Et si l’Europe craquait?
Après la Hongrie et la Slovaquie, c’est maintenant en Roumanie qu’un candidat pro-russe est en tête de la présidentielle
Un nouveau signe inquiétant pour l’Europe. En Roumanie, les partisans de Vladimir Poutine gagnent du terrain. Dimanche 24 novembre, à l’issue du premier tour des élections présidentielles, le candidat pro-russe, Călin Georgescu, est arrivé en tête avec 22,4 % des voix. Le favori des sondages, le Premier ministre Marcel Ciolacu, n’a terminé qu’en troisième position et a démissionné de la direction du Parti social-démocrate. Le second tour, prévu pour le 8 décembre, sera décisif. Certes, le président roumain dispose de pouvoirs limités, mais son influence reste significative. L’idée de voir la Roumanie rejoindre la Hongrie et la Slovaquie, deux pays souvent accusés de favoriser les intérêts russes, inquiète profondément à Bruxelles, tant au sein de la Commission européenne qu’au QG de l’OTAN.
D’autant que la Roumanie, pays de 19 millions d’habitants, partage une frontière de 650 kilomètres avec l’Ukraine. Sur son sol, 5 000 soldats de l’Alliance atlantique, dont un contingent important de militaires français, sont déployés. La France commande d’ailleurs ce dispositif. Par ailleurs, une immense base aérienne de l’OTAN est en construction à une trentaine de kilomètres de la mer Noire, faisant de la Roumanie un pays clé face aux menaces de Moscou. Malgré les doutes qui pèsent sur l’intégrité d’élections organisées dans un pays gangrené par la corruption et par les influences russes, la montée de l’extrême-droite, farouchement opposée à toute aide à l’Ukraine, est évidente. Ce phénomène n’est d’ailleurs pas isolé : il s’observe dans de nombreux pays européens.
Une Europe fragilisée par l’extrême-droite
La montée en puissance de l’extrême-droite en Europe menace l’unité politique du continent. Non seulement parce qu’elle remet en question les valeurs libérales du projet européen, mais aussi parce qu’elle exprime une complicité latente avec des acteurs hostiles à l’Union, comme Donald Trump ou Vladimir Poutine. Ce courant de pensée s’enracine solidement. Après les élections européennes de juin, l’extrême-droite occupe 184 sièges sur 720 au Parlement européen, soit une progression d’une vingtaine de sièges par rapport à 2019. Cette progression est particulièrement marquée dans les pays fondateurs de l’Union.
Toutes les formations de cette mouvance ne partagent pas les mêmes positions. Certaines ne sont ni anti-UE, ni anti-OTAN, ni pro-russes, à l’instar du PiS polonais ou des Frères d’Italie de Giorgia Meloni, actuelle Première ministre italienne. Cependant, la majorité de ces partis sont devenus des alliés objectifs de Moscou et participent souvent à des gouvernements de coalition.
Pays-Bas, Autriche, Allemagne, Finlande, Suède…
Aux Pays-Bas, Geert Wilders, chef du Parti de la liberté (PVV) et aujourd’hui au pouvoir, n’a jamais caché ses sympathies pour la Russie. En Autriche, le FPÖ (Parti de la liberté), fondé par d’anciens nazis et arrivé en tête des dernières législatives, reste aligné sur Moscou, bien qu’il n’ait pas encore réussi à former un gouvernement. Ce n’est probablement qu’une question de temps, d’autant que ce parti est solidement ancré dans l’appareil d’État autrichien. En Finlande, le Parti des Finlandais a accédé au gouvernement en 2023, avant d’être battu par les sociaux-démocrates. En Suède, les Démocrates de Suède participent au gouvernement depuis 2022. On pourrait multiplier les exemples d’une extrême-droite qui, en faisant de l’immigration son principal cheval de bataille, gagne en influence dans plusieurs États membres.
De gauche à droite…les idiots utiles de Moscou
Ce phénomène ne se limite pas à l’extrême-droite. En Europe, certains courants d’extrême-gauche, notamment en Allemagne, partagent des positions ambiguës vis-à-vis de Moscou. L’Alliance Sahra Wagenknecht (BSW), créée par une dissidente du parti Die Linke, prône l’arrêt des livraisons d’armes à l’Ukraine, la réduction de l’immigration, une taxation accrue des grandes entreprises et une augmentation des bas salaires. Cette alliance a récemment remporté une victoire en Thuringe, un Land traditionnellement orienté à droite.
Si l’on ajoute à cela la russophilie affichée par l’AfD (Alternative pour l’Allemagne), parti d’extrême-droite en pleine croissance, et les contacts réguliers d’Olaf Scholz avec Vladimir Poutine, il apparaît que le Kremlin dispose de soutiens significatifs au cœur même de l’Europe. De quoi redonner tout son sens à la notion d’« idiots utiles ». De quoi donner tout son sens à la notion d’idiots utiles…
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