Géorgie : Entre aspirations européennes et tentations autoritaires
Tout pour comprendre le pays, la situation politique et les enjeux de ces élections

À l’approche des élections parlementaires du 26 octobre 2024, la Géorgie se trouve à un carrefour crucial. D’un côté, les aspirations pro-européennes ne cessent de croître, portées par une jeunesse mobilisée. De l’autre, une dérive autoritaire semble s’installer, orchestrée par le parti au pouvoir, le Rêve Géorgien, sous l’influence de l’oligarque Bidzina Ivanishvili, qui s’aligne de plus en plus sur les intérêts de Moscou. Cette situation explosive pose la question : la Géorgie se rapprochera-t-elle de l’Europe ou s’engagera-t-elle dans une voie plus autoritaire ?
Retour sur un passé tumultueux
La trajectoire actuelle de la Géorgie est façonnée par son passé difficile. Après l’effondrement de l’Union soviétique en 1991, le pays a plongé dans une série de conflits internes. Les années 1990 et 2000 ont été marquées par la guerre civile, les séparatismes en Abkhazie et en Ossétie du Sud, ainsi que l’effondrement économique. Ces événements ont profondément marqué la population. La Révolution des Roses de 2003 a renversé le régime autoritaire d’Édouard Chevardnadze, promettant des réformes démocratiques, mais les frustrations ont persisté.
Aujourd’hui, les jeunes manifestent avec une conscience aiguë des dangers d’un retour au chaos. Contrairement à des pays comme la France, où les manifestations peuvent dégénérer en affrontements violents, les Géorgiens privilégient une approche pacifique pour préserver la stabilité durement acquise, tout en revendiquant un avenir européen.
L’invasion de l’Ukraine et le réveil géorgien
L’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022 a ravivé des souvenirs douloureux pour la Géorgie, elle-même confrontée à Moscou lors de la guerre de 2008, qui s’était soldée par la perte de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud. En réaction, la population géorgienne a massivement manifesté son soutien à Kiev, voyant dans cette guerre un reflet de sa propre lutte contre l’agression russe.
Cependant, le gouvernement, influencé par Ivanishvili, a maintenu une position de neutralité, refusant d’adopter des sanctions contre Moscou. Cette posture a alimenté le mécontentement, creusant un fossé entre les aspirations pro-européennes et l’attitude prudente des autorités.
En mars 2022, la Géorgie a déposé sa candidature pour le statut de candidat à l’Union européenne, aux côtés de l’Ukraine et de la Moldavie. Cependant, en juin 2022, la Commission européenne a refusé d’accorder ce statut, invoquant le manque de progrès dans les réformes, notamment en matière d’indépendance judiciaire et de lutte contre la corruption.
La loi sur les « agents de l’étranger » : une attaque contre la société civile
En mai 2024, l’adoption de la loi sur les « agents de l’étranger », inspirée de la législation russe, a marqué un tournant. Cette loi oblige les organisations recevant plus de 20 % de leur financement de l’étranger à se déclarer comme « agents étrangers », une mesure qui menace directement les ONG et les médias indépendants.
Les manifestations contre cette loi avaient déjà commencé en mars 2023 et se sont intensifiées après son adoption. De nombreux Géorgiens y voient une tentative de restreindre les libertés civiles. La répression des manifestations a renforcé l’image d’un pouvoir en décalage avec le peuple, tandis que les appels à un avenir européen se faisaient de plus en plus pressants.
Ivanishvili : un leader omniprésent mais invisible
Au cœur de cette crise se trouve Bidzina Ivanishvili, ancien Premier ministre et milliardaire, qui, bien qu’il ne soit plus officiellement en poste, continue d’influencer la politique géorgienne. Son alignement avec Moscou, dissimulé sous une façade de neutralité, est perçu comme l’un des principaux obstacles à l’intégration européenne.
Pour de nombreux Géorgiens, Ivanishvili incarne un pouvoir opaque, où les décisions sont prises dans l’ombre sans consultation démocratique. Son rôle ambigu alimente les critiques, notamment face aux aspirations d’une population résolument tournée vers l’Europe.
Une élection cruciale pour l’avenir
Les élections parlementaires du 26 octobre 2024 seront déterminantes. D’un côté, un gouvernement cherchant à se rapprocher de Moscou tout en consolidant son pouvoir. De l’autre, une population aspirant à l’intégration européenne et rejetant les dérives autoritaires. Le résultat de ce scrutin déterminera l’orientation politique du pays et la place de la Géorgie sur la scène internationale dans les années à venir.
La société civile, en effervescence, semble prête à défendre ses droits et à tracer un avenir démocratique, malgré les tentatives de restriction des libertés publiques. La Géorgie se trouve donc à un tournant crucial, où l’avenir de sa démocratie et son positionnement vis-à-vis de l’Europe et de la Russie se jouent.
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