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Shin Bet : bataille au sommet du renseignement israélien

publié le 26/05/2025 par Marc Lefevre

La Cour suprême d’Israël a déclaré illégal le limogeage de Ronen Bar, directeur du Shin Bet. Une crise qui confirme la fracture entre l’armée et le pouvoir

Le Shin Bet, pilier de la sécurité intérieure

Historiquement, le Shin Bet (Service de la Sécurité Intérieure) est responsable de la lutte contre toutes les organisations ou individus pouvant porter atteinte à la sécurité intérieure de l’État d’Israël. Il a donc la capacité de rassembler les informations les plus confidentielles sur n’importe quel citoyen. Cette capacité unique implique que les responsables du Shin Bet doivent l’utiliser avec discernement et dans le strict respect de la loi.

Le traumatisme Rabin et la refonte du service

Suite à l’assassinat d’Itzhak Rabin en 1995 par un extrémiste juif, le Shin Bet avait été critiqué pour sa négligence du risque représenté par l’extrême droite et avait été renommé « Shabak » (Service de la Sécurité Générale) pour bien souligner que les risques pouvaient venir aussi des colons annexionnistes de Cisjordanie occupée. Ce service, et plus précisément ses dirigeants, ont l’obligation de toujours trouver un équilibre entre leurs missions de lutte contre les atteintes à la sécurité de l’État et le respect des cadres légaux et des droits de la personne.

Ronan Bar, une démission sous pression

La Cour suprême exige que le gouvernement justifie sa décision du limogeage de Ronen Bar et soumette ces justifications à l’examen de la Cour. Elle déclare que les liens de Netanyahu et de ses collaborateurs avec l’enquête du Qatargate imposent une limite, même temporaire, à ce limogeage pour éviter de voir l’enquête contrecarrée.
En tant que directeur du Shin Bet, Ronen Bar était responsable de la sécurité intérieure d’Israël, en particulier de la lutte contre le terrorisme et les menaces internes. Le 15 juin dernier, il a décidé d’assumer sa responsabilité dans les massacres du 7 octobre 2023 en quittant ses fonctions de chef du Shin Bet, a rebattu les cartes. Netanyahu s’est empressé d’annoncer aussitôt son choix d’un nouveau responsable du Shin Bet.

David Zini, nouveau chef du Shin Bet, un choix contesté

La brutalité de la procédure choisie par Netanyahu, mais aussi le profil du successeur pressenti, le général de brigade David Zini, ont déclenché un tonnerre de contestations en Israël parmi les opposants à Netanyahu, mais encore plus au sein de l’armée.
Avant même une éventuelle prise de fonction, David Zini s’est lui-même disqualifié. Dès l’annonce de son choix, les médias se sont empressés de révéler que les échanges préliminaires entre le Premier ministre et le candidat pressenti s’étaient faits dans le dos du chef d’État-major et du secrétariat militaire, au mépris des règles juridiques pour la nomination à un poste aussi sensible. De plus, si le profil de combattant de terrain intrépide de David Zini est reconnu par tous, il n’a aucune expérience dans les domaines du renseignement et des opérations spéciales.

L’armée désavoue la nomination

Plus sensible, la révélation de son opposition déclarée aux concessions nécessaires à la libération des otages et sa conviction que la guerre avec les ennemis d’Israël est éternelle, ont immédiatement suscité la colère des familles d’otages.
Politiquement, le chef du Shin Bet se doit d’être neutre voire impartial. David Zini, lui, représente exactement le contraire. Éduqué et formé au sein d’une des franges les plus radicales du sionisme religieux, il n’a jamais fait mystère de convictions politiques d’inspiration religieuse qui guident son parcours militaire. Pressenti aux fonctions de secrétaire militaire du Premier ministre, sa candidature avait même été rejetée par Netanyahu lui-même qui le jugeait alors … trop « messianique ». Alors qu’une des missions du Shin Bet est justement de surveiller les extrémistes religieux des territoires occupés, ce « messianisme » de David Zini ne semble plus curieusement être un obstacle à sa nomination.

Réseaux d’influence et conflits d’intérêts

Mieux. Sur fond de conflits d’intérêts, la presse a révélé que le propre frère de David Zini est le bras droit en Israël du millionnaire américain Simon Falik, grand pourvoyeur de faveurs à la famille Netanyahu et qui héberge Yaïr, le fils du Premier ministre, réfugié à Miami depuis le 7 octobre.

Otages ou guerre totale : la fracture

Reste que le feuilleton de cette tentative de nomination est l’occasion de mettre au grand jour l’approfondissement des divergences entre l’armée et le gouvernement. Le chef d’État-major Eyal Zamir a immédiatement convoqué David Zini pour lui rappeler les règles de discipline et lui annoncer qu’il ne faisait plus partie de l’État-major et pouvait faire valoir ses droits à la retraite. Et de plus en plus de voix demandent à Ronan Bar de revenir sur sa démission.
Alors que Tsahal continue à afficher sa priorité de libération des otages, le gouvernement parle d’abord de destruction du Hamas. Au même moment, le chef d’État-major Eyal Zamir explique aux recrues appelées à combattre à Gaza que son objectif est de mettre un terme à cette guerre le plus vite possible.


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