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Allemagne : la fin brutale de l’âge d’or

publié le 03/12/2024 par Malik Henni

Longtemps modèle admiré, la république fédérale affiche un visage sombre. Les choix de l’ère Merkel montrent leurs limites. En ligne de mire, les prochaines élections législatives …

Drapeaux rouges, pancartes et chants de manifestation : un tableau rare, presque irréel, tant les vertus du « dialogue social à l’allemande » ont atteint le statut quasi-mythique de parangon de la démocratie sociale. Devant les usines Volkswagen gisent les espoirs brisés de la prospérité partagée et de l’excellence industrielle de la République fédérale : le puissant syndicat IG Metall entend lutter « comme jamais vu » contre la possible fermeture de trois usines et la réduction des salaires pour les employés épargnés. Le volume de production ne cesse de baisser et la concurrence chinoise sur les voitures électriques fait rage : l’âge d’or de l’automobile, moteur de la croissance outre-Rhin, est terminé.

La crise qui vient du froid

Le déclencheur de la crise qui a gelé la croissance allemande depuis deux ans vient du froid : l’invasion russe de l’Ukraine a fait exploser les prix de l’énergie, notamment du gaz, dont l’économie allemande est particulièrement dépendante. Le gouvernement allemand a révisé à la baisse sa prévision de croissance pour 2024. Il table désormais sur une récession de 0,2 %. En vérité, le déclin relatif du travailleur allemand a commencé avant : depuis 2020, les salaires réels baissent chaque année à cause de l’inflation. Les ménages allemands se serrent la ceinture : la confiance des consommateurs dans leur capacité à dépenser ne cesse de reculer. Comment expliquer cette croissance atone ? Des années de sous-investissements, dues à la règle du « Schwarze Null » (la règle d’or qui limite fortement le taux d’endettement de l’État), plombent le quotidien des Allemands : trains sans cesse en retard, manque de structures éducatives, places en crèche insuffisantes, infrastructures vieillissantes… Le vieillissement démographique n’améliore pas les perspectives de croissance.

Le « miracle économique » a fait pschitt

Olaf Scholz, le chancelier qui promettait un « miracle économique » en 2021, a subi les pressions démagogiques de son allié de coalition libéral, le FDP, en faveur d’un budget minimaliste. Ce dernier en paie à présent le prix : son impopulaire leader, l’ex-ministre des Finances Christian Lindner, perçu par le public comme arrogant et imbu de lui-même, a voulu se poser en victime de Scholz. Mais des documents internes au parti démontrent au contraire que la rupture avec le SPD était actée en interne depuis des semaines. Résultat : le FDP, habituellement partenaire de coalition naturel des deux grands partis, pourrait ne pas avoir de sièges au Bundestag en février.

Pendant ce temps-là, l’ extrême-droite parle d’immigration …

La demande intérieure est insuffisante pour soutenir la croissance, les exportations reculent, et le leadership politique est inexistant : une excellente position pour l’extrême-droite. L’AfD (Alternative für Deutschland) a remporté sa première élection dans un Land en Thuringe en septembre dernier et sa dynamique est forte : le parti, proche des mouvances néo-nazies, est au coude-à-coude avec le parti social-démocrate au pouvoir (environ 16 %).La CDU, après une parenthèse de quelques années, devrait retrouver la chancellerie avec Friedrich Merz, ancien militaire multimillionnaire. Le très droitier président fédéral du parti conservateur tentera de convaincre les électeurs de se détourner de l’AfD en parlant d’immigration du matin au soir. Mais son programme économique libéral et anti-écologiste (il refuse notamment la fin de la vente des véhicules thermiques prévue pour 2035) est-il vraiment à la hauteur des enjeux d’une Europe vieillissante et fatiguée.


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