Israël: les ministres du chaos
Israël est sous la coupe d’extrémistes ultra-violents et radicaux, devenus ministres du gouvernement Natanyahou, et qui prônent la guerre et une lutte à mort contre les Palestiniens jusqu’à leur expulsion totale.

C’est un réquisitoire accablant parce que les faits sont accablants. Et l’enquête menée n’est qu’un simple constat des faits. Verdict : le gouvernement de Benjamin Netanyahou est sous la coupe de deux ministres fascistes, racistes, violents, religieux convaincus de la suprématie juive et de la nécessité absolue de chasser les Palestiniens hors d’Israël. À côté d’eux, les durs du RN de Marine Le Pen feraient figure de sociaux-démocrates mous et Éric Zemmour d’un apprenti de l’extrême droite.
En cause, notamment, deux ministres nommés par Netanyahou, dont le « pragmatisme » cache mal une adhésion à leurs thèses : Bezalel Smotrich, leader du parti sioniste religieux, en charge des finances et de l’administration civile des colonies, le loup à la tête de la bergerie. Comme si on confiait le ministère de l’immigration à Génération Identitaire. Et Itamar Ben-Gvir, patron de la Force Juive, une formation suprémaciste que l’on a vu, pistolet à la main, face à une manifestation palestinienne, et qui est chargé, lui, de la sécurité intérieure.
Le documentaire retrace leur parcours de militants violents, leurs déclarations sans équivoque, la préparation d’un attentat par Smotrich et l’ascension politique d’hommes à qui les responsables politiques refusaient autrefois de serrer la main. Ben-Gvir est un adorateur du rabbin Meir Kahane, fondateur d’un parti raciste ; il se déguise volontiers en Baruch Goldstein, auteur du massacre d’Hébron. Smotrich, lui, affirme que « le peuple palestinien n’existe pas », veut raser les villages palestiniens et considère que tout cela n’est qu’un début, le « Grand Israël » s’étendant selon lui jusqu’à Damas en Syrie, en Jordanie, ainsi qu’à une partie de l’Irak et de l’Égypte. Bien sûr, les deux ministres se moquent comme de leur première chemise des Droits de l’Homme, de la CPI et même de l’ONU.
Des extrémistes minoritaires ? Pour écrire son film, Jérôme Sesquin, le réalisateur, s’est appuyé sur l’expertise de la chercheuse israélienne Nitzan Perelman. Lors de la projection en avant-première ce lundi à Paris, l’experte de l’extrême droite israélienne mettait en garde : « Ce serait une erreur de croire que ce phénomène est minoritaire. En réalité, il est aujourd’hui majoritaire. » Aujourd’hui, les partis de Smotrich et Ben-Gvir disposent de 14 sièges sur 120 à la Knesset, le parlement israélien, et tiennent un pistolet sur la tempe du gouvernement, toujours au bord de la chute. Un peu comme le RN français qui menace de censurer tout gouvernement qui ne se plierait pas à ses exigences.
Ils font partie du pouvoir et en usent : en menaçant les Palestiniens, en soutenant des raids contre leurs villages en Cisjordanie, en distribuant en nombre des armes de guerre aux colons, en empêchant tout cessez-le-feu à Gaza, en attaquant violemment les ONG israéliennes et les « mauvais Juifs » qui s’opposent à leurs idées, en légitimant le discours de la violence, de l’intolérance, de la haine en Israël. Ils changent la nature même de la démocratie en Israël. En Cisjordanie, aujourd’hui, la réalité est simple : des milices armées d’extrême droite, soutenues par une partie de l’armée, pratiquent un nettoyage ethnique qui ne cache même plus son nom. Premier résultat : 1 250 attaques de colons contre des Palestiniens, 609 morts dont 146 enfants, tous qualifiés de «terroristes».
Face à eux, les interviews des anciens premiers ministres, qu’ils soient travaillistes ou du Likoud, d’Ehud Barak à Ehud Olmert, montrent des responsables politiques sidérés, scandalisés mais impuissants. Et les importantes manifestations d’une société civile au bord de la rupture contre la réforme autoritaire de la justice voulue par Netanyahou ont été balayées par l’attaque du Hamas le 7 octobre et la guerre. Une véritable aubaine pour les extrémistes. Déjà en 2018, le gouvernement de Netanyahou autorisait officiellement le Qatar à financer le Hamas, à la tête de Gaza depuis 2007, une stratégie qui visait à affaiblir l’Autorité palestinienne, exactement ce que prônait Smotrich dès 2015.
Pour les extrémistes, plus les Palestiniens apparaissent violents, menaçants, « terroristes », plus leur discours jusqu’au-boutiste devient une nécessité. Le couple extrême droite/Hamas, dont chacun veut la destruction totale de l’autre, a de beaux jours devant lui tant que la guerre continue. Au grand bénéfice du Premier ministre Benjamin Netanyahou, qui voit ses graves ennuis judiciaires pour corruption relégués aux oubliettes de la crise. Quant aux immenses manifestations des opposants au gouvernement, elles ne concernent que les otages — dont les extrémistes ne font pas grand-cas — et non le sort des 40 000 morts de Gaza. Seuls 4 % des Israéliens considèrent que la guerre est allée trop loin.
Alors ? La guerre, la guerre et encore la guerre, cette fois étendue au Sud-Liban contre le Hezbollah, au bénéfice exclusif des deux ministres du chaos, de leur Premier ministre complice, et du Hamas terroriste, sous les yeux du monde entier, pour le plus grand bonheur de tous les extrémistes et au risque d’étendre le conflit à toute la région. À la fin de la projection, à l’heure des questions, quelqu’un a demandé si l’on voyait une issue à la tragédie, un espoir, ou même une lueur d’espoir à l’horizon. Personne n’a osé répondre. Sauf la chercheuse israélienne dont la réponse — « Non. Je n’en vois aucun » — était sans appel.
A voir sur Arte
« Israël, les ministres du chaos », Réalisé par Jérôme Sesquin Écrit par Jérôme Sesquin, Nitzan Perelman- France • 2023 • 65 minutes • Couleur- Production YUZU