Israël : le poker gagnant de la guerre
Le Hamas, le Hezbollah, la Russie et l’Iran sont les grands perdants d’une offensive du 7 octobre qui s’est retournée contre ses auteurs
En déclenchant les massacres du 7 octobre, le Hamas espérait entraîner le Hezbollah et l’Iran dans un embrasement du conflit, avec pour objectif un affaiblissement conséquent d’Israël. Quatorze mois plus tard, force est de constater que le Hamas a fait un mauvais calcul et que le résultat est à l’opposé de celui escompté.
Le Hamas est à genoux et devra, d’une manière ou d’une autre, céder le pouvoir à Gaza. Le Hezbollah se retrouve délogé du Sud-Liban, et sa mainmise sur l’État libanais est remise en question. Profitant de cet affaiblissement du Hezbollah, la Turquie a lancé les milices sunnites qu’elle contrôle à l’assaut de Damas et a réussi son coup. La dictature de Bachar el-Assad s’est effondrée comme un château de cartes en moins de deux semaines, à la surprise de tous les services de renseignement censés surveiller la région.
L’heure des comptes
Pour Israël, les conséquences positives de l’effondrement du régime de Bachar el-Assad sont multiples et immédiates :
- L’axe d’approvisionnement en armes en provenance d’Iran via la Syrie est coupé, et le Hezbollah sera contraint de respecter le récent cessez-le-feu.Les manœuvres syriennes de menaces et de déstabilisation de la Jordanie et du Liban sont interrompues.
- La présence militaire russe, qui limitait les capacités d’attaques aériennes israéliennes, est en train de disparaître, laissant l’espace aérien syrien entièrement vulnérable.
- Enfin, l’Iran perd sa dernière barrière de protection et ses capacités de riposte contre Israël depuis le territoire syrien.
Alors qu’Israël reste préoccupé par le sort des otages encore détenus par le Hamas et que la coalition gouvernementale continue de donner l’image de politiciens d’abord préoccupés par leur survie personnelle, la surprise de la chute du pouvoir de Bachar el-Assad a insufflé un souffle d’air et déclenché un optimisme temporaire dans la société israélienne.
Israël face au nouveau régime islamiste
Dans ses premières déclarations, le nouveau régime syrien semble indiquer qu’il ne répétera pas l’erreur des vainqueurs de Saddam Hussein en Irak, qui avaient détruit l’appareil et les structures du pouvoir. L’armée d’Assad s’est rendue, et bien que les tortionnaires les plus visibles soient visés et que des affrontements restent possibles avec les enclaves kurdes hostiles à la Turquie, l’heure semble être à la reconstruction, à l’accueil des réfugiés et à la recherche d’une conciliation nationale.
Face aux multiples défis qui attendent le nouveau pouvoir syrien dans un pays affaibli, Israël n’est ni la cible principale ni le problème prioritaire.
La Turquie, HTS, Al-Qaïda et Daesh…
Cependant, si la coalition sunnite victorieuse inclut des groupes laïques comme l’Armée Nationale Syrienne, il est évident que sa composante principale est Hayat Tahrir al-Sham (HTS), parrainé par la Turquie islamiste et puisant ses sources dans Al-Qaïda et Daesh.
Sur les lignes de cessez-le-feu de la guerre des Six Jours de 1967, l’armée d’Assad restait tranquille. Mais Israël, bien que le risque soit encore faible, ne souhaite pas voir s’établir à sa frontière des milices islamistes radicales aux intentions imprévisibles.
En trois jours, il n’y a plus d’aviation militaire syrienne
Avec l’armée syrienne dissoute et la dissuasion russe disparue, Israël n’a pas attendu pour détruire l’arsenal constitué depuis des années par Bachar el-Assad, afin d’éviter qu’il tombe entre les mains de groupes islamistes.
En trois jours, après des raids aériens d’une ampleur inégalée, l’aviation militaire syrienne a été entièrement neutralisée. Des usines de fabrication d’armement et de missiles ainsi que des stocks d’armes ont été détruits en grande quantité. Le réseau dense de défense anti-aérienne construit avec les Russes a été anéanti, tout comme les faibles forces navales existantes. Le Dr Khamdi Ismail, présenté comme l’un des scientifiques responsables du programme d’armes chimiques, a été exécuté aujourd’hui à son domicile, et le centre de développement des armes chimiques de Damas est en ruine.
Tsahal a pris position dans le corridor de séparation sous contrôle de l’ONU, séparant auparavant les armées protagonistes sur le plateau du Golan, et a renforcé ses positions au sommet du Mont Hermon.
Et toujours pas de solution envisagée au problème palestinien…
En quelques jours, Israël s’est offert un répit de plusieurs années avec la Syrie. L’opinion majoritaire en Israël estime qu’au prix du sacrifice de plus de 800 soldats, l’armée est en train de corriger sa part d’erreurs dans la catastrophe nationale du 7 octobre et qu’elle rétablit, au moins à moyen terme, une situation sécuritaire favorable.
Il reste à espérer que le débat qui suivra sera politique. La classe politique israélienne doit-elle condamner sa population à survivre jusqu’à la prochaine guerre ou assumer ses responsabilités dans la perpétuation de ces conflits, notamment en abordant enfin le conflit national avec ses voisins palestiniens ?
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