Donald Trump : cent jours de chaos
Le président américain a voulu impressionner le monde par une posture « virile » depuis 100 jours. Sans succès

La victoire au Canada du candidat de la « résistance à Trump », Mark Carney, illustre le rejet de son agressivité, et de l’affaiblissement du soft power qui faisait la force de l’Amérique.
Comme cadeau d’anniversaire pour ses 100 jours à la Maison Blanche, Donald Trump a reçu un retour de bâton sévère : les électeurs canadiens, qu’il avait bousculés et pris de haut, ont donné la victoire au candidat qui avait placé sa campagne sous le signe de la « résistance à Trump ». « Trump a voulu nous briser », a commenté le leader libéral Mark Carney triomphant.C’est le signe le plus sûr que la méthode « virile » du 47ème président des États-Unis ne produit pas les effets escomptés. Donald Trump a voulu impressionner le monde depuis son investiture le 20 janvier, avec une posture agressive : envers le Canada convoité comme 51ème État, le Groenland qu’il veut arracher au Danemark, le canal de Panama revendiqué, ou Gaza vu comme un projet immobilier de luxe…
Le chantre de l’« Amérique d’abord » a voulu imposer des rapports de force favorables aux États-Unis pour changer l’ordre mondial à son profit. Il a choisi d’être craint plutôt que d’être admiré ou envié – mais force est de constater que ça ne marche pas. Il a accéléré la décomposition de l’ordre de l’après-guerre, sans proposer d’alternative crédible. Le monde selon Trump est plus compliqué que prévu, Nicolas : la paix en Ukraine en « 24 heures » est toujours hors de portée ; le Moyen Orient est tout sauf stabilisé. Quant à l’Europe, menacée de vassalisation, elle rêve d’être « indépendante de l’Amérique », selon le mot du prochain Chancelier allemand, le traditionnellement atlantiste Friedrich Merz.
Face à la Chine, Donald Trump a déclenché une guerre commerciale qu’il ne peut pas gagner. La Chine se dresse comme la rivale du 21ème siècle, nullement impressionnée par des droits de douane astronomiques ; et surtout capable de patience stratégique là où Trump a les sondages et la Bourse en berne, les consommateurs qui s’inquiètent. Si le président américain s’attendait à ce que Xi Jinping cède sur le champ, il s’est lourdement trompé. Au point qu’on peut se demander si ses conseillers ont la moindre compréhension de la Chine, de son système, et de son ambition impériale qui rend la capitulation impossible.
L’autre grand mystère, c’est évidemment la fascination de Trump, sa complaisance envers Vladimir Poutine. Le sort de l’Ukraine est dans la balance, et Donald Trump n’en finit pas d’attendre de Poutine qu’il lui fasse le cadeau d’un accord de paix. Les premiers 100 jours n’ont pas fait leurs preuves, et l’effet de sidération qui a accompagné le déluge d’initiatives des premiers temps est passé. L’histoire n’est pas terminée, mais chacun sait désormais à quoi s’en tenir, et surtout, développe des stratégies de contournement pour éviter les foudres de ce président imprévisible.
Au passage, en 100 jours, il a fragilisé, sinon détruit des décennies de soft power, cette « influence douce » qui, des films d’Hollywood aux jeans ou aux grosses bagnoles, a fait de l’american way of life un modèle désirable dans le monde entier. Le numéro un soviétique Nikita Khrouchtchev a dit un jour en plaisantant à John Kennedy : « vous n’avez pas besoin de faire de propagande, tout le monde veut vivre comme dans les films d’Hollywood ; qui veut vivre comme dans les films soviétiques ? » Qu’en reste-t-il aujourd’hui ? Pour paraphraser Krouchtchev : qui veut vivre dans l’Amérique de Trump ?
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