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Israël : une population soulagée…mais très inquiète

publié le 29/11/2024 par Marc Lefevre

L’accord de cessez-le-feu conclu avec le Hezbollah suscite des réactions contrastées en Israël

Les populations du nord et du centre du pays sont, bien sûr, soulagées de ne plus être soumises aux attaques de roquettes, de missiles et de drones qui duraient depuis 14 mois. Et puis, il y a l’autre soulagement, plus silencieux et plus grave, des familles de soldats qui entendaient chaque jour s’égrener les annonces des pertes humaines croissantes parmi les troupes engagées au sud-Liban.

Une guerre arrêtée trop tôt ?

Mais ce soulagement s’accompagne de la frustration liée à une guerre avec le Hezbollah arrêtée trop tôt. Depuis l’échec de la guerre du Liban de 2006, des renseignements militaires avaient été patiemment accumulés pendant 18 ans. En les couplant à un réseau d’informateurs de terrain et à l’ingéniosité des services secrets, ils ont permis d’éradiquer, quasi complètement, en quelques semaines, les directions politiques et militaires du Hezbollah. La sophistication des moyens techniques développés par l’aviation de Tsahal a également permis de détruire l’arsenal de missiles de longue et moyenne portée ainsi que 70 % des drones, ramenant ainsi la capacité militaire du Hezbollah à un niveau inférieur à celui de 2006. Même si les dernières estimations indiquent que les pertes du Hezbollah se montent à 3 500 tués et plus de 7 000 blessés, la menace demeure : des milliers de combattants sont encore disséminés sur le terrain avec un arsenal conséquent.

La frustration des militaires

Les militaires ne cachent pas leur frustration de ne pas avoir bénéficié des semaines supplémentaires jugées nécessaires pour atteindre les objectifs de sécurisation qu’ils s’étaient fixés. Cette frustration est relayée et amplifiée par les craintes des dizaines de milliers d’Israéliens déplacés depuis plus d’un an de leurs localités à la frontière nord. Le passif de la résolution 1701 du Conseil de sécurité, jamais appliquée depuis 2006, le manque de confiance dans la structure de surveillance qui va être mise en place et la faible réputation de l’armée libanaise font craindre à ces populations que la menace représentée par le Hezbollah ne soit que repoussée dans le temps.

Un autre 7 octobre ?

Avant le 7 octobre, le Hezbollah avait préparé une opération de pénétration en profondeur à l’intérieur du territoire israélien. Les détails et l’ampleur des moyens mis en œuvre ont été découverts et révélés lors de l’opération militaire terrestre au sud-Liban. Compte tenu de la capacité militaire du Hezbollah, cette opération aurait causé des dommages humains et matériels sans commune mesure avec ce que le Hamas a été capable de faire le 7 octobre. Face à cette menace toujours présente dans l’esprit des populations frontalières, l’accord de cessez-le-feu reste imprécis. Il stipule bien une obligation pour le Hezbollah de faire taire ses armes, mais il ne lui impose pas véritablement de retirer ses forces du sud-Liban et de les rapatrier au-delà du fleuve Litani.

Une population abandonnée

Il a été convenu que la structure de surveillance qui va être mise en place sera sous responsabilité américaine, mais il n’y aura pas de soldats américains sur le terrain. Les seules forces militaires en charge seront l’armée libanaise et les forces de l’UNIFIL, avec en particulier un contingent français dont l’ampleur reste inconnue à ce jour. Même si le mandat de cette structure de surveillance est moins restrictif que celui mis en place en 2006, et même si le gouvernement israélien s’est ménagé des capacités de riposte en cas de violation du cessez-le-feu, on peut comprendre la réticence actuelle des populations israéliennes déplacées à réintégrer leurs foyers en toute confiance. Aux inquiétudes de ces populations s’ajoute leur sentiment d’avoir été abandonnées par le reste du pays depuis le début des bombardements du Hezbollah il y a 14 mois.

Des dégâts considérables en Israël

Les dégâts matériels de ces bombardements sont considérables. Un bilan provisoire estime que plus de 8 000 bâtiments ainsi que des milliers de véhicules ont été endommagés ou détruits. Aucun budget sérieux et conséquent d’indemnisation et de réhabilitation n’a été mis en place à ce jour, et les demandes des responsables régionaux restent lettres mortes. Tsahal est aux limites de ses capacités opérationnelles et logistiques. Les pertes humaines, le nombre important de blessés, les capacités limitées de mobilisation de réservistes et le besoin de reconstituer les stocks d’armes poussent à ralentir les combats.

La pression américaine…

De son côté, le gouvernement israélien est en butte à une impatience croissante des États-Unis pour qu’un terme soit mis à des opérations militaires sans issue politique claire et aux dommages humanitaires devenus ingérables.On notera que la future administration Trump s’est impliquée dans la préparation du cessez-le-feu, et rien n’indique pour le moment que le futur président se révélera plus patient que son prédécesseur face aux tergiversations israéliennes.

Et celles des Iraniens

En ce qui concerne l’Iran, l’efficacité de la dernière riposte aérienne israélienne et l’effondrement de ses proxys rendent le régime des mollahs plus vulnérable face à un nouveau président américain imprévisible. Le Hezbollah n’avait donc pas d’autre choix que de se soumettre aux directives de son patron. Si ce fragile cessez-le-feu se stabilise aux frontières nord d’Israël, une dynamique de désescalade pourrait également se mettre en place au sud. D’ailleurs, un Hamas affaibli émet déjà les premiers signaux en ce sens, en laissant entendre un assouplissement de ses exigences quant au retrait des troupes israéliennes de Gaza.

En attendant Donald Trump

La possibilité d’un cessez-le-feu proche à Gaza n’arrange pas les affaires de Benjamin Netanyahou. Il préférait attendre l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche pour l’aider à circonvenir les extrémistes irréductibles de son gouvernement. Mais si une opportunité se présente, l’opinion publique et l’opposition politique en Israël sont en droit d’exiger qu’un autre accord, même imparfait, soit recherché pour obtenir la libération des otages encore vivants. La balle est, une fois de plus, dans les mains de Benjamin Netanyahou, qui devra choisir entre sa survie politique et l’intérêt du pays qu’il dirige encore.


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