“Ha’Aretz” : “Nous ne pouvons plus tolérer ce qu’Israël fait subir à Gaza”
L’’armée israélienne a lancé une nouvelle offensive terrestre. “Où cela s’arrêtera-t-il ?” tonne le journal israélien de gauche “Ha’Aretz”, pour qui il y va aussi de l’avenir de l’État hébreu

» L’armée israélienne a annoncé officiellement le lancement de l’opération Chariots de Gédéon, mais les habitants de la bande de Gaza n’ont pas eu besoin de communiqué pour se rendre compte que l’offensive avait commencé. Dès dimanche matin, les services de secours faisaient état de 125 morts. D’après les témoignages, les bombardements ne visent pas seulement les “dépôts d’armes” et les “sites de lancement”, mais aussi des quartiers résidentiels extrêmement peuplés, des habitations, et même des tentes où sont réfugiés des civils déplacés.
Le nombre de victimes gazaouies a explosé depuis la semaine dernière. De 20 à 50 personnes ont été tuées entre le dimanche 11 et le mardi 13 mai, au moins 70 le mercredi 14 mai, au moins 120 le jeudi 15 mai, et plus d’une centaine par jour durant le week-end. D’après le ministère de la Santé gazaoui, il s’agit essentiellement de civils, dont des femmes et des enfants.
Nous ne pouvons plus tolérer ce qu’Israël fait subir à Gaza. “Tout le monde s’est habitué à ce que l’on puisse tuer des centaines de Gazaouis en une nuit – le monde entier s’en fiche”, relevait le député Zvi Sukkot [du Parti sioniste religieux, sur un plateau de télévision le 16 mai]. Le plus terrible dans cette déclaration, c’est qu’il ne s’agit pas d’un appel à la raison, mais d’un blanc-seing pour “continuer [la guerre] et triompher”. Ces propos ne sont pas seulement un acte de déshumanisation. C’est la preuve d’une absence totale de moralité.
Le spectre d’une famine généralisée
D’autant que les frappes meurtrières ne sont pas la seule cause de mortalité à Gaza. Les associations internationales et les Nations unies redoutent de plus en plus l’effondrement total du système d’aide humanitaire, qui pourrait se solder par une famine généralisée. Malgré les inquiétudes croissantes exprimées par les Occidentaux et les dirigeants du monde arabe, Israël semble plus déterminé que jamais à intensifier l’offensive et la pression, à faire couler toujours plus de sang, à multiplier les assassinats, et à infliger davantage de dommages collatéraux. Jusqu’à quand ? Où cela s’arrêtera-t-il ?
Comme pour anéantir toute lueur d’espoir, l’annonce officielle de l’opération Chariots de Gédéon est intervenue quelques heures à peine après les déclarations [du Premier ministre] Benyamin Nétanyahou, qui venait de révéler la tenue de négociations au Qatar pour explorer toutes les possibilités d’accord en vue de libérer les otages, “que ce soit selon les grandes lignes [de l’envoyé spécial américain] Steve Witkoff ou dans le cadre d’une fin des combats”. En réalité, le gouvernement continue de défendre bec et ongles une proposition irréalisable, et le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, martèle que la guerre durera tant que le Hamas ne sera pas vaincu.
L’État hébreu est à la croisée des chemins. Il peut faire le choix d’une guerre toujours plus impitoyable, du sacrifice des otages, d’une famine grandissante, de victimes civiles par milliers, enfants compris, de déplacements de population forcés, de l’isolement sur la scène internationale et de la corruption morale. Ou bien opter pour un accord global qui inclurait le retour des otages, la fin de la guerre, le retrait des troupes à Gaza, la fin du blocus de l’aide humanitaire, le début de la reconstruction, et le lancement d’une campagne diplomatique internationale pour transformer la région en profondeur, et régler la question palestinienne. Seul l’un de ces deux scénarios assurera un avenir à Israël. »
Cet article a été traduit et republié par Courrier International
Tous droits réservés "grands-reporters.com"