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Israël-Iran : Netanyahou exulte, le peuple doute

publié le 27/06/2025 par Marc Lefevre

Face aux discours officiels glorieux, un doute grandit en Israël. Le scepticisme sur l’efficacité réelle des bombardements contre l’Iran cède la place à une forme de lassitude et de frustration voire de colère

Le cœur d’Israël frappé comme jamais

Depuis les massacres du 7 octobre, les tirs du Hamas et du Hezbollah – proxies du régime iranien – visaient surtout les marges peu peuplées du sud et du nord.
Mais dès le lancement de l’offensive directe contre Téhéran, ce sont Tel-Aviv, Jérusalem, Haïfa, Beer-Sheva – les quatre grandes agglomérations – qui ont été exposées aux frappes : drones, puis surtout missiles balistiques lourds, d’une intensité inédite. Pendant 12 jours de guerre, le centre d’Israël a rejoint sa périphérie.

547 missiles tirés, une menace bien réelle

En moins de deux semaines, l’Iran a tiré 547 missiles balistiques sur Israël. Le système de défense à trois niveaux a tenu, dans l’ensemble : 80 % des missiles interceptés. Mais les dizaines qui ont percé portaient chacun une charge d’explosifs allant jusqu’à une tonne.
Les dégâts sont considérables. Israël compte dix millions d’habitants. Très vite, chacun a connu une victime : un proche blessé, un voisin déplacé, une école ou un commerce détruit dans son quartier.

29 morts, plus de 3 200 blessés, 15 000 personnes évacuées…

Depuis le cessez-le-feu, les chiffres s’affinent. Les frappes ont causé 29 morts, plus de 3 200 blessés. Plus de 15 000 personnes ont été évacuées, relogées provisoirement dans des hôtels ou chez des proches. Environ 3 000 habitations ont été détruites ou déclarées inhabitables.
Le tissu urbain est durablement affecté. Certaines infrastructures emblématiques ont été ciblées : des laboratoires entiers rayés de la carte à l’Institut Weizmann de Rehovot, comme à l’Université Ben-Gourion du Néguev.

L’hôpital Soroka de Beer-Sheva a été durement frappé. Par chance, ses installations souterraines, conçues pour le temps de guerre, ont permis de préserver les patients. Mais les dommages matériels sont estimés à plusieurs centaines de millions d’euros.
Israël a certes su tirer les leçons de la guerre du Golfe : depuis les années 1990, chaque logement neuf doit comporter une pièce blindée. Ce dispositif a sauvé de nombreuses vies. Mais il reste impuissant face aux impacts directs.

35 000 demandes d’indemnisation

Les assurances et les fonds d’indemnisation ont déjà enregistré plus de 35 000 dossiers. Ce chiffre, en constante augmentation, traduit l’ampleur du choc matériel.
Dans ce contexte, la résilience du pays est saluée, mais elle a ses limites. Le traumatisme s’installe. Et la société israélienne, déjà fragmentée, peine à trouver une issue politique à cette nouvelle épreuve.
Face au danger, les divisions sociales et culturelles se sont momentanément estompées. Pour beaucoup, le prix payé semblait acceptable, si l’objectif était de briser la menace existentielle brandie par Téhéran depuis deux décennies.

Washington impose sa loi, Trump impose sa fin

Le soutien militaire américain, demandé avec insistance dès les premières heures, a fini par se matérialiser. Mais il a eu un coût politique immédiat. Donald Trump, réélu à la Maison-Blanche en novembre 2024, n’a pas attendu que les objectifs israéliens soient atteints : il a proclamé, unilatéralement, le succès des frappes américaines et imposé un cessez-le-feu immédiat aux deux camps.

Cette décision, aussi brutale que spectaculaire, laisse un goût d’inachevé. Car malgré les déclarations victorieuses, aucun élément concret ne permet d’affirmer que les capacités militaires de l’Iran ont été durablement affaiblies.

Gaza : une guerre qui s’enlise

Sur un autre front, rien n’est réglé. À Gaza, le conflit continue de s’enliser. Les otages restent captifs. Des soldats meurent, pour des objectifs jugés flous, parfois irréalisables.
L’émotion mondiale autour de la catastrophe humanitaire renforce l’isolement diplomatique d’Israël. Et l’antisémitisme monte, par ricochet, dans plusieurs pays.

Le pari de Netanyahou fragilisé

L’opération contre l’Iran devait faire oublier la faillite sécuritaire du 7 octobre. Ce pari, porté par Benjamin Netanyahou, est loin d’être gagné.
Les Israéliens attendent des résultats concrets : fin des menaces, libération des otages, sortie durable du cycle des violences. Sans cela, la frustration pourrait devenir colère. Et la colère, exigence de comptes. Les sondages, avant et après les frappes, sont clairs : le bloc de la coalition actuelle – entre 45 et 48 sièges – n’a pas engrangé les résultats espérés par Benjamin Netanyahou


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