Israël-Hezbollah : la guerre pour seul objectif?
Des milliers de cadres du Hezbollah décimés par des bipeurs piégés. Et après ?
Une formidable opération des services israéliens a considérablement affaibli la milice chiite, mais elle n’est pas vaincue. Quel objectif, sinon la continuation et l’extension du conflit ?
Le coup est terrible. Le Liban tremble. Mardi 17 septembre, à 15h30, 2 800 explosions simultanées retentissent. Les cibles ? Des cadres du Hezbollah, victimes de leurs bipeurs dans lesquels un explosif, déclenché à distance, avait été inséré. Au moins 20 morts et des centaines de blessés ou mutilés, au visage, aux mains, au ventre ou en haut des cuisses (les bipeurs étaient parfois dans les poches). Ont été touchés des membres de la protection rapprochée du leader du mouvement chiite Hassan Nasrallah, l’ambassadeur d’Iran qui possédait un de ces appareils de communication de la milice chiite, ainsi qu’une fillette de 8 ans, blessée par l’explosion du bipeur de son père, tout comme le fils d’un député du Hezbollah.
Au même moment, en Syrie, des explosions au siège de l’Observatoire syrien des droits de l’homme ont fait au moins quatorze blessés. Le lendemain, comme si tout séisme méritait une réplique, ce sont des talkies-walkies utilisés par les combattants de la branche armée du Hezbollah qui ont explosé, faisant 14 morts et au moins 450 blessés. Les hôpitaux sont submergés. Un climat de panique règne dans la plupart des villes du Liban, où plus personne n’ose utiliser, ni même garder sur soi ou à proximité, son téléphone portable. Israël n’a pas revendiqué ces milliers d’attentats individuels, même si son silence ne trompe personne. L’opération entre déjà dans la légende des guerres secrètes.
Technologie et infiltration
D’autant que la manière est bien celle dont procèdent les services de renseignement israéliens : un mélange de technologie pas forcément très sophistiquée et une capacité d’infiltration de l’ennemi sans pareil. Quelques grammes d’explosif sont introduits près de la batterie du bipeur ou du téléphone, puis reliés via un mini-détonateur au microprocesseur qui contrôle l’appareil. Ensuite, on accède au logiciel pour qu’il réagisse à un message radio qui provoque une impulsion électrique, déclenchant ainsi l’explosion. Reste à savoir où et quand ces manipulations ont été opérées.
Israël sait où le Hezbollah se fournit en matériel et connaissait les équipements qu’il comptait acquérir. Le fabricant des bipeurs est une société écran hongroise, fortement soupçonnée d’être une façade pour le Mossad, fabriquant des appareils pour le compte d’une société taïwanaise, Gold Apollo. Dès lors, les bipeurs et talkies-walkies ont pu être piégés dès leur fabrication. En tout cas, l’opération est un succès qui humilie terriblement le Hezbollah. Ses circuits de décision, sa chaîne de commandement, sont fortement perturbés, au moment où Israël exerce une pression accrue au sud du Liban.
Montée des tensions
Tsahal veut obliger les forces chiites à reculer de dix kilomètres pour permettre le retour des 70 000 civils vivant à proximité de la frontière, qui ont été évacués pour échapper aux tirs de missiles. Une promesse de Netanyahu. L’armée a donc transféré sa 98ᵉ division, composée de forces spéciales et d’unités parachutistes, opérant jusqu’ici à Gaza. Ce déploiement s’est fait de manière ostensible peu après les explosions des moyens de communication individuels des cadres du mouvement chiite. Une menace claire. L’armée israélienne a également annoncé avoir frappé, dans la nuit de mercredi à jeudi, six sites d’infrastructures de communication du Hezbollah et un dépôt d’armes.
Le mouvement chiite a durement encaissé le coup, par la voix même de son chef, qui a parlé de « massacre sans précédent » et a assuré qu’Israël ne pourrait jamais ramener chez eux les citoyens évacués du nord du pays. On comprend d’autant plus la rage des dirigeants de la milice chiite que le choix des bipeurs marquait un retour à des formes moins sophistiquées de communication, moins faciles à intercepter. Cela devait mettre en échec la super-technologie israélienne. Une précaution ridiculisée par le piégeage des bipeurs et des talkies-walkies. En revanche, l’opération révèle l’extrême niveau de pénétration des structures dirigeantes du Hezbollah par le Mossad. Un avantage tactique considérable qui permet d’anticiper les actions du parti-milice chiite.
La guerre, comme seul objectif
Mais il n’est pas certain que ce formidable coup d’éclat israélien, cette victoire, ait la moindre conséquence stratégique. Que veut en effet Israël, sinon faire inlassablement la guerre ? Netanyahu en a besoin pour se maintenir au pouvoir. Le ministre de la Défense israélien, Yoav Gallant, explique que le conflit bascule vers le Nord. Des généraux israéliens estiment qu’il est temps de pénétrer au Liban. Des milliers de sites de lancement de missiles du Hezbollah ont été récemment détruits par l’aviation israélienne.
Pour autant, il n’est pas certain qu’une véritable offensive soit imminente. Tsahal a-t-elle les moyens d’ouvrir un second front après celui de Gaza ? De leur côté, ni le Hezbollah, ni l’Iran n’ont intérêt à un affrontement qui pourrait considérablement les affaiblir. Mais peuvent-ils se permettre de ne pas riposter à un tel défi ? Un embrasement de toute la région pourrait menacer le monde. Le pire n’est certes jamais sûr, mais les dernières frappes d’Israël qui ont éliminant Ibrahim Aqil, le chef de l’unité des opérations du Hezbollah, démontrent une montée en. puissance qui ressemble à la préparation d’une offensive générale…
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