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Un Trump en or massif

publié le 28/02/2025 par Pierre Haski

Générée par l’intelligence artificielle, une vidéo, relayée par Trump sur ses réseaux, représente son rêve doré : une bande de Gaza transformée en « Côte d’Azur du Proche Orient »

Générée par une IA, la vidéo représente le rêve du président américain de voir une « Côte d’Azur » sortir des ruines de Gaza. Elle est, pour employer un euphémisme, indécente et a été très critiquée en ligne. L’avantage de l’intelligence artificielle, c’est qu’elle peut permettre de mettre en image vos fantasmes. Car c’est bien de fantasme qu’il s’agit ici.

Donald Trump a relayé sur son réseau « Truth Social » une vidéo générée par intelligence artificielle, et qui représente son rêve de voir la bande de Gaza transformée en « Côte d’Azur du Proche Orient ». Il en rêve, l’IA l’a fait : la vidéo est proprement sidérante. Tours futuristes, plages ludiques, vacanciers qui prennent du plaisir, des danses du ventre et des cocktails à gogo – et même des pluies de dollars sur Elon Musk. Et il y a surtout, cette image de Donald Trump et Benyamin Netanyahou, en maillot de bains, allongés sur un transat à la plage, un cocktail à la main, profitant de Gaza Beach, devant la Trump tower Gaza. L’image a fait le tour du monde.

Cela serait risible si on ne parlait pas d’un territoire soumis depuis un an et demi à un déluge de bombes, faisant des dizaines de milliers de morts palestiniens, et dans lequel des otages israéliens continuent d’être retenus. C’est, pour employer un euphémisme, indécent. Ces images ne sont que le reflet de la vision du monde de Donald Trump : un monde dans lequel il y a des vainqueurs et des « losers » comme il dit, des perdants. Et clairement, les deux millions de Palestiniens de Gaza, tous assimilés de manière réductrice aux islamistes du Hamas, sont des « losers » dont il n’a que faire.

On ne sait pas qui a produit cette vidéo, réalisée avec un logiciel d’intelligence artificielle ; mais quand le président des États-Unis la diffuse sur son compte sans commentaire, le message devient politique, là où il aurait pu rester une facétie de mauvais goût. Et le message politique correspond à sa proposition qui a sidéré le monde arabe : transférer les Palestiniens de la bande de Gaza dans d’autres pays de la région, Égypte et Jordanie en particulier, et ériger dans la bande de Gaza cette « Côte d’Azur » de la Méditerranée orientale.

Les Palestiniens ne veulent pas de ce projet : elle évoque pour eux une « nouvelle Nakba », la catastrophe en arabe, évoquant l’exode de 1948. L’Égypte et la Jordanie n’en veulent pas plus, le monde arabe est vent debout contre, et le dira sans doute lors d’un sommet réuni aujourd’hui. L’idée ne verra sans doute jamais le jour, mais elle a d’ores et déjà changé la donne politique.

En lançant cette proposition, et maintenant en relayant cette vidéo kitsch, Donald Trump a alimenté les projets les plus extrêmes en Israël. Le rêve de l’extrême-droite israélienne d’expulser les Palestiniens de leurs terres est légitimée par l’hôte de la Maison Blanche. Il est d’ailleurs mis en œuvre en ce moment même en Cisjordanie où des dizaines de milliers de Palestiniens sont chassés de leurs maisons dans des opérations militaires de grande ampleur, alors que le cessez-le-feu se poursuit à Gaza.

La clé de cette vidéo est peut-être dans cette image d’une statue géante dorée de … Donald Trump lui-même. Elle lui vaut des critiques de ses propres partisans qui y voient le Veau d’or de la Bible. L’égo surdimentionné du président américain est aujourd’hui son talon d’Achille : il l’amène à cautionner tout ce qui le flatte, même quand la décence et un minimum de sens politique voudrait qu’il s’abstienne.

Retrouvez la chronique de politique étrangère de Pierre Haski sur France Inter