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Hongrie : Orban va-t-il tomber?

publié le 03/07/2025 par Malik Henni

Une opposition revigorée, un ex-allié devenu rival, une économie qui cale, et la rue de Budapest qui défie les interdits. Pour la première fois depuis quatorze ans, Viktor Orbán vacille

L’interdit a vocation d’attraction : malgré le décret du gouvernement de Viktor Orbán interdisant la Pride, 200 000 personnes ont défilé aux couleurs du LGBT dans les rues de Budapest. Le maire écologiste Gergely Karácsony a fait de la capitale un bastion opposé au national-populisme du Fidesz, et comptait bien sur cet événement crucial pour donner un nouvel élan à l’opposition, dans les choux depuis 2010 face à un pouvoir autoritaire voulant à tout prix éviter l’alternance. La presse conservatrice, écœurée du succès de la marche, a qualifié les participants de « brigades internationales » aux « ordres d’Ursula et de Bruxelles ». De fait, trois chefs de groupes parlementaires européens s’y étaient rendus pour dénoncer la politique homophobe du gouvernement d’extrême droite.

Les populistes d’Europe ont toujours le vent en poupe

Cependant, les europhiles feraient bien d’éviter de prendre leur désir pour des réalités. Il y a peu d’exemples en Europe centrale et orientale de partis de droite populiste qui ont totalement reflué électoralement ces dernières années. Malgré leur défaite aux législatives, le PiS demeure le premier parti du pays et a réussi à gagner la présidentielle plus tôt cette année. Malgré une tentative d’assassinat qui l’a mené à l’hôpital, le Slovaque Robert Fico tient toujours son pays, où sa ligne pro-russe demeure majoritaire.

Péter Magyar, l’homme qui bouscule le paysage

Les prochaines élections législatives sont attendues pour 2026 et, pour la première fois en 14 ans, le Fidesz n’est pas donné premier. Le parti serait dépassé par un nouveau mouvement, Tisza, fondé l’an dernier par un ancien proche d’Orbán, Péter Magyar, et qui compte 7 députés européens, inscrits au groupe du PPE. Parti antisystème, il est impossible de le classer politiquement, car il n’a pas de programme à proprement parler mais une série de mesures consensuelles : ancien membre du cabinet d’Orbán et ex-mari de sa ministre de la Justice, Magyar assure se battre avant tout contre la corruption que le Fidesz a déployée à travers tout le pays. « Nous devons rompre avec le système de prédation mis en place par ce pouvoir, qui utilise la justice comme un outil personnel et détourne les fonds publics au profit d’un clan », a-t-il déclaré lors d’un meeting à Szeged en juin dernier. Sur le conflit russo-ukrainien, Magyar se garde bien de donner le fond de sa pensée.

L’économie contre Orban

Lors des dernières élections, la couverture biaisée des médias proches du pouvoir a favorisé la réélection d’Orbán face à une coalition allant des communistes aux anciens néo-nazis du Jobbik, qui n’a obtenu que 35 % des voix face à un Fidesz triomphant à 55 %. La victoire pour l’opposition pourrait venir des difficultés économiques : jusque-là élève modèle de la région, la machine hongroise se grippe. La prévision de croissance du PIB pour 2025 a baissé de 2,4 % à 0,8 %, d’après la Banque centrale. L’inflation y est de 4,5 %, troisième pire score de l’UE, l’investissement y est en baisse et la Commission bloque plus d’un milliard d’euros de subventions à cause du non-respect de l’État de droit.

L’atout chinois d’Orbán

Le salut de Viktor Orbán pourrait venir de l’Extrême-Orient : les investissements chinois promis il y a plusieurs années vont se concrétiser cette année et l’an prochain. Les usines de batteries et de voitures électriques chinoises stimuleront la croissance juste avant le début de la compétition électorale, et ce alors que les questions matérielles seront au cœur de la campagne : 5 % des Hongrois se disent inquiets de l’immigration, contre 48 % pour qui la principale préoccupation est d’ordre matériel. Le résultat des élections dépendra moins des saillies anti-européennes d’Orbán que de sa capacité à faire fructifier l’économie.


📌 Chronologie du pouvoir Orbán

  • 1998-2002 : Premier mandat comme Premier ministre (centre-droit).
  • 2010 : Retour au pouvoir après une large victoire du Fidesz. Début de la transformation illibérale du régime.
  • 2011 : Nouvelle Constitution réduisant les contre-pouvoirs, réforme de la justice.
  • 2014, 2018, 2022 : Réélections successives, souvent avec une majorité des deux tiers.
  • 2023 : Péter Magyar quitte l’orbite du pouvoir et fonde le mouvement Tisza.
  • 2024 : Mobilisation croissante contre la corruption, tensions avec Bruxelles.
  • 2026 : Prochain rendez-vous électoral décisif.


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