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Jabotinski, le mentor de Netanyahou

publié le 09/10/2024 par Pierre Feydel

Dans les années 1920, un jeune militant fonde une organisation sioniste farouchement anti-arabe, dont le Premier ministre d’Israël d’aujourd’hui se réclame

Il faut remonter au père de Benjamin Netanyahou, Ben-Zion (ou Bension), un professeur d’histoire juive, spécialiste de l’Inquisition espagnole, mais aussi et surtout, dans les années 1930, le secrétaire particulier de Vladimir Jabotinski, le fondateur du courant de droite, voire d’extrême droite du sionisme, le courant dit « révisionniste ». Cet intellectuel militant va d’ailleurs jusqu’au bout de ses convictions, puisqu’en 1962, il décide de quitter Israël, un État qu’il juge trop socialiste. Il s’exile aux États-Unis, où il élève ses fils dans la fidélité aux idées de son mentor. Le moins que l’on puisse dire est que Benjamin les a parfaitement assimilées.

Vladimir Zeev Jabotinski est né en 1880 à Odessa. La population de la ville, située au bord de la mer Noire, est alors à moitié juive. Journaliste, il rejoint rapidement le mouvement sioniste après le pogrom dans sa ville, qui tue 300 Juifs, tandis qu’en Moldavie se déroule l’autre pogrom emblématique de Kichinev, en 1903. Ces massacres sont fréquents dans la Russie du début du XXe siècle. Le jeune homme organise alors des unités juives d’auto-défense. Pendant la Première Guerre mondiale, il propose aux Britanniques la création d’une Légion juive, qui se bat à la fin de la guerre en Palestine contre les Ottomans.

Il espère ainsi obtenir une forme de reconnaissance de la part de Londres en faveur des Juifs de Palestine, mais en vain. Ses unités sont dissoutes. Furieux, il ne renonce pas et continue de combattre les Arabes qui s’attaquent aux Juifs à Jérusalem. Les Britanniques l’emprisonnent, puis le relâchent. En 1921, il devient membre de la direction de l’Organisation sioniste mondiale, qu’il quitte deux ans plus tard. Son désaccord avec la gauche du mouvement, qu’il accuse de mollesse face aux Britanniques, est total. En 1925, il fonde le Betar, un groupe d’auto-défense, puis l’Alliance des sionistes révisionnistes. Entre-temps, il a « flirté », par anti-bolchevisme, avec l’ataman Petlioura, auteur de pogroms en Ukraine.

Jabotinski réclame un État juif immédiatement, sur les deux rives du Jourdain, incluant l’actuelle Jordanie. Dès 1923, il écrivait : « La colonisation sioniste, même la plus limitée, doit soit s’arrêter, soit s’accomplir au mépris de la volonté de la population indigène ». Pour protéger les colons, il préconise un « mur d’acier » : un gouvernement juif indépendant et une force armée. Les fascistes européens apprécient Jabotinski et son mouvement, notamment pour son culte du chef et sa violence. En 1936, sa milice aide les Britanniques à réprimer dans le sang la révolte arabe. David Ben Gourion le surnomme « Vladimir Hitler », dénonçant son racisme anti-arabe, tandis que Benito Mussolini loue le sioniste révisionniste.

Jabotinski meurt en 1940 aux États-Unis. David Ben Gourion est réticent à l’idée d’inhumer sa dépouille en terre d’Israël, ce qui n’a lieu qu’en 1964, lorsque ses restes, ainsi que ceux de sa femme, sont transférés au mont Herzl.

Cependant, Jabotinski laisse un héritage idéologique durable au sein de la droite israélienne. Menahem Begin, par exemple, a dirigé l’Irgoun, l’organisation armée des révisionnistes de Jabotinski, responsable de nombreux attentats contre l’occupant britannique et la population palestinienne. Begin fonde le Herout lors de la création de l’État d’Israël, qui participe ensuite à la création du Likoud, le grand parti de la droite israélienne auquel appartient Netanyahou. Begin devient Premier ministre en 1977.

En 2019, l’actuel Premier ministre d’Israël rend hommage au père de l’extrême droite sioniste à l’occasion du 79e anniversaire de son décès. Il déclare : « Je m’acharnerai comme Jabotinski s’est acharné pour la victoire finale du sionisme. » Évoquant sa disparition, il ajoute : « …nous pouvons ressentir une peine face à ce manquement, mais aussi une fierté de savoir que l’enseignement de Jabotinski se concrétise dans notre État. » Il conclut : « Je ferai en sorte qu’aucun village juif ne soit évacué des territoires et je m’opposerai avec force à ce que les Palestiniens appellent le droit de retour. » Donc, pas de compromis avec les Arabes, pas de solution à deux États, pas de paix. Jabotinski est toujours bien là.


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