L’Edito : « Journalistes au Brésil…très chère indépendance! » par Marie Naudasher
par Marie NaudascherVoilà déjà un mois que l’Association des Correspondants Étrangers de São Paulo est à la rue. Sans bureaux, éparpillés dans une mégalopole de 12 millions d’habitants, nos membres continuent à couvrir l’actualité. Expulsés du très bel immeuble que le gouvernement de l’État de São Paulo leur avait cédé, dans la bien nommée Rua Boa Vista, au centre de la ville, les privilégiés naviguent maintenant à vue pour retrouver un siège.
Née sous la dictature, pour valoriser le travail de la presse internationale, l’Association entend aujourd’hui conserver son indépendance, permettre à ses reporters et photographes de couvrir les manifestations, de tous bords, en toute liberté. Notre force, comme association, c’est chacun d’entre nous. Payer un loyer conventionnel ? Notre trésorerie ne nous le permet pas, pas encore.
Hier, une proposition de partenariat nous a rappelé à l’essentiel. Des locaux en parfait état, avec un petit studio radio, et une localisation idéale. Mais notre hôte potentiel, généreux, serait lié à des figures controversées, dénoncées pour des actes de tortures commis sous la dictature. Après tout, ce n’est qu’un local, on y écrit ce qu’on veut, non ?
Illusion de liberté ! Combien nous coûterait une photo, nous, presse étrangère, au gala de fin d’année de nos nouveaux amis, en couverture de leur journal ? Comment organiser des conférences de presse avec des ONG sérieuses contre la réduction de la majorité pénale à 16 ans, quand dans nos murs, certains l’abaisseraient volontiers à 14 ans ? Le nerf de la guerre, plus que jamais.
Nous cherchons, contre la logique du marché immobilier, à faire vivre et défendre la presse étrangère, mais pas à n’importe quel prix. Très chère indépendance, tu vaux le coup !
(Marie Naudascher est Vice-Présidente de l’ACE-Association des Correspondants Etrangers de São Paulo.)