France-Algérie : rien ne va plus
Maroc, Sahara occidental, Boualem Sansal, Doualemm, les « Services », l’ire du président Tebboune…le torchon brûle entre une France « coloniale » et une Algérie « hostile ». Récit.

Juillet 2024 : Revirement diplomatique de la France
S’il y a bien un point sur lequel les Algériens sont éruptifs, c’est le Maroc en général et le Sahara occidental en particulier, dont les deux pays se disputent revendiquent la souveraineté, l’Algérie exigeant un référendum d’autodétermination. Le climat, électrique, a parfois des allures de guerre larvée. Or, le 31 juillet, Emmanuel Macron annonce le soutien de la France au plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental, reconnaissant ainsi la souveraineté marocaine sur ce territoire contesté. Réaction immédiate de l’Algérie, qui rappelle son ambassadeur à Paris en signe de protestation. Le ministère algérien des Affaires étrangères qualifie cette position française de « violation flagrante du droit international » et d’atteinte aux résolutions onusiennes sur le Sahara occidental. L’affaire est vécue à Alger comme une blessure, un affront, une trahison : impardonnable. C’est le début de la fracture.
Octobre 2024 : Le camouflet du voyage officiel de Macron au Maroc
En octobre, Emmanuel Macron effectue une visite officielle au Maroc, où il réitère son soutien à la position marocaine sur le Sahara occidental. Cette visite est perçue en Algérie comme une provocation. La presse algérienne critique sévèrement cette démarche. Le quotidien El Watan dénonce une « trahison historique » et estime que cette visite pourrait « sectionner définitivement le fil d’Ariane qui retient encore Paris à Alger ».
Novembre 2024 : Boualem Sansal, écrivain franco-algérien arrêté
En novembre, Boualem Sansal, écrivain franco-algérien et critique de longue date du régime algérien, est arrêté à son arrivée à Alger. Accusé d’« atteinte à la sûreté de l’État », il devient le symbole des tensions croissantes entre les deux pays. Sébastien Lecornu, ministre des Armées, déclare publiquement : « L’Algérie se déshonore en persécutant ses opposants intellectuels. » Plusieurs organisations de défense des droits de l’homme appellent à la libération immédiate de Sansal.
Décembre 2024 : Le vieux fantasme des « Services » français
À Alger, quand quelque chose reste mystérieux, il n’est pas rare d’entendre que « c’est un coup des Services ». Entendez, la Sécurité Militaire algérienne, la S.M., désignée aussi par des journalistes sous le terme discret de …« Sport et Musique ». Quand il ne s’agit pas de la S.M., il est toujours question des « Services », mais des autres, ceux cachés de l’autre côté de la Méditerranée : les services français , dont les Algériens sont convaincus qu’ils sont toujours là, omniprésents et machiavéliques – comme au temps de la Bleuite– l’éternelle main de l’étranger.
En décembre, l’Algérie convoque l’ambassadeur de France pour protester contre des activités supposées hostiles attribuées à la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) française. Selon Alger, ces actions viseraient à déstabiliser le pays. Le ministère algérien des Affaires étrangères condamne des « manœuvres inacceptables » et exige des explications officielles de la part de Paris. C’est l’escalade.
Janvier 2025 : L’affaire Doualemm, un influenceur sous influence ?
Le début de l’année 2025 est marqué par l’arrestation en France de plusieurs influenceurs algériens accusés d’incitation à la violence sur les réseaux sociaux. L’un d’eux, « Doualemm » (Boualem Naman), 59 ans, actif sur TikTok, où il compte environ 168 000 abonnés, aurait appelé à donner une « sévère correction » à un opposant algérien vivant en France. Expulsé vers l’Algérie, il est immédiatement refoulé par les autorités algériennes, qui refusent de l’accueillir. Depuis, l’homme est maintenu en rétention administrative. Cet incident suscite une vive polémique. Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, accuse l’Algérie de chercher à « humilier la France » et de saboter toute tentative de coopération bilatérale en matière de lutte contre la radicalisation.
Février 2025 : Un dialogue politique au point mort
Le 2 février, Abdelmadjid Tebboune, président algérien, déclare que « le climat est délétère » entre la France et l’Algérie, critiquant les « déclarations hostiles de politiques français à l’encontre de l’Algérie ». Il appelle néanmoins à une reprise du dialogue sous condition que des « déclarations politiques fortes » soient faites par la France pour apaiser les tensions. Dans une interview au journal L’Opinion, Tebboune ajoute : « Nous perdons du temps avec le président Macron. Plus rien n’avance, si ce n’est les relations commerciales. Le dialogue politique est quasiment interrompu. » Aujourd’hui, la diplomatie entre les deux pays est en panne. C’est l’impasse.
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