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Luc Choquer

Pilotin à peine sorti de l’école de Kersa, près de Paimpol (22), il cabote le long des côtes africaines. Et chante avec un groupe de rock, The Tubes. Luc Choquer se cherche et se trouve, enfin, au début des années 80, en découvrant le photographe américain Robert Frank, lors d’une expo. Un livre de photos de Diane Arbus plus tard, il se décide à devenir bourlingueur, et à jouer sa propre musique en s’achetant un Zenit russe, un reflex 35 mm, ou le Leica des débutants. Transformer sa salle de bains en labo ne suffit pas, mais Choquer est né sous une bonne étoile, en 1952, et croise ensuite les gens qu’il faut : Claudine Maugendre, directrice de la photo d’Actuel, et Christian Caujolle, son homologue à Libération. « C’était la grande époque où un journaliste ne partait pas en reportage sans photographe, se souvient-il, en détaillant sa méthode. Je suis un photographe d’extérieur mais j’entre aussi chez les gens et mes portraits touchent à l’intime ». Plus qu’un protocole photographique, un style, de l’extérieur vers l’intérieur.

Envoyé à Moscou par Marie-Claire après la pe-restroïka, il saisit cet entre-deux de l’Histoire où la Russie se reconstruit sur les ruines de l’Union soviétique. Rien n’exprime mieux ce déchirement, entre nostalgie d’un passé collectiviste et attirance pour un avenir radieux d’oligarques, que sa photo des deux jeunes filles de Saint-Pétersbourg, dont l’horizon cerné par une barre d’immeubles illustre l’affiche du festival. Ce travail lui vaudra d’ailleurs le prix Niépce, en 1992, et donnera lieu à un superbe livre, « Ruskaïa », aux éditons Marval. Ce titre s’ajoute à « Planète France », puis aux « Portraits de Français » qui balisent son parcours de photographe à bout touchant, qui n’hésite pas à flasher en plein jour. Il passe du noir et blanc à la couleur, comme d’autres passent au rouge, et sans marcher dans les clous. Sans tourner le dos à la Bretagne, non plus, où Géo l’envoie en Finistère. Pardon à Plougasnou (29), bénédiction de la mer, éleveur de chevaux, ou cimetière de bateaux, tout éclaire son oeil avide et jamais blasé par la beauté des paysages et des visages. Embarqué pour un essai photographique sur les Sept-Îles (22) par le Conservatoire du littoral, il en revient avec des souvenirs hitchcockiens d’attaques d’oiseaux.

Ce goéland argentique en a vu d’autres et n’est toujours pas rassasié par la diversité du monde, dont il feint de bafouer les usages. Cela lui a permis de mettre le pied dans les coulisses des défilés de mode, et sur les bas-côtés de la RN10 qui traverse les Landes. Autant de sujets dont il sait faire son miel, des taffetas comme des poids lourds et même plonger en sous-sol dans le métro parisien. « Cela n’a l’air de rien, mais c’est difficile de sortir un appareil photo dans le métro », dit-il, rappelant que les caves de l’École des Beaux-Arts, et les éboueurs au petit matin, figuraient également dans son livre sur « Les Parisiens ». « J’ai été un des derniers à me convertir au numérique », confie ce Carantécois qui garde un pied à Paris, et l’oeil ouvert sur le grand large. Le Centre atlantique de la photographie de Brest doit d’ailleurs, en octobre prochain, lui consacrer une grande exposition intitulée « De la rue à l’intime ». Photographier l’intimité des rues, sans tomber dans le banal et tirer le portrait d’inconnus en évitant le trivial, mais comment fait-il ? « Je leur demande de sourire des yeux, seulement des yeux », sourit-il. C’est le petit secret d’un grand photographe, auquel Landivisiau a confié le rôle de porte-drapeau pour son premier festival de photo.