Jean-Paul Mari présente :
Le site d'un amoureuxdu grand-reportage

Deux ans après le 7 octobre, Israël dans l’impasse de la revanche

publié le 07/10/2025 par Pierre Haski

Deux ans après le pire massacre de leur histoire, les Israéliens n’ont pas surmonté le traumatisme, ils ont gagné les confrontations militaires, mais pas la bataille morale

Lorsqu’il s’est rendu en Israël pour exprimer sa solidarité, quelques jours seulement après le massacre du 7 octobre, Joe Biden, alors président des États-Unis, a offert un conseil aux Israéliens. « Je vous recommande, leur a-t-il dit, de ne pas être consumés par la rage que vous éprouvez. Après le 11 septembre, nous étions en furie aux États-Unis ; tout en cherchant la justice et en l’obtenant, nous avons aussi commis des erreurs » – des « erreurs » est un euphémisme : 20 ans de guerres en Afghanistan et en Irak, pour rien.

L’État hébreu n’a pas suivi le conseil de Joe Biden. Il s’est lancé à son tour dans des guerres sans fin, à Gaza et dans toute la région. Il a remporté les batailles militaires, fort de sa puissance sans équivalent au Moyen Orient ; mais il a perdu la bataille morale, par une riposte impitoyable, inspirée par le sentiment de revanche ; et il se trouve à l’heure de choix difficiles.

Ce deuxième anniversaire de la pire attaque terroriste subie par Israël dans son histoire, a un goût amer, doublé de l’espoir de voir se clore la page douloureuse de la prise d’otages. Les Israéliens n’ont toujours pas surmonté le traumatisme de ce 7 octobre de cauchemar : deux ans de guerre ne leur ont pas permis de faire le deuil des 1200 victimes, ni de solder les comptes politiques de la terrible défaillance de sécurité de leur État.

Benyamin Netanyahou joue sa survie politique, et il maintient le pays dans un état de guerre qui empêche tout débat national serein. Le premier ministre israélien a semblé plus d’une fois lâché par son opinion publique, au cours de ces deux années, et engagé dans une fuite en avant. Mais, tel un phénix, il a su rebondir et engranger des succès comme les coups portés au Hezbollah libanais, ou le bombardement de l’Iran, salués par les Israéliens.

Sa principale faiblesse, qui finit par se voir, est son absence de vision de l’« après », car il y aura inévitablement un « après ». Il navigue entre ses alliés d’extrême droite et leur vision d’apocalypse, qui rêvent de nettoyage ethnique et de colonisation ; et les humeurs changeantes de son grand et seul allié, Donald Trump.

Netanyahou a embrassé le moment « Riviera » du président américain, tout en sachant très bien qu’il était délirant ; et il se trouve acculé aujourd’hui quand Trump lui impose un plan qui ne prévoit pas le départ des Palestiniens de Gaza.

L’heure de tirer les leçons n’est donc pas encore arrivée… Il est toujours difficile de tirer les leçons dans le feu de l’action, Israël ne fait pas exception. Comme les États-Unis après le 11 septembre, les dirigeants israéliens, en phase avec l’opinion, ont cherché la vengeance et la démonstration de force. L’opinion a bougé en deux ans, et continuera à évoluer si la guerre s’arrête et les otages sont libérés.

L’heure du choix viendra alors : Israël peut-il fonder sa sécurité uniquement sur la force imposée à ses voisins, palestiniens ou arabes ? Ou bien ne doit-il pas chercher un équilibre entre la sécurité d’Israël et la justice pour les Palestiniens ?

Ce débat, Israël l’a eu il y a trente ans, au moment des Accords d’Oslo, qui ont hélas échoué. L’absence de solution pendant trois décennies a produit la catastrophe du 7 octobre : la question reste la même aujourd’hui, mais dans un contexte bien plus tragique.


Tous droits réservés "grands-reporters.com"