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Livre-Portrait : Hartung, Nouvelle vague.

Livres publié le 20/10/2019 | par grands-reporters

Sa vie de héros antinazi, ex-légionnaire amputé au genou, traversé d’expériences cauchemardesques, mais déterminé à peindre ses « taches », passionnait.


Cet essai explore une facette de Hans Hartung (1904-1989) d’apparence improbable : les liens de ce géant de la peinture abstraite avec le cinéma. Il n’existe aucun film de Hartung, ni d’inclination réelle de sa part pour le septième art. Mais une enquête au cœur d’innombrables archives jusqu’alors inédites révèle des réseaux insoupçonnés : ce sont, entre autres, des réalisateurs comme Alain Resnais, Henri-Georges Clouzot, Jean-Luc Godard, Éric Rohmer, plus récemment Larry Clark, qui ont admiré l’homme et sa peinture.

Sa vie de héros antinazi, ex-légionnaire amputé au genou, traversé d’expériences cauchemardesques, mais déterminé à peindre ses « taches », passionnait. Qu’il ait été parodié, glorifié dans des décors de film, ou qu’il ait nourri des rôles campés par Anthony Perkins comme Maurice Ronet, Hartung est un fascinant point aveugle du cinéma. Cet essai le montre en « névropathe », en « escroc », en « dandy lettriste », en « artiste pascalien », et les caméras qui se sont emparées de lui livrent, en retour, des cadrages nouveaux sur son esthétique.

Enfin, l’auteur exhume une constellation de films des années 1960-1970 sur l’art et les artistes. Autant d’éléments illustrés par une iconographie rare qui offre de Hartung une image bouleversée, réinventée : un « Hartung Nouvelle Vague ».

Un livre renversant

Quiconque connaît un peu Hans Hartung et son œuvre dira volontiers qu’il y a des ambitions de graveur, de photographe, de sculpteur ou encore d’architecte au-delà de sa vocation de peintre. On le sait par ailleurs mélomane et attentif à la littérature. En revanche, il n’y aura certainement personne pour dire que Hartung entretient des rapports, même embryonnaires, avec le cinéma.

C’est ce qui fait toute la saveur du livre renversant de Pauline Mari : Hartung Nouvelle Vague, sous-titré De Resnais vers Rohmer(presses du réel, automne 2019). En partant d’une infime annotation manuscrite de l’artiste sur un feuillet datable de 1948-1949 conservé à la Fondation, elle mène une enquête à rebours de toute sorte d’évidence, au prix d’une extravagante audace intellectuelle.

Cette phrase, la voici « Envie de faire un film abstrait » ; et l’enquête, la voilà : des traces subliminales de Hartung dans le septième art, chez André Cayatte et Anthony Perkins (le Glaive et la balance), Michel Audiard, Maurice Ronet dans le rôle-titre du Feu follet de Louis Malle, Henri-Georges Clouzot et plus encore chez Eric Rohmer, dans Ma Nuit chez Maud. Sans compter, l’admiration que lui portent entre autres Alain Resnais, Jean-Luc Godard, ou encore Larry Clark.

Et de toutes ces marques d’intérêt, de rejet, d’admiration, Pauline Mari tire une substance qui permet de comprendre Hans Hartung sous un jour totalement renouvelé : un Hartung lettriste, par exemple ou encore un Hartung « pascalien ».
Et puis, le livre de Pauline Mari, en convoquant autour de son objet d’études une foule de films des années 1960-1970, donne tout simplement envie de revisiter tout ce cinéma d’époque…

Pour rappel, Pauline Mari a déjà collaboré avec la Fondation au catalogue sur « Hartung et les peintres lyriques » (Fonds Hélène & Édouard Leclerc pour la Culture, Landerneau, 2016) et au colloque international « Réalité autre, mais réalité quand même, Hans Hartung et l’abstraction » (2017) au Centre Allemand d’Histoire de l’art. Sa thèse de doctorat a été publiée avec le soutien de la Fondation Hartung-Bergman : « Le Voyeur et l’Halluciné – Au cinéma avec l’op art » aux Presses Universitaires de Rennes et elle a été co-commissaire de l’exposition « Le Diable au corps » au MAMAC (2019).


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