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COP 29 à Bakou : La conférence sur le climat baigne dans le pétrole

publié le 13/11/2024 par Pierre Feydel

La conférence sur le climat en Azerbaidjan, éclairée par les torchères des puits de l’or noir ? Pourquoi l’ONU se couvre-t-elle de ridicule…

On se demande s’il s’agit d’une farce. Que la 29ᵉ Conférence des Nations Unies sur le changement climatique, débutée le 11 novembre, soit organisée à Bakou, en Azerbaïdjan, laisse stupéfait. Un groupe d’élus français a qualifié cette COP29 de « rendez-vous de la honte et du déshonneur ». Parmi les signataires de cette déclaration, on retrouve Bruno Retailleau, alors sénateur LR de Vendée, et Carole Delga, présidente PS de la région Occitanie, des personnalités de droite comme de gauche, unies par la même indignation. La première adjointe au maire de Marseille, Michèle Rubirola, a déclaré que cette assemblée était « l’instrument de légitimation d’une dictature, mais aussi un outil de promotion de l’industrie pétrolière contre le climat. » Les protestations s’élèvent de toutes parts dans le monde. L’ONU achève de se déconsidérer avec ce choix, perdant ainsi beaucoup de sa légitimité dans sa lutte proclamée contre le réchauffement climatique.

Depuis la fin des années 1840, Bakou est l’une des capitales mondiales de l’extraction pétrolière et gazière. Le premier puits de pétrole moderne y a vu le jour il y a environ 180 ans, au nord-est de la ville. L’Azerbaïdjan fut l’une des républiques constitutives de l’URSS. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les Nazis voulaient à tout prix s’emparer de son pétrole, un enjeu crucial de leur offensive en 1941, sans succès. Aujourd’hui, le pays extrait 32,7 millions de tonnes de brut et 35 milliards de mètres cubes de gaz par an. Cette manne représente 30 % du PIB, plus de 50 % des recettes de l’État et 90 % de ses exportations. De plus, ce pays, dont l’économie dépend essentiellement des énergies fossiles, est une dictature.

Au pays d’un dictateur

Ilham Aliyev, réélu pour la cinquième fois président de la République le 7 février dernier avec plus de 90 % des suffrages, règne sur le pays. Les élections sont notoirement truquées, les opposants pourchassés, la presse muselée, l’État de droit inexistant et la corruption endémique. Récemment, de nombreux militants écologistes ont été arrêtés. De quoi faire s’étrangler de rage tout militant écologiste aux quatre coins de la planète. L’ONU est coutumière de ce genre d’aberration. En 2023, la COP28 s’est tenue à Dubaï, capitale des Émirats arabes unis, présidée en outre par le patron de la compagnie pétrolière nationale, dans un pays classé au 6ᵉ rang mondial des émetteurs de CO₂ grâce à sa production d’or noir.

L’ONU le fait-elle exprès ?

Est-ce qu’au sein de ses dirigeants, quelqu’un imagine qu’organiser des conférences mondiales sur la pollution dans des pays notoirement pollueurs pourrait, par une sorte de prise de conscience soudaine, les inciter à changer d’attitude ? Peu probable. En réalité, le choix des lieux de la COP semble moins être le fruit d’un calcul absurde que des pratiques de la bureaucratie onusienne, marquée par ses zones d’ombre et sa nécessité de satisfaire tout le monde. La sélection des pays hôtes est en effet déterminée par des procédures sous l’égide de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC).

L’écologie diabolique

Les pays membres de la CCNUCC font acte de candidature pour chaque COP. Le choix des pays hôtes vise à permettre à chaque continent d’accueillir la conférence à tour de rôle. Une fois la région du monde sélectionnée, un consensus est recherché pour désigner le candidat. Il est rarement nécessaire de procéder à un vote, ce qui laisse place à des manœuvres et jeux d’influence. La CCNUCC regroupe 196 États et l’Union européenne. Cette fois, un pays d’Europe orientale devait être choisi. La République tchèque, la Bulgarie, l’Arménie et l’Azerbaïdjan étaient candidats. Les deux premiers se sont retirés, et l’Arménie a finalement soutenu l’Azerbaïdjan, son ennemi historique, dans ce qui a été perçu comme un geste de bonne volonté après le conflit sanglant du Haut-Karabagh entre les deux pays. À moins qu’il ne s’agisse d’une pression exercée avec succès sur Erevan. Quant au dictateur azéri, il considère le pétrole et le gaz comme « un don de Dieu ». Pour lui, l’écologie est donc diabolique.


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