Israël : Netanyahou au-dessus des lois
En destituant brutalement la procureure générale d’Israël, il veut relancer sa réforme judiciaire avortée en 2023 pour transformer le pays sur le modèle Hongrois ou Turc

L’activisme débridé d’un Donald Trump encourage Benjamin Netanyahou à croire que le passage en force est possible
Le pays est incertain face à un conflit qui s’éternise et au traumatisme provoqué par les révélations des otages libérés. L’opposition politique est divisée, n’a pas de leader visible et ne présente pas une alternative politique claire et identifiable. La majorité reste stable au Parlement grâce aux cadeaux budgétaires distribués aux partis religieux et aux défections de quelques membres de l’opposition en quête de portefeuilles ministériels.
L’activisme débridé d’un Donald Trump encourage Benjamin Netanyahou à croire que le passage en force est possible et que le moment est venu pour lui et ses partisans de s’attaquer aux derniers remparts juridiques et institutionnels qui protègent encore la démocratie israélienne. Si Donald Trump a les mains libres à la suite de sa nette victoire électorale, la situation de Netanyahou est différente. Il reste impopulaire dans les sondages et la majorité du pays attend son remplacement. Alors que tous les responsables militaires ont accepté de reconnaître leur responsabilité et sont progressivement remplacés, il est le seul qui s’accroche à son siège et bloque la mise en place d’une commission d’enquête d’Etat qui permettrait de mettre en lumière les responsabilités de chacun.
Mais la donne a été bouleversée par les récentes révélations sur la stratégie d’influence du Qatar auprès de l’entourage du 1er Ministre. En tant que responsable de la sécurité de l’Etat, le Shin Bet était obligé de déclencher une enquête, et les langues commencent à se délier sur l’ampleur de ce scandale et des flux financiers concernés.
63% de la population pense que le gouvernement met en danger la démocratie israélienne
Dans ces conditions, Netanyahou ne pouvait plus attendre, et a trouvé le prétexte d’un soit disant manque de confiance pour faire adopter par un gouvernement docile le limogeage du Chef du Shin Bet Ronen Bar, et essayer d’étouffer le Qatargate à venir. Comme la conseillère juridique du Gouvernement et la Cour Suprême ont bloqué ce limogeage jusqu’au 8 avril en l’attente de justifications étayées, la bataille juridique tant attendue entre le gouvernement et les derniers remparts de la démocratie israélienne a commencé.
Comme l’affirme l’ancien Président de la Cour Suprême Aharon Barak cette confrontation « laisse planer sur le pays, l’ombre d’une guerre civile ». Des dizaines de milliers d’Israéliens ont défilé samedi dernier pour demander la libération des otages et critiquer le renvoi du chef du Shin Bet par le premier ministre.Les sondages du 21 mars confirment d’ailleurs que 63% de la population pense que le gouvernement met en danger la démocratie israélienne. Cette opinion est même partagée par 1/3 des soutiens habituels de Netanyaho
Les tentatives de Netanyahou de détruire son pays de l’intérieur
Mais si des centaines de milliers d’Israéliens continuent d’occuper la rue et de manifester, le gouvernement reste déterminé à ignorer les injonctions des dernières institutions remparts de l’état de droit. Dans cette situation inédite de chaos, personne n’est capable de prévoir comment va se retrouver un pays fracturé et en colère. Aux Etats Unis on se plait à dire que seul Wall Street sera capable de freiner Donald Trump dans ses initiatives imprévisibles et incontrôlables.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, c’est peut-être ce qui va arriver en Israël. Le Forum des plus grosses entreprises, le collectif de la High Tech israélienne et même la trop prudente Histadrout ont pris position officiellement en enjoignant le Gouvernement de respecter les décisions de la Cour Suprême.
Le respect de l’état de droit est la voie obligée pour garantir la bonne marche de l’économie. C’est peut-être comme cela que les tentatives de Netanyahou de détruire son pays de l’intérieur pourront être stoppées.
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