Chine-Asie: la tournée de l’empereur Xi
Pékin contre-attaque. Le présidentXi Jinping parcourt l’Asie du Sud-Est – Vietnam, Cambodge et Malaisie. Donald Trump, lui, dénonce un voyage qui vise à « entuber » les États-Unis. Pas faux…

Ho, Ho, Hô Chi Minh!
Gerbes de fleurs au pied du mausolée d’Hô Chi Minh, serrages de mains entre camarades, drapeaux rouges étoilés à tous les coins de rue… Hanoï s’est parée de ses plus beaux bijoux de la révolution pour accueillir le dirigeant chinois, alors que les deux pays font face à ce que Xi appelle de « l’intimidation » de la part de Donald Trump. Venu en partenaire de confiance, le président chinois a rencontré son homologue, lui aussi secrétaire général du Parti communiste et président, Tô Lâm. Alors que les deux pays cumulent les griefs territoriaux en mer de Chine et qu’ils se livrent une concurrence féroce pour attirer les investissements et les usines, Donald Trump a réussi l’exploit de les placer sur le même banc.
Le Vietnam pris entre Pékin et Washington
Fidèle à la « diplomatie du bambou », qui plie toujours sans jamais rompre, Hanoï souhaite tirer parti de ses bonnes relations à la fois avec Pékin et Washington. Mais le déficit commercial américain, bête noire du milliardaire devenu président, l’a poussé à instaurer 46 % de droits de douane sur les productions vietnamiennes. Les produits textiles – notamment les Adidas – mais aussi les produits agricoles et électroniques verraient leur prix exploser. Face à cette menace existentielle pour le modèle économique vietnamien, Xi a voulu montrer qu’il était un partenaire fiable : 45 accords ont été signés entre les deux régimes communistes, dans les domaines des transports, de la défense et des infrastructures.
Cambodge, Malaisie : ne plus dépendre de l’oncle Sam
Fort de ce premier succès, Xi se rend au Cambodge, autre régime frère, et en Malaisie, deux pays qu’il n’avait pas visités respectivement depuis 12 et 9 ans. Anwar Ibrahim, Premier ministre malais qui assure la présidence tournante de l’ASEAN, lui a déroulé le tapis rouge : ces visites, prévues de longue date, tombent à point nommé. L’ensemble des industries sud-asiatiques fait tourner ses usines pour profiter des trois mois de suspension des droits de douane que Trump a unilatéralement décidée. Les gouvernements de l’ASEAN, qui forment avec la Chine, la Corée du Sud et le Japon la plus importante zone de libre-échange du monde, veulent développer le commerce intra-zone pour moins dépendre des coups de menton de l’Oncle Sam.

Vers une mondialisation à la carte ?
Couplée aux mesures de rétorsion chinoises, qui interdisent à présent l’exportation de terres rares, cette politique fait naître un risque qui a commencé à poindre au moins depuis 2014 et les sanctions contre la Russie : celui d’une mondialisation entre amis, à la carte, où les guerres commerciales préfigureront peut-être les futures guerres. Pour faire plaisir à Xi, le gouvernement cambodgien a rappelé son soutien à la politique « d’une seule Chine », visant directement Taïwan.

Un réseau économique tentaculaire
En 2023, les échanges commerciaux entre Pékin et les dix membres de l’ASEAN ont dépassé 975 milliards de dollars, plaçant ce bloc devant l’Union européenne et les États-Unis en tant que première zone commerciale de la Chine.
Vietnam : le nouveau hub industriel
Avec plus de 230 milliards de dollars d’échanges bilatéraux en 2023, le Vietnam est devenu un maillon stratégique pour les chaînes d’approvisionnement délocalisées. L’électronique, le textile, l’agroalimentaire, mais aussi les composants mécaniques figurent parmi les secteurs phares.
Malaisie et Cambodge : entre matières premières et infrastructures
La Malaisie commerce avec la Chine à hauteur de 190 milliards de dollars, notamment dans les secteurs technologiques, de l’énergie et des semi-conducteurs. Le Cambodge, bien que plus modeste (environ 12 milliards de dollars), bénéficie d’investissements chinois massifs dans les infrastructures et l’agriculture, via les projets de la « Belt and Road Initiative ».
Une interdépendance croissante
À l’échelle de l’Asie, la Chine tente d’ancrer sa domination via le Partenariat économique régional global (RCEP), entré en vigueur en 2022, qui rassemble 15 pays et couvre près de 30 % du PIB mondial.
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