Algérie : cinq ans de prison pour Boualem Sansal, sept ans pour Christophe Gleizes
Sale temps pour les détenteurs de passeport français à Alger,. Le sort de Boualem Sansal -et des relations franco-algériennes- dépend d’une grâce présidentielle

L’écrivain franco-algérien Boualem Sansal a été condamné en appel à 5 ans de prison à Alger ; la veille c’est le journaliste français Chrostophe Gleizes qui recevait une peine de sept ans de prison. L’espoir pour Sansal est aujourd’hui une grâce présidentielle qui ferait baisser les tensions
Lundi, condamnation à Alger du journaliste français Christophe Gleizes à sept ans de prison ferme… Mardi, condamnation en appel de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal à cinq ans de prison… Sale temps pour les détenteurs de passeport français à Alger, c’est une circonstance aggravante ces jours-ci.
On ne le dira jamais assez : la place d’un journaliste ou d’un écrivain ne se trouve pas en prison pour des accusations qui relèvent de la liberté d’expression ou de celle de la presse. Personne n’est au-dessus des lois ; mais rien, dans leurs dossiers ne justifie de les embastiller : nous sommes ici dans le règne de l’arbitraire.
Les pays où l’on emprisonne les journalistes et les écrivains ont, sans exception, des régimes au mieux autoritaires, plus souvent totalitaires. Des pays où le droit n’est qu’un outil au service du pouvoir politique, qui en use et en abuse selon son bon vouloir. Depuis un an, l’Algérie fait payer à la France son revirement sur le Sahara occidental en faveur de la thèse marocaine : c’est dans ce contexte que se déroulent ces affaires faussement judiciaires.
Paris attend, ou plutôt espère, une grâce présidentielle pour Boualem Sansal, qui pourrait intervenir dès vendredi, à l’occasion de la fête de l’indépendance algérienne. C’est ce que laissait entendre assez clairement hier le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, dans une intervention à l’Assemblée nationale, en disant que l’Algérie était face à un choix « de responsabilité, d’humanité, et de respect ».
Le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, partisan d’une ligne dure face à l’Algérie, était dans la même disposition à ce micro hier, avant le verdict en appel contre l’écrivain, en disant peser ses mots pour ne « gâcher aucune chance de faire en sorte qu’il soit libéré ».
La grâce présidentielle a l’avantage d’être une décision souveraine du président algérien Abdelmajid Tebboune, qui se justifierait par l’état de santé de l’écrivain âgé de 80 ans et malade. Mais elle n’est envisageable que si le pouvoir algérien veut la désescalade des tensions avec la France ; personne ne peut en être sûr.
Que se passe-t-il si la grâce n’est pas annoncée ? Ce serait un énorme camouflet pour la France, et surtout le signe qu’Alger n’a pas fini de régler ses comptes avec son ancienne puissance coloniale. Les partisans de la ligne dure à Paris s’en trouveront confortés.
De fait, les relations franco-algériennes relèvent autant de la diplomatie que de la thérapie de couple, avec quelque 10% de la population française ayant un rapport avec l’histoire algérienne, des mémoires conflictuelles.
Certains, à Paris, estiment qu’une normalisation des relations avec Alger est impossible tant que le pays sera dirigé par des octogénaires issus de la guerre d’indépendance, dans un pays dont 70% de la population a moins de 30 ans. Et dans l’autre sens, tant que la classe politique française fera de l’immigration un sujet de surenchère électorale.
Le paradoxe est qu’Emmanuel Macron a été le chef d’État français prêt à aller le plus loin pour normaliser les relations avec Alger. Ses bons rapports avec le président Tebboune lui en donnaient l’espoir. Réponse vendredi donc : le sort de Boualem Sansal, autant que des relations entre les deux rives de la Méditerranée, sont en jeu.
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