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De la Syrie à l’UE, le florissant trafic de passeports

publié le 11/12/2015 par Luc Mathieu

En y mettant le prix, il est facile de se procurer un document falsifié, volé ou acheté à un Européen pour traverser les frontières sans encombre.
De la Syrie à l’UE, le florissant trafic de passeports

S’il est désormais avéré que le passeport syrien retrouvé à proximité du Stade de France appartenait à l’un des kamikazes, la ministre de la Justice Christiane Taubira a fait valoir qu’il s’agit d’un faux. Le jihadiste a transité par la Grèce, où ses empreintes digitales ont été relevées lors d’un contrôle, selon les autorités grecques. L’homme, qui venait de Turquie, a traversé l’île de Leros le 3 octobre et rejoint la Serbie.

Filières.

Se procurer un faux passeport à Istanbul n’a rien de difficile. «Il y a une quantité assez incroyable de filières. Même sans aucun contact, il suffit de demander à un ami ou à une connaissance syrienne sur Facebook, qui lui-même saura ou se renseigner. En quelques jours, vous avez trouvé», explique un Syrien récemment exilé en France. Tout dépend ensuite du prix que l’acheteur est prêt à mettre. Les tarifs s’étalent de moins de 200 euros pour un faux passeport syrien de mauvaise qualité, à 10 000 euros pour un passeport européen.

Les filières sont approvisionnées en documents officiels – passeports, actes de naissance, etc. – depuis 2012, lorsque le soulèvement syrien a basculé dans la rébellion armée. Quand les combattants de l’Armée syrienne libre ont commencé à progresser dans des villes, telle Alep (Nord), ils ont récupéré des milliers de passeports vierges dans les bureaux officiels du régime. Les trafiquants basés en Turquie en ont récupéré une partie.

«On leur donne une photo et les informations – nom, âge, lieu de naissance, nom du père, etc.–  que l’on veut. Ils remplissent le passeport et le tamponnent. Il faut compter un peu moins de 1 000 euros», explicite le jeune Syrien. C’est ce type de passeport qu’utilisent principalement ceux, rebelles et civils, qui n’avaient pas de document d’identité avant la révolution, et qui font désormais des allers-retours entre leur pays et la Turquie.

Stock.

Mais les passeports les plus prisés restent ceux émis en Europe. Ils sont authentiques : soit volés, soit achetés à des ressortissants qui les déclarent ensuite perdus. «On dit aux trafiquants dans quel pays on veut aller. Ils nous prennent en photo et cherchent ensuite dans leur stock quelqu’un qui nous ressemble et qui est originaire du pays que l’on a choisi. Cela peut prendre quelques jours.

Quand ils trouvent, il faut parfois se couper les cheveux ou mettre des lentilles de contact pour se changer la couleur des yeux et ressembler le plus possible à la photo du passeport», explique le jeune Syrien. Le paiement se fait en deux fois : 5 000 euros d’avance et 5 000 euros si l’on arrive dans le pays souhaité.


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