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Israël : le dilemme  de l’après-guerre

publié le 30/01/2025 par Marc Lefevre

Un cessez-le-feu définitif, le retour de tous les otages et la fin du Hamas… Peut-être, mais à condition de traiter la question palestinienne

La guerre des images

Depuis la mise en place du cessez-le-feu, le conflit entre le Hamas et Israël a pris une nouvelle dimension : celle des images.
D’un côté, les familles israéliennes célèbrent la libération d’otages, en particulier de jeunes filles, qui retrouvent leur foyer après plus d’un an de captivité dans des conditions encore inconnues. De l’autre, les Palestiniens se réjouissent de la libération de prisonniers : certains étaient détenus sans jugement, d’autres purgeaient de longues peines pour des crimes graves.

Dans les zones frontalières, les Israéliens des zones frontalières constatent l’étendue des dégâts sur leurs biens, tandis que des centaines de milliers de Gazaouis, traversant le corridor de Netzarim, cherchent à récupérer ce qu’il reste de leurs habitations détruites à Djabalia et Beit Hanoun.

Les premières vagues de libérations d’otages israéliennes ont permis au Hamas de mettre en scène sa capacité de résistance. Lors de la première, des miliciens excités et menaçants entouraient les otages, projetant une image de chaos. La seconde libération, plus organisée, montrait un alignement de combattants armés disciplinés. Une mise en scène écourtée lorsque les otages, des soldates israéliennes, ont levé les bras en signe de victoire.

Que reste-t-il du Hamas ?

Après près de 500 jours de guerre, ses financements extérieurs ont été rendus impossibles. Ses soutiens extérieurs — du Liban, de Syrie ou d’Iran — sont soit anéantis, soit inopérants. Son infrastructure militaire locale est globalement détruite, et il a perdu, en morts et en blessés, plus de la moitié de ses forces armées. Même si on estime qu’il a réussi à intégrer de nouvelles recrues, celles-ci ne peuvent être ni formées, ni entraînées, et n’ont pas d’expérience du combat.

Cependant, le Hamas dispose encore d’importantes réserves sur place, et le contrôle et la taxation de l’aide humanitaire lui procurent les ressources nécessaires au financement de ses opérations. Dans la perspective d’un prolongement du cessez-le-feu, la question essentielle est celle de l’éventuel maintien de son contrôle, à la fois policier et politique, sur la population.

La dernière carte des otages

Sur le terrain, la population semble majoritairement attentiste. Et la désorganisation totale de Gaza a vu l’émergence de groupes armés rivaux du Hamas, qui s’appuient sur la frustration des populations victimes des conséquences de l’opération déclenchée par le Hamas le 7 octobre 2023.
Pour un Hamas affaibli et contesté, la seule carte à jouer reste les otages qu’il continue à détenir et le gain politique potentiel des prisonniers palestiniens qu’il réussira à faire libérer.

Netanyahou affaibli

Donald Trump et Benjamin Netanyahou vont se retrouver la semaine prochaine à Washington avec des agendas différents en ce qui concerne l’avenir de Gaza.
Affaibli par une récente opération chirurgicale et perturbé par ses comparutions régulières devant les tribunaux, Benjamin Netanyahou va chercher à obtenir de Donald Trump une déclaration lui permettant de réduire la portée du cessez-le-feu qu’il a été obligé de conclure, et d’éviter ainsi la dislocation de son gouvernement.
De son côté, Donald Trump, et surtout ses conseillers, vont chercher à consolider ce cessez-le-feu fragile et à permettre l’entrée en scène sur le terrain de l’Arabie saoudite et du Qatar pour prendre la main la réhabilitation de Gaza.

Un accord d’une grande fragilité

Les experts de sécurité israéliens impliqués dans cet accord de cessez-le-feu soulignent sa complexité, sa fragilité et les multiples occasions de prétexter une mauvaise foi de l’autre partie pour le faire capoter. Si la direction du Hamas à l’étranger est soucieuse d’envoyer des signaux de bonne volonté, rien ne garantit que les responsables de terrain à Gaza ne soient pas tentés par une fuite en avant maximaliste pour garder le contrôle de leur territoire et empêcher l’Autorité palestinienne et ses alliés de venir les supplanter.

Traiter la question palestinienne… ou pas.

Du côté d’Israël, le dilemme est clair : un cessez-le-feu définitif permettra le retour de tous les otages. Mais l’entrée d’une large coalition internationale à Gaza, appelée à supplanter le Hamas, obligera à terme Israël à accepter de traiter la question palestinienne.
Ceux qui sont prêts à faire échouer cet accord porteront une double responsabilité : ils sacrifieront les otages encore vivants et redonneront les clés de la bande de Gaza au Hamas, qui pourra prétendre sortir vainqueur de cette guerre.


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