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Françoise Demulder nous a quitté.

Bloc-Notes publié le 04/09/2008 | par grands-reporters

Françoise Demulder, photojournaliste, première femme à avoir obtenu le prix World press photo, est décédée mercredi à Paris, à 61 ans, ont indiqué ses proches.
Françoise Demulder, décédée des suites d’une longue maladie, avait remporté le World press photo, le plus grand prix récompensant les photojournalistes, en 1977 pour une de ses photos prises pendant la guerre du Liban. Elle représente une femme voilée implorant le ciel face à un homme armé, alors que le quartier palestinien de la Quarantaine, à Beyrouth, est en feu.
Elle s’était également fait connaître pour ses photos prises pendant la guerre du Vietnam et du Cambodge. Elle avait en outre suivi à plusieurs reprises le leader palestinien Yasser Arafat.

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Tous ceux qui l ‘ont connue se rappellent « Fifi », une femme doté à la fois d’un grand talent et d’un grand coeur. Elle souffrait depuis des années d’une longue maladie. Et pour aider cette femme-reporter à payer ses soins, ses confrères avaient organisé une vente aux enchères qui avait connu un grand succès.

Le texte publié sur Françoise Demulder lors de la vente aux enchères

«  » Enchères solidaires pour Françoise Demulder
Nous sommes en janvier 1976, l’époque d’un Liban qui s’embrase et Françoise Demulder est là. Reporter photographe de haut-vol, elle a passé toutes les frontières, tous les conflits, le Vietnam surtout, le Cambodge ensuite. Ce jour-là, à Beyrouth, au milieu du quartier de « La Quarantaine » mis à feu et à sang, en appuyant sur le déclencheur, elle sait qu’elle va prendre une photo historique. Epreuve vivante de ces Palestiniens fuyant les phalangistes et qui jettera à la face du monde une toute autre vision du drame libanais. Elle fait partie de ces reporters de guerre, fluides et séculiers, dont les images font basculer les consciences et les destins. Pour cette photo, Françoise Demulder deviendra la première femme à obtenir le « World press », la récompense suprême.

Aujourd’hui gravement malade, Françoise Demulder est hospitalisée à Paris depuis octobre et connaît de grandes difficultés matérielles. C’est par affection et reconnaissance que l’association « un declic contre une claque » organise une vente aux enchères solidaire de photographies contemporaines.
Les quelques 250 tirages photographiques ont été offerts par des galeries, des collectionneurs et des photographes dont les photojournalistes Sebastiao Salgado, Eric Bouvet, James Nachtwey, Luc Delahaye, Reza, Yann Arthus-Bertrand, Laurent Van der Stockt, Abbas et Philip Jones Griffiths. » »

Et aussi:

« « La vie de « Fifi », de Françoise Demulder, c’est la nôtre. Elle est nous, nous sommes elle. Comme dans un collage, dans un patchwork, nous avons en commun des morceaux de temps, des douleurs, des paysages et des rires partagés. Pour les journalistes qui ont vieilli en même temps que le calendrier des trente dernières années de guerres, l’existence de Françoise est notre maison de rendez-vous. Elle est le lien, le messager qui nous unit même si, parfois, nous ne nous connaissons pas. La gardienne de notre communauté, où l’on préfère les vivants aux morts, la vérité à l’argent, la liberté à tout autre chose. Femme de frontières, sans rien dire, sans théoriser, se contentant « d’appuyer sur le déclencheur », elle a jonglé avec toutes les formes du risque, dépassant les bornes des règles sociales ou celle des check-points. Toujours avec son rire, toujours à la marge. Et fidèle. Dans un texte récent, Robert Stevens, l’un de ses photo-éditeurs à Time, rappelle que, pendant la guerre du Vietnam, Françoise « a fait des images extraordinaires de la mort, de la destruction et de l’horreur. Des photos caractérisées par leur puissance.» Les images de cette libertaire sont un miroir tendu à l’Amérique, le reflet de ses propres horreurs. Avec celles de quelques autres franc-tireurs, ses photos ont amené la fin de la guerre. De ce Vietnam, puis du Cambodge qui a enchaîné, Françoise n’est jamais complètement revenue, ces pays étaient devenus les siens. Même si le Liban, qui prend le relais de l’épouvante, est pendant dix ans sa terre de transit. C’est là en 76, dans le quartier de la « Quarantaine », qu’elle prend une photo emblématique, celle de Palestiniens fuyant la barbarie. En fixant cette fresque vivante, la sobre « Fifi » a le sentiment de photographier « un morceau d’histoire ». Pour cette photo, elle obtient le World Press, première femme ainsi récompensée. Hospitalisée à Paris depuis le mois d’octobre, Françoise continue de se battre. Cette fois pour sa survie. Pour l’aider dans ce monde précaire et sans mémoire, il n’y a que deux sources : votre amitié et, si vous le pouvez, cet argent qui est, aussi, le nerf de cette guerre-là. » Association « Un Déclic contre une Claque » «  » »

Nous sommes tristes.

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