Israël : Pourquoi Netanyahou a accepté un accord qu’il refusait
L’accord accepté par Benjamin Netanyahou, contraint, est le même qu’il y a huit mois. Et aurait pu éviter des milliers de morts…

L’accord de cessez-le-feu à Gaza et de libération des otages israéliens encore détenus par le Hamas est accueilli comme un soulagement par toutes les parties prenantes du conflit. Mais les incertitudes et les appréhensions dominent après 468 jours d’un conflit d’une violence extrême.
Les termes de l’accord
Durant la première phase de 42 jours, 33 otages, vivants ou morts, seront échangés au fur et à mesure de la libération d’un millier de prisonniers palestiniens, dont plusieurs centaines condamnés à perpétuité pour des assassinats. L’armée israélienne se retirera des zones les plus peuplées du territoire de Gaza, et l’aide humanitaire journalière sera augmentée jusqu’à 600 camions par jour. Au 16e jour de l’accord commenceront les négociations pour une deuxième phase avec pour objectifs la libération des 62 otages restants et le retrait complet de Tsahal du territoire de Gaza après le 1er mars. Le retour des populations déplacées vers leurs foyers du nord de la bande de Gaza commencera au 22e jour de l’accord et sera sous le contrôle conjoint de l’Égypte et de l’Arabie saoudite.
Biden et Trump ont contraint Netanyahou
Dans ses principes généraux et même dans les détails connus, cet accord est en fait identique à celui qui avait été négocié sous la présidence Biden en juin 2024, à une exception notable : le contrôle de la frontière entre Gaza et l’Égypte. Contre l’avis de son armée et sous la pression des extrémistes de droite de son gouvernement, Benjamin Netanyahou avait fait échouer l’accord en invoquant à la dernière minute la nécessité pour Israël de garder le contrôle de l’axe routier de Philadelphie et du passage de Rafah à la frontière avec l’Égypte.
Aujourd’hui, on constate que Benjamin Netanyahou a dû accepter de retirer cette exigence, très probablement sous la pression des équipes diplomatiques conjointes américaines de Biden et Trump. Les vies de civils, de militaires et sans doute d’otages auraient pu être épargnées si, pendant ces six mois, la priorité du gouvernement en place en Israël avait été le bien de sa population plutôt que sa survie politique.
Un répit pour Israël, mais le Hamas a survécu
En ces moments de triste bilan, les incertitudes demeurent : cet accord, annoncé ce mercredi, va-t-il effectivement pouvoir se mettre en place à l’échéance du dimanche 19 janvier, car aucune des parties ne veut apparaître perdante ? Le Hamas va chercher à faire oublier à sa population ses responsabilités dans les désastres humains et matériels occasionnés par l’attaque du 7 octobre, en faisant monter les enchères sur les critères de libération des prisonniers palestiniens.
Pendant ce temps, Benjamin Netanyahou peine à faire admettre à sa coalition qu’après des pertes conséquentes et douloureuses, Israël n’a gagné qu’un répit dans le conflit, et que la capacité de nuisance du Hamas demeure, malgré son affaiblissement et la perte temporaire de ses soutiens extérieurs.
Le mirage Trump
Le fait le plus important est que, depuis quelques jours, les principaux responsables en Israël commencent à réaliser que les espoirs placés dans la présidence Trump à venir étaient peut-être trompeurs. En effet, les messages émis ces derniers jours par les équipes de la future présidence Trump sont très clairs : l’Arabie saoudite sera le partenaire privilégié des États-Unis, et il doit être mis un terme aux conflits militaires dans la région. Le cessez-le-feu au Sud-Liban doit être renforcé, il faut donner sa chance au nouveau régime syrien, et il faudra s’abstenir d’une possible attaque de l’Iran. Et, quelle que soit la longueur des négociations lancées à Gaza, elles devront être menées à terme et aboutir à un cessez-le-feu permanent.
Le sort de Netanyahou
Dans le cadre des négociations à venir pour ce cessez-le-feu, le sujet toujours repoussé de la future gouvernance sera incontournable. Empêcher le Hamas de reprendre le contrôle de ce territoire va nécessiter une action internationale concertée impliquant l’Égypte, la Jordanie, l’Autorité palestinienne et l’Arabie saoudite, ainsi qu’une révision douloureuse des positions israéliennes sur la question.
Benjamin Netanyahou a réussi jusqu’à aujourd’hui à échapper à ses responsabilités concernant les massacres du 7 octobre et à exploiter à son profit les succès militaires remportés par une armée et des forces de sécurité qui lui sont hostiles. Ceux qu’il présente comme ses alliés extérieurs, Trump et l’Arabie saoudite, seront peut-être ceux qui décideront de son sort s’il s’oppose aux changements nécessaires à Gaza
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