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Images du Génocide

publié le 12/11/2006 par Jean-Paul Mari

Un Rwandais sur dix est mort…Le reportage débute sur ce constat. Un sur dix, tué le plus souvent à coups de machette, en cinq mois de guerre. La caméra prend son temps, les questions s’affichent en incrustation,-« une guerre ethnique? »-, le rappel historique commence à la colonisation…D’emblée, on sait que le propos sera didactique, histoire de tordre le cou à quelques contre-vérités établies. Résumons. Non, ce n’était pas une guerre locale, dans un pays à la charnière de l’Afrique anglophone et francophone. Ni une guerre ethnique. Est appelé Hutu tout exclu et Tutsi le privilégié. La guerre de races est une guerre de classes, séparées par « le camp de la gamelle vide ». Guerre sauvage, certes, mais pas archaïque où on a utilisé sciemment la radio et le bouche à oreille pour semer la peur et donc la haine. Un seul mot d’ordre: « Tue. Ou tu seras tué. » Mortelle rumeur. Conclusion: « C’était une moderne guerre de pauvres, d’une sauvagerie voulue de longue date, à base de désinformation. » Le constat est long mais utile. Et maintenant? Là, commence vraiment le reportage: « Retour vers l’oubli. » Une façon de lutter contre le manque de suivi de l’information, la critique permanente faite aux médias. L’idée est de suivre le retour d’un réfugié jusque dans son champ, de décrire la paix oubliée d’après les grands cataclysmes. Las, l’image se traîne, s’attarde inutilement sur des plans qui se répètent, s’ennuient. A force de vouloir se limiter à décrire le cercle étroit d’un hameau près de Butaré, dans le sud du pays, le reportage s’essouffle. Entre l’habituel reportage clip-vidéo-cocaïne, haché de fausses images spectaculaires, qui nous laisse les yeux fatigués et l’esprit vide et ce reportage, lent, professoral, effacé devant le sujet jusqu’à l’absence, on doit pouvoir trouver la mesure. Dommage. Car le document remplit en partie sa fonction. A suivre Claver, le paysan, dans son champ, on mesure l’étendue des dégats de la guerre du Rwanda: les récoltes abandonnées, donc perdues, la difficulté à retrouver les semences nécessaires, la pauvreté des moyens d’une école dévastée, privée de huit de ses enseignantes et d’une bonne partie de ses élèves. les gosses sont morts, travaillent dans les champs, bêche à la main ou traînent, à demi-abandonnés, en demandant qu’on les conduise à l’orphelinat. Comme cette gamine au joli nom qui sonne étrangement, « Perpétue », qui profite du passage de l’équipe pour demander qu’on la prenne en charge. A l’orphelinat du village, une autre gamine, la tête recouverte d’un mauvais pansement, (coup de machette), attend l’arrivée des médicaments des organisations humanitaires. On aurait aimé en savoir plus sur la situation du pays, entendre quelques phrases d’analyse sur la gestion politique de l’après-guerre par le nouveau gouvernement en place, en savoir plus sur…Peu importe! Reste que les phrases fortes et simples dans la bouche de Claver le paysan: « Ici, on se sent un peu seuls. Derrière chez nous, ils ne sont pas revenus. Devant, non plus. » Ou dans la bouche de cette institutrice qui essaie d’oublier la mort de ses amies: « J’essaie d’apprendre aux enfants à s’aimer les uns les autres ». Mais dans l’église toute proche, lors de la messe du dimanche, il manque la moitié des paroissiens.

Jean-Paul Mari.


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