christophe Calais sous la forme d’un dialogue ininterrompu. Transparaissent, au fil de leurs mots, les évolutions du quotidien d’Angelo : son entrée dans l’adolescence, l’apprentissage de l’âge adulte, les triviales difficultés du quotidien, le lourd fardeau légué par les siens. Son portrait, à l’aune d’une société partagée entre la mémoire et l’oubli, reste celui d’un Rwandais engagé dans une course perpétuelle pour la survie.

Camille Lepage, la rage de l’injustice

par Jean-Paul Mari
Camille Lepage est la 17e journaliste tuée dans le monde depuis le début de l’année. Assassinée en Centrafrique... Est-ce parce qu’elle n’avait que 26 ans ? Parce qu’elle était femme ? Parce qu’elle était indépendante et donc plus fragile ?...
  • Par localisations

  • Par catégorie

  • Par auteur

  • réinitialiser la recherche