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Australie: La baie des requins.

publié le 02/09/2007 | par Florence Décamp

Un désert brûlé jusqu’à l’os. Un vent qui rend fou. Des lieux dont les noms sont des souvenirs de naufrages. Bienvenue sur la côte occidentale de l’Australie. C’est ici, sur ces îles Abrolhos qu’éclata la pire des mutineries, le 4 juin 1629.


Le vent hurle comme un chien qui crie à la mort. Comme un forcené qui se jette sur les murs. Du sud au nord, le Southerly cavale sur ces confins de l’ouest australien, des milliers de kilomètres, entre une terre calcinée et un océan assassin, dont les Australiens ne savent presque rien. C’est pourtant, de toutes les côtes déroulées autour du continent, la plus extravagante. Et les hommes y sont souvent aussi invraisemblables que les paysages.

Le vent se traîne sur le sol du désert et griffe le sable. Dans la lumière qui s’en va, les dunes ont la couleur du maïs, striées par les milliers d’ombres des pics rocheux qui émergent du sol tels les hallebardes abandonnées d’une immense armée. Les sédiments calcaires du désert des Pinnacles, taillés par une longue érosion, peuvent atteindre les quatre mètres de haut et sont à la merci du Southerly. Il souffle si fort qu’au fil du temps, il a modifié la forme et l’emplacement de ces dunes poussées toujours plus loin. Encore quelques siècles et elles seront ailleurs. Car demain comme aujourd’hui, soufflera le Southerly.

Dans ce désert que traversent parfois des émeus qui vont l’oeil rond et la plume ébouriffée. Aussi vide que les coquillages abandonnés sur la grève qui résonnent de la rumeur de la mer et du râle des mouettes. Il n’y a personne. Pourtant, Perth, la capitale du Western Australia -état gigantesque dans lequel on pourrait loger plus de quatre fois la France- est à seulement 250km derrière nous. Depuis quelques années, la seule ville de la côte ouest est devenue frénétique en raison de l’envolée des prix des minerais que réclament la Chine ou l’Inde. L’intérieur des terres n’est que fer et nickel, or et diamants.

Le sol est ouvert en de larges failles, creusé, gratté. Les machines qui arrachent le minerai, les usines qui le traitent, ne s’arrêtent jamais. Elles tournent nuit et jour, monstres de métal accroupis au chevet de ces fosses immenses. Les hommes se ruent de tous les continents pour profiter de cette aubaine et les mines les plus vieilles sont réouvertes pour en extraire encore quelques richesses oubliées. Là-bas, c’est à nouveau l’Eldorado. Ici, rien ne bouge.

Si ce n’est le va et vient des camions sur la grand route. Ils avancent si vite qu’ils semblent aller sans conducteur, énormes et rugissants, comme des trains fantômes. Ils ont des palanquées de remorques et assez de roues pour ne pas avoir à s’arrêter quand un pneu explose et jette en l’air des lambeaux de caoutchouc qui se tordent sur les bas côtés avec des convulsions de vipères. Ils traversent impassibles ce paysage plat comme la main, plissé comme la gorge des lézards.

Un pays où les buissons se mettent en boule et les arbres à genoux pour échapper au vent qui courbe toutes les échines. Un pays brûlé jusqu’à l’os. Ils font vibrer l’air chaud et claquer la tôle des hangars des stations service plantées comme des balises tous les 300km. Rater l’une de ces road houses revient à rouler sans halte possible durant 6 heures, parfois sans jamais croiser personne.

Sur la côte, Geralton est une oasis. Un port de pêcheurs. Ici, les langoustes sont à foison et elles ont fait la richesse de cette bourgade, la seule de région, qui somnole le long des plages. Sur la colline, comme une fleur de métal, un mémorial pour le Sydney, bâtiment de la marine australienne disparu lors de la deuxième guerre mondiale sans laisser la moindre trace. Les hommes qui ne sont pas en mer -et les touristes qui passent- mangent des crevettes grillées et boivent assez de bière glacée pour s’y noyer, le regard parfois tourné vers le large où sont allongées des îles si basses que, lorsque le marin les aperçoit, il est souvent trop tard. C’est ici, sur ces îles Abrolhos qu’éclata la pire des mutineries, le 4 juin 1629.

Il était minuit. Dans un effroyable craquement d’os qui se brisent, l’un des plus beaux fleurons de la Compagnie Hollandaise des Indes, le Batavia, se disloqua sur le récif. Le capitaine décida de partir avec une petite troupe pour chercher du secours dans les comptoirs d’Indonésie. Il laissa sur place, Jeronimus Cornelisz, chargé de protéger les survivants. L’homme les massacra presque tous.

L’un après l’autre. 125 hommes, femmes et enfants. Il tortura, viola, disant que Dieu l’inspirait. Sans doute, aussi, les dix coffres remplis de pièces d’argent que transportait le Batavia. Les îles se transformèrent en abattoir, des rigoles de sang coulaient jusqu’à la mer…Trois mois plus tard, au retour du capitaine, Cornelisz sera torturé durant dix jours, puis pendu après qu’on lui eut tranché les deux mains. L’écho des hurlements et la poussière des ossements se sont mêlés au sable des îles.

La mémoire du Batavia demeure agrippée à cette côte qui porte aujourd’hui son nom. Puis cette habitude est venue de baptiser les baies et les premiers villages en souvenir des bateaux naufragés. Le village de Cervantes doit son appellation à un baleinier américain qui s’était, sans fracas, échoué sur un banc de sable en 1844 . La réserve naturelle de Zuytdorp porte le nom d’un bateau hollandais qui lui se brisa en 1712 contre la muraille des falaises qui, plus loin, bordent la côte…

Dès que l’on s’éloigne de la mer, son existence semble soudain improbable. Comment, dans ce relief écrasé au sol, terrassé par un soleil blanc, imaginer la fraîcheur des vagues? C’est ici qu’habite le Prince, dans ce paysage poudré de poussière. Les pistes s’y coupent à angle droit et se séparent au pied des poteaux où sont cloués le nom des fermes. Celui de la Hutt River est souvent arraché, sans doute, par ceux qui jalousent le tour de force de Leonard Casley, paysan devenu seigneur.

« Ce sont des ignorants » en conclue le Prince qui aime à raconter les tribulations de son royaume : 75km2 de terre à grains et à moutons, des spirales de poussière qui dansent sur le chemin et des mouches comme une pluie noire qui jamais ne tarie. Trois hangars, deux camions et un chien qui renifle les fleurs des plates-bandes ayant survécu à la sécheresse. Une ferme comme il y en a tant, quelques bâtisses de briques rouges bardées de moustiquaires, si ce n’est ce portail de pierre, démesuré, taillé dans un arrondi de balcon de théâtre. Et cette tête d’un mètre de haut posée dans l’herbe, celle du prince, sculptée dans la pierre et cadeau d’un admirateur.

Ce matin, le Prince Leonard, mince comme un échassier et aussi marqué qu’un vieux cuir, est installé derrière le guichet de son bureau de poste tout occupé à lécher les timbres et tamponner les enveloppes aux armes de la principauté de la Hutt River, indépendante depuis plus de trente ans. En 1970, Leonard, qui n’est que fermier, estime que la baisse des quotas de blé imposés par le gouvernement va conduire son exploitation à la ruine. Après s’être battu en vain contre les autorités, il a recours à une vieille loi héritée du temps où les Anglais étaient ici chez eux pour faire sécession. « Cette loi n’était plus en vigueur depuis longtemps mais comme l’Australie ne l’avait pas abrogée, je m’en suis servi…. »

Quelques mois plus tard, Leonard se déclare seigneur en raison de l’ « Imperial Treasons Act » -autre loi poussiéreuse mais non caduque- qui dit que celui qui porte atteinte à un prince peut être inculpé de trahison. « Ce n’est pas que je tenais à devenir prince mais c’était un moyen de me protéger…» Le gouvernement se moque et l’ignore. Le 21 avril 1972, la principauté de la Hutt River Province devient un pays. Le gouvernement montre les dents, menace, refuse de reconnaître la nouvelle nation et réclame ses impôts.

« Alors » dit le Prince « j’ai déclaré la guerre à l’Australie! » Le 2 décembre 1977 débute le plus inoffensif des conflits qui se termine moins d’une semaine plus tard par un courrier du Prince à Canberra….Depuis, l’Australie continue d’ignorer ce petit prince de 81 ans qui vend toujours du grain et de la laine, des bouquets de fleurs sauvages mais aussi des stylos marqués du drapeau de la province, des enveloppes commémoratives et des timbres à son effigie.

Dans son dernier courrier à Jacques Chirac, il exhorte le président français à revendiquer la propriété de l’Australie de l’Ouest. « Après tout, vous étiez là les premiers » sourit le Prince qui raconte comment Louis-Marie François de Saint Alouarn, commandant le Gros Ventre revendiqua, en 1772, cette terre australe pour la France. En 1998, on retrouvera le parchemin laissé par Saint Alouarn dans une bouteille scellée par un écu dans la Baie au requin qui se trouve au nord des terres du prince. Depuis, le Prince attend que Jacques Chirac se manifeste…

Sir Leonard Casley a fermé boutique. A l’horizon, le ciel voit rouge. La route se coiffe d’étoiles encore pâles et la lune roule entre les nuages. Avec la nuit qui vient, le bush qui prétendait être désert frémit des vies infimes qui s’accrochent aux mimosas et aux mulgas. Avant l’aube, les araignées argentées auront tricoter des toiles assez vastes pour recouvrir une table de banquet. Les souris à queue rouge s’extirpent de leurs terriers, les pythons woma glissent sur les rochers, les wallabies grattent la terre pour s’abreuver aux sources enfouies sous les broussailles. Ce silencieux chassé croisé laisse, au sol, une partition de griffures que les Aborigènes Malgana savent déchiffrer. Ici est leur territoire, Gathaagudu , « le lieu aux eaux doubles ». Mais les Blancs l’appellent Shark Bay, la Baie au Requin.

A l’extrême ouest du continent australien C’est le rivage le plus proche de l’Afrique, la plus grande baie du pays, bien plus vaste que celle de Sydney. Vue du pont d’un navire, Shark Bay a de quoi flanquer la frousse. C’est un mur imprenable. Des falaises tranchées à la hache qui plongent dans une eau effervescente. Harponnée par le Southerly, la mer est un chaudron d’où s’arrachent des vagues hurlantes et échevelées qui grimpent à l’assaut des parois, tout là-haut, jusqu’à lécher le plateau qui les couvre.

Au sol, sans repères, on perd le nord. Tout n’est plus que dunes et lagunes. Un pays qui s’étire en de longues écharpes de sable qui portent des couleurs aussi franches que celles d’un étendard. Terre rouge et sable blanc. Et la mer si bleue qu’elle chavire les yeux.

Mais, de cela les touristes n’ont que faire. Ils viennent uniquement dans la baie au requin pour y voir les dauphins de la plage de Monkey Mia. C’est un rituel de plus de quarante ans. Chaque matin, cinq ou six dauphins, pas forcément les mêmes, arrivent du large. Avec de l’eau au mollet, l’appareil photo en bandoulière et la marque du maillot déjà décalquée sur une peau de crustacé, les touristes s’alignent face à la mer et donnent aux dauphins des poissons fournis par des rangers qui ont pour mission de protéger les cétacés de l’enthousiasme des hommes. De ce voilier, qui fait le bouchon sur les eaux marbrées de la baie, on voit la haie de touristes, petites fourmis plantées au garde à vous.

Soudain, à cinquante mètres du bateau, l’eau verte se brise d’un arrondi noir. Un dugong, une « vache marine », vient de remonter à la surface pour y respirer. Elle bascule et plonge, l’éventail de sa queue un instant planté dans la houle avant de disparaître. Une autre émerge, une autre s’efface, les dugongs dansent avec des corps de sumo et des grâces de geishas. Ils sont environ dix mille à patrouiller une des plus grandes prairies sous-marines de la planète dont ils aspirent les algues de leurs babines retroussées. Dans leurs parages croisent aussi des requins tigres, des raies manta, des baleines à bosse, des tortues vertes et des tortues carettes…Un incroyable carrousel qui vire et tourne dans les eaux de la baie.

De retour à terre, nous remontons la péninsule qui partage Shark Bay en deux, avec Leon Deschamps au volant. Maigre comme un jeune d’Artagnan, un chapeau de brousse vissé sur le crâne et une queue de rossinante sur les épaules, Léon Deschamps est né à Denham, il y a 30 ans, il y habite encore. Avec mille habitants, c’est le seul village de la région. Il a connu quelque richesse avec la perle.

Les huîtres étaient si nombreuses qu’elles furent utilisées pour paver la route principale jusqu’à ce que le conseil municipal, dans les années 60, recouvre de bitume ce lumineux chemin de nacre…Aujourd’hui, les dauphins de Monkey Mia ont pris le relais des perles. Les motels ont remplacé les cabanons. Mais Denham fait du tourisme sans forcer et demeure joliment délabrée avec ses vieilles maisons coloniales cerclées de coursives ombragées, l’écarlate de ses bougainvillées qui escaladent la tôle des toits et la plage battue par le Southerly, toujours lui, qui poursuit sa course.

Leon vit ici, à quelques enjambées de la mer. Une maison de bois, de guingois, à coté d’un bouquet de filaos. Attaché devant la véranda, il y a un chien au cou de taureau mais doux comme un agneau. La maison est fragile comme une centenaire. Elle appartenait au grand-père, elle fut vendue, Leon l’a rachetée. Le grand-père était venu de France avec des pieds de vigne. Léon n’en sait guère plus car ses parents sont morts trop vite pour lui raconter les origines de la famille. Il a poussé tout seul, sous la vigilance du village qui surveillait les vagabondages de l’enfant.

A 18 ans, Leon parlait quatre dialectes autochtones, marchait pieds nus sur les épines du bush, lisait les étoiles, repérait le sillage d’une tortue à plus de cent mètres et dépeçait un kangourou comme d’autres un lapin. Quand il arriva à l’université de Perth, il découvrit avec stupeur qu’il n’est pas Aborigène mais Européen. Il est toujours sidéré qu’une couleur puisse faire la loi. Leon ne croit pas à la différence des races. Ici, elles se sont fondues les unes aux autres dans le berceau de Denham qui fut longtemps un camp de passage.

Quelques baraques en bois où faisaient escale les chasseurs de baleine et les ramasseurs de guano, les pêcheurs et les santaliers. Hollandais, Chinois, Anglais, Malais, Français, Indonésiens qui se mélangeaient aux Aborigènes…. A l’opposé géographique des grandes villes australiennes de la côte Est où les Aborigènes furent décimés et où les habitants ne savent toujours pas vivre ensemble.

Un jour, Leon prendra la mer, il verra les contrées décrites par ces navigateurs dont il raconte les exploits aux visiteurs. Il sera à la barre d’un voilier et non plus accroché au volant de sa voiture de brousse qui tangue et qui roule sur la piste du parc national de François Perron. C’est un plateau cramoisi, saupoudré d’une végétation rase, bordé par l’éclat des plages. A droite, le continent. A gauche, l’île Dick Hartog. Impossible de voir ni l’un, ni l’autre. La baie est trop vaste, l’horizon liquéfié dans une lumière blanche qui efface les repères et brouille les pistes.

Sous les roues gicle une écume de sable qui tombe sur les buissons avec un bruit de glace pilée au fond d’un verre. Dans cette contrée, le végétal n’est pas tendre. Pour survivre, il s’est fabriqué des écorces épaisses, des branches repliées, des épines en poignards. Il brille du métal des armures. Mais, au printemps, si le ciel est généreux, des millions d’immortelles fleurissent et accrochent aux courbes du désert des couleurs de dragées. Des ondulations mauves et blanches, des frissons jaunes et bleus qui vont jusqu’à l’horizon. Le Southerly s’y vautre, fait des pirouettes et des roulades, ouvre des sillons dans les herbes et froisse les fleurs qui s’effritent comme des gâteaux secs.

Leon a quitté la piste, pour la plage. Il roule au plus près de la mer pour que, très vite, la marée efface ses traces. C’est la plage de Rose. Rose de Freycinet, jeune épousée, qui, en 1817, refusa de laisser partir seul son mari choisi pour mener une expédition au bout du monde. A Toulon, elle dissimula ses boucles sous un bonnet, se déguisa en marin et se cacha sur le navire. Un an plus tard, elle marche sur cette plage. De sable blond et d’eau claire, bordée d’herbes qui se courbent au vent, ourlée de rochers où s’accrochent des huîtres par centaines. Fort bonnes, écrit Rose, dans son carnet de voyage, tout comme le potage à la tortue…Sur cette plage, elle est la première femme à raconter une rencontre avec les autochtones.

Méfiants, les deux groupes s’observent. Les Français engoncés dans leurs habits et leurs dentelles, les Aborigènes nus comme au premier jour. Puisqu’ils ne peuvent se parler…ils vont danser. Les Blancs, puis les Noirs. Accompagnés par le claquement des castagnettes de l’un des Français… L’invraisemblable scène a été immortalisée par un dessin dont Rose, pour raison de convenances, fut effacée.

Partout à Shark Bay, nos ancêtres ont laissé leurs empreintes. Capitaines, botanistes, peintres, explorateurs s’y sont succédé. Mais le préféré de Leon reste François Perron. Au tout début du 19ème siècle, le scientifique français se passionna pour Shark Bay. Chaque jour, il se perdait avec délice dans la fournaise du bush australien dont il ramena en France des espèces animales et végétales par milliers. Il explorait cette péninsule devenue aujourd’hui un parc national qui porte son nom, en plein cœur de Shark Bay qui a été classée au patrimoine mondial de l’humanité.

« Comment, les Français ne connaissent pas François ?» Leon s’indigne de tant d’ingratitude pendant que sa voiture cahote dans les dunes, glisse et dévale jusqu’au rivage. C’est la pointe extrême du doigt tendu de la péninsule. Là, il ne reste plus que l’océan qui, tout crêté de blanc, court vers le nord. Les baleines viennent ici pour apprendre à nager à leurs petits dans ces eaux frissonnantes.

L’homme crie. Au bout de sa ligne, un poisson noir et nacré se débat avec une ultime fureur. Il l’extirpe des flots, le hisse le long de la falaise. C’est sur cette île de buissons et de cailloux, parallèle à la péninsule François Perron, que s’est déroulée la plus improbable des histoires. Les pêcheurs du coin la racontent toujours avec bonheur. « C’est ici, en 1616, que débarque le capitaine Dirk Hartog. Il monte en haut de l’île et plante un poteau sur lequel est fixé un plat en étain où il a fait graver le récit de son passage… » Commence l’homme en retirant l’hameçon de la gueule du poisson. « …81 ans plus tard, le capitaine Willem de Vlamingh arrive à Shark Bay, escalade la falaise et trouve le plat! Avant de l’emporter, il décide d’en faire graver un autre. Il fait recopier le texte laissé par Hartog et y ajoute le sien… Et vous n’allez pas croire la suite !

En 1801, le capitaine Jacques Hamelin -c’est un Français celui là- découvre le plat d’étain de Vlamingh!… » Mais décide de le laisser sur place. Ce serait, pense-t-il, sacrilège que d’y toucher. Ce n’est pas l’avis d’un de ses jeunes officiers, Louis de Freycinet qui n’a pas encore rencontré et épousé la jolie Rose. Quand il revient, 17 ans plus tard, il ne repart pas les mains vides. Louis manque perdre l’assiette de Vlamingh quand il fait naufrage, en 1819, aux îles Malouines mais elle est sauvée des eaux et remise à l’Académie Royale des Inscriptions et des Belles Lettres de l’Institut de France qui va…la perdre. Finalement le plat de Vlamingh sera retrouvé après la deuxième guerre mondiale et offerte à l’Australie.

Autour de l’île qui porte aujourd’hui le nom de Dick Hartog, le Southerly crache des jets de baleine qui, dans le ciel, font des bouquets blancs. Jusqu’au mois de mars, il va souffler comme un taureau dans l’arène et, du désert des Pinnacles à Shark Bay, rafraîchir la brûlure de l’été et faire tourner les éoliennes. Puis le Southerly s’apaisera le temps de laisser passer l’hiver avant de revenir rugir contre les flancs de ce rivage qui, depuis si longtemps, semble abriter les hommes abandonnés, leurs rêves et leurs folies.


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