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Netanyahou a ce qu’il voulait : la guerre

publié le 02/10/2024

Les victoires d’aujourd’hui font oublier les échecs d’hier. Et le gouvernement d’extrême-droite israélien a tout intérêt à ce que la guerre continue, sans solutions politiques. Par Marc Lefevre (*)

Capture écran -

Début septembre 2024, la population israélienne voyait s’approcher la date anniversaire des massacres perpétrés par le Hamas dans un climat de morosité et de manque de confiance dans ses institutions et ses responsables.

Depuis presque un an, Israël s’est donc retrouvé sur la défensive aux plans militaire, politique et idéologique. Un sentiment d’insécurité collective se répandait dans le pays, renforcé par le spectacle d’un gouvernement otage de sa minorité messianique d’extrême droite.

L’Histoire dira si le déclenchement de la campagne d’explosions des systèmes de communication du Hezbollah, attribuée à Israël, avait été programmé à ce moment précis, ou imposé par le risque d’une découverte fortuite de ces pièges. En tout cas, l’enchaînement de ces opérations spectaculaires, par la qualité de leur préparation et de leur exécution, a radicalement changé le paysage et redonné fierté et espoir à la population.

Même si l’arsenal de missiles du Hezbollah reste impressionnant, sa direction militaire et politique a été décimée et ses cellules armées locales sont livrées à elles-mêmes.

Le meilleur est en train de faire oublier le pire

Le conflit est en train d’évoluer vers une intervention terrestre de l’armée israélienne, dont personne n’est capable de prévoir ni l’ampleur ni les conséquences. Et même si la population israélienne est consciente des possibles pertes matérielles et humaines en cas d’escalade du conflit, l’état d’esprit est plutôt au soulagement et à l’optimisme relatif. Car Israël ne subit plus, il réagit enfin et prend des initiatives qui affaiblissent et déstabilisent son adversaire principal. Israël fait aussi la démonstration de la formidable qualité humaine de plusieurs de ses organes de défense, et commence à faire oublier ses incuries et sa désorganisation d’il y a un an.

Le meilleur est en train de faire oublier le pire. Encore faut-il souligner que ces opérations, qui changent radicalement la donne, l’ont été à la seule initiative de l’armée et de ses responsables. Cela faisait plusieurs mois que les populations évacuées du Nord interpellaient le gouvernement sur la situation insupportable qui leur était infligée, et ne recueillaient en écho que l’impuissance et l’abandon de leurs responsables politiques.

Paralysé par ses péoccupations à court terme de survie politique ….

En opposition frontale à Benjamin Netanyahou, le ministre de la Défense Yoav Galant se faisait l’écho de ces revendications et demandait une initiative politique courageuse à Gaza pour obtenir une trêve négociée et une libération des otages, afin de pouvoir concentrer les efforts sur la menace principale des missiles du Hezbollah pointés sur l’ensemble du territoire israélien, avec l’Iran à la manœuvre en arrière-plan.

Paralysé par ses préoccupations à court terme de survie politique, le gouvernement Netanyahou était incapable de répondre à ces attentes et tergiversait, en essayant en plus de faire porter la responsabilité de son inefficacité à l’armée et à ses chefs.

Dans la droite ligne de ce comportement, le Premier ministre avait décidé de démettre Yoav Galant de ses fonctions, pour le remplacer par Gideon Saar, un politicien dénué d’expérience militaire, mais riche de « retournements de veste » politiques. C’est précisément à ce moment que l’opportunité s’est présentée aux responsables militaires de déclencher l’offensive qui allait affaiblir le Hezbollah, et qu’ils ont réussi à forcer la main aux politiques hésitants.

Netanyahou cherche un répit, mais pas de solutions

En Israël, Benjamin Netanyahou est connu comme l’expert hors norme capable de faire porter le chapeau de ses échecs aux autres, et mettre à son seul crédit les succès obtenus. Aujourd’hui, son image d’homme fort sort renforcée. Il fait la démonstration qu’il peut berner et manipuler son principal allié américain sans en subir de conséquences en retour, et que ses opposants politiques sont incapables de proposer des options politiques et stratégiques alternatives crédibles. Il semble ainsi être en mesure d’assurer son avenir politique jusqu’aux échéances électorales de 2026.

Mais les données de base sont inchangées. Netanyahou cherche un répit, mais pas de solutions. Par nature et par doctrine, le gouvernement israélien actuel n’a aucune intention de développer une stratégie de recherche à long terme de solutions au conflit, c’est-à-dire une réponse équitable aux revendications nationales palestiniennes.

La raison d’être et la survie du gouvernement d’extrême-droite sont basées sur la perpétuation éternelle du conflit

S’il y a un large consensus national en Israël pour affaiblir durablement les menaces militaires et terroristes à ses frontières, et si la conception sécuritaire, limitée au court et moyen terme, est partagée par une partie de l’opposition, il n’y a pas de consensus sur les étapes qui pourraient suivre.

Même en prenant des précautions sur les résultats et les conséquences de l’offensive terrestre déclenchée, il se peut qu’une des conséquences bénéfiques soit une démonstration concrète de l’impuissance dans laquelle va se retrouver le régime iranien des mollahs, une fois que tous ses alliés auront été durablement affaiblis.

Cette possible évolution stratégique à court ou moyen terme de la menace iranienne mettrait un gouvernement israélien nationaliste d’extrême droite au pied du mur. Sa raison d’être et sa survie sont basées sur la perpétuation éternelle d’un conflit entretenu conjointement par ses adversaires et par lui-même, qui lui permet de continuer la colonisation rampante de la Cisjordanie.

Les pressions internationales, en particulier américaines, sont impuissantes quand Israël peut exciper de menaces réelles sur sa sécurité, mais si l’horizon de ces menaces commence à se dissiper, il lui sera impossible de ne pas répondre à ces pressions pour que le conflit israélo-palestinien trouve une solution et qu’une des sources d’instabilité de cette région soit traitée.

 

Marc Lefevre, expert en sécurité nucléaire et membre du parti israélien Meretz