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Japon: «J’ai cru à la fin du monde»

publié le 28/03/2011 | par Jean-Paul Mari

Du séisme et de la mer de boue ont englouti des villes entières à la terrifiante menace d’apocalypse nucléaire, Jean-Paul Mari dresse le récit de ces journées qui resteront pour le Japon comme l’une des pires crises de son histoire


Le temps s’est arrêté. Plus d’heure, plus d’avant, plus d’après. Pas encore l’apocalypse. Tout est suspendu. Le ciel est froid, clair, ensoleillé. Dans la baie, les bateaux se balancent sur une mer d’hiver. Sur la côte, en face, un port de pêche, des toits bleus, des hangars. Sur la rive proche, des maisons, des parkings, des voitures, un poteau de signalisation, un nom, celui de la ville, moderne : Miyako. Et puis là, à quelques mètres du rivage, une ligne boursouflée, comme un bourrelet, quelque chose d’incompréhensible. On dirait un serpent géant, lourd, obscur, qui roule des écailles monstrueuses. Une vague. Haute de 10 mètres, dressée, en suspension.

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Saisie au moment où elle va retomber. Une montagne d’eau noire au-dessus de la ville, prête à déferler sur les hommes. C’est l’image de l’horreur, de la mort qui vient, du néant. Tout est encore intact mais tout va disparaître. Quand la vague s’abat, elle frappe en bouillonnant, crache de la vapeur, écrase les premières voitures, le poteau, la route, les premières maisons. Comme de petits dés de papier. Et l’on comprend qu’elle est surhumaine. La vague d’un tsunami ne meurt pas sur la berge. Elle avance dans un bruit d’enfer, poussée par toute la masse de l’Océan. Une vague monstrueuse et furieuse qui va tout engloutir, fait exploser d’abord les digues, les maisons, les immeubles de trois étages, les hangars, les usines et les hôpitaux, avale la ville et prend d’assaut les champs, les terrains agricoles, noie les fossés et démolit les ponts, les lignes de chemin de fer, les aéroports. Jusqu’à cinq kilomètres à l’intérieur des terres.

Très vite, la vague se charge de milliers de tonnes de débris, de voitures broyées, d’un immeuble qui tourbillonne, de bateaux coque en l’air, de roches, de béton et d’acier. Ce n’est plus de l’eau, c’est un raz de marée, un glissement de terrain, une muraille en marche, un volcan qui explose, une avalanche noire chargée de milliards de tonnes, la mort qui avance. Il y avait une ville, des hommes, des familles, la vie. Il n’y a plus rien. Seulement de la boue sale, des débris broyés et des corps englués. Miyako n’existe plus. «J’ai cru à la fin du monde », a dit un survivant. Il avait raison. Sendai, Kesennuma, Hakodate, Minamisanriku, Shintona, Rikuzentakata… inutile de retenir ces noms compliqués des villes de la côte est du Japon. Elles ont aujourd’hui disparu.

Vendredi 11 mars : naissance d’un monstre

La Chose est née, invisible, quasiment en silence, dans l’obscurité, à 24 kilomètres de profondeur dans l’océan Pacifique, à plus de 130 kilomètres au nord-est de l’archipel nippon, là où deux plaques tectoniques se frottent, s’affrontent, se livrent face à face à un combat de titans. L’archipel du Japon vit en équilibre sur un gouffre, cerné par quatre plaques tectoniques en mouvement perpétuel. Et il subit chaque année 20% des séismes les plus violents de la terre. Cette fois, la plaque nord-américaine a craqué, basculé, avant de passer sous la plaque pacifique, provoquant un « mouvement de cisaille».

Ce vendredi 11 mars, à 14h46 heure locale, l’Amérique s’endort, l’Europe n’est pas encore réveillée, mais une explosion tellurique secoue la croûte terrestre sous l’océan japonais. Le séisme atteint 8,9 sur l’échelle de Richter, l’équivalent d’un milliard et demi de tonnes de TNT, mille cinq cents bombes atomiques d’une mégatonne. La déflagration est 8 000 fois plus puissante que le dernier tremblement de terre qui a affolé la Nouvelle-Zélande. En 1923, il avait suffi d’un séisme de 7,9 situé exactement sous Tokyo pour tuer 140 000 personnes. Sous l’eau, la déflagration, quasi surnaturelle, va déplacer l’île du Japon de 2,40 mètres et déporter de près de 10 centimètres l’axe de rotation de la terre, modifiant la durée du jour solaire de quelques millisecondes.

Dans les abysses sous-marins, la fissure de la croûte terrestre s’étale sur 500 kilomètres, entraînant un glissement du plancher sous-marin de plus de 10 mètres. C’est cette secousse, phénoménale, qui va projeter la masse de l’océan vers le haut. Arrivée en surface, l’onde de choc verticale va devenir horizontale. La vague n’est pas très haute mais elle court sur l’océan à la vitesse de 500 à 850 km/h. Elle peut passer sous un bateau dont les passagers ne ressentiront rien qu’un mouvement de houle mais quand elle parvient à la côte, quand sa puissance heurte et racle les premiers fonds, elle se dresse, s’enroule, se gonfle de toute l’énergie emmagasinée dans les abysses en fusion… elle devient tsunami.

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Tokyo a le mal de mer

A 380 kilomètres de la faille, au 26e étage d’un gratte-ciel de la capitale, un employé de Google remarque l’étrange comportement des corbeaux qui volent dans tous les sens. Ils sont les premiers à avoir deviné la secousse. Quelque chose commence à soulever le bâtiment. Des machines de 300 kilos sont déplacées de plus d’un mètre. Le mouvement d’ascenseur s’accentue puis tout l’immeuble commence à balancer horizontalement. Haut dans le ciel, le gratte-ciel de 54 étages tangue sur 3 mètres d’amplitude, comme un bateau ivre. Dix mille personnes sont coincées dans les bureaux de la tour.

Vertical, horizontal, latéral, le mouvement semble ne jamais s’arrêter : «J’en avais le mal de mer», dit un Français piégé dans un ascenseur. En bas, sur le trottoir, les lignes téléphoniques valsent dans l’air, des conduites de gaz ont explosé, des alarmes retentissent, des bruits étranges claquent dans l’air, des tôles qui volent, des tuiles qui tombent, des murs qui tremblent, des masses lourdes qui s’écroulent. Les Japonais ont d’abord gardé un calme impressionnant – ici, les séismes, on connaît ! -, mais le tremblement de la terre s’amplifie, les secousses se multiplient, le mouvement dure. Un séisme inhabituel, long, très long, interminable. Comme un supplice éternel. Les gens commencent à trembler aussi fort que le sol, à crier, incapables de se tenir debout. Fourmis plaquées au sol, humains écrasés, transformés en objets. Impuissants.

A l’université de Tokyo, Jean-Claude Sibuet, un géophysicien français, participe à une conférence internationale sur les mécanismes des «séismes tsunamogéniques», responsables des tsunamis. Il sait qu’à partir de 8 sur l’échelle de Richter, les destructions peuvent être terribles. En 1771, une vague haute de 30 mètres a fait 12 000 morts sur l’île d’Ishigaki. Et le géophysicien tient à rappeler devant l’assemblée le risque majeur d’un prochain séisme de ce type. Il a vu juste. Au moment où il parle, il sent les premières secousses, les analyse «ondes P, mouvements verticaux », signes d’un gros séisme. Le bâtiment est aux normes parasismiques. Personne ne bouge.

Puis l’arrivée brutale des ondes secondaires de cisaillement « ondes S » le convainc que les scientifiques n’ont plus qu’une chose à faire : fuir ! Malgré un genou blessé, accroché à la rampe d’escalier pour ne pas tomber, il est le premier à se retrouver dehors, accroupi sur le gazon. Dehors, Tokyo, mégalopole de 12,5 millions d’habitants, est tétanisée. Trains, métros, tramways, tout est à l’arrêt. Plus un bus ne circule, les taxis sont invisibles, les autoroutes fermées, la rue livrée aux millions de piétons, hagards, accrochés à leurs téléphones portables saturés, dans le vacarme des sirènes d’ambulances, des pompiers et de la police. Au même moment, le gouvernement tient conseil. Le premier ministre Naoto Kan interrompt son discours quand il commence à voir les lourds chandeliers se balancer au-dessus de la tête des ministres.

Deux minutes d’immobilité, en samouraïs politiques. Puis tout le gouvernement se met à l’abri. Le Premier ministre consulte les premiers rapports, ils donnent une petite idée de l’étendue de la catastrophe. Le séisme est le plus violent jamais enregistré sur le territoire national. Tous les transports sont interrompus, 4,4 millions de foyers sont privés d’électricité à Tokyo et ses environs, six incendies dans la capitale, 80 dans l’ensemble des zones touchées, une raffinerie de pétrole est en feu à Iichira, dans les environs de la capitale, un barrage a cédé dans la préfecture de Fukushima.

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Au centre de Tokyo, le toit d’un bâtiment s’est effondré sur 600 étudiants lors d’une remise de diplômes, des blessés. Surtout, un tsunami a déferlé sur toute la côte nord-est du Japon, la base des Forces d’Autodéfense, l’armée, a été totalement submergée à Sendai, comme la piste de l’aéroport, deux trains entiers sont portés disparus, un bateau d’une entreprise navale, cent personnes à bord, ont été emportées par la vague, déjà trois cents corps ont été retrouvés sur une plage près de Sendai… le gouvernement sait que ces dégâts ne sont que le début d’une longue liste.

Et la terre qui continue de trembler ! Un seul point réconfortant : les réacteurs des centrales nucléaires se sont automatiquement arrêtés, « en toute sécurité ». Le Premier ministre est soulagé. De ce côté, tout va bien. Sauf un petit départ de feu dans un bâtiment d’une turbine de la centrale d’Onagawa, préfecture de Miyagi.


Sendai : quand la vague se retire…

Dès les premières secousses, Harumi Watanabe a fermé son magasin et la jeune femme a roulé à toute allure vers la maison de ses parents… « vieux et trop faibles pour marcher. Je ne suis pas arrivée à les faire monter dans ma voiture ». Ils étaient encore dans la salle à manger quand la vague du tsunami a frappé la maison. Watanabe a agrippé ses parents de toutes ses forces par les poignets. Résistance dérisoire. L’eau boueuse a déferlé, sa mère a hurlé qu’elle ne pouvait plus respirer, les poignets ont glissé et les deux vieillards, arrachés à l’étreinte de leur fille, sont partis avec la boue. Watanabe n’a pu que leur hurler : «Restez ensemble !» Et la vague a tout englouti.

L’eau montait et la jeune femme a dû lutter pour sa propre vie : «J’étais montée sur un meuble mais l’eau m’arrivait jusqu’au cou. Il ne restait plus qu’un petit espace entre moi et le toit. L’air manquait, j’ai cru que j’allais mourir. » Sendai, ville d’un million d’habitants, sur la côte, face à l’épicentre du séisme, est au coeur de l’apocalypse. Partout, la boue, la boue et encore la boue. Un océan de glaise où surnagent des restes de bâtiments détruits, des usines incendiées, des trains couchés, des piles de voitures, certaines posées sur le toit d’une maison, de petits avions au sol, broyés, et des complexes pétrochimiques pulvérisés par la vague. A l’hôpital, un bateau est posé au sommet d’un bâtiment, l’eau est montée jusqu’au deuxième étage, l’unité de pédiatrie a été balayée et il ne reste que deux peluches d’enfants accrochées à l’entrée du service.

Les survivants ont grimpé au 5e étage, sur la terrasse où ils ont écrit un SOS en lettres majuscules, à destination des pilotes d’hélicoptère qui survolent la noirceur de la ville. Il fait froid, entre zéro et un degré, les survivants cherchent de l’eau potable, de l’essence, des médicaments, des vivres. Pourtant, pas un cri, pas un hurlement, pas une plainte hystérique dans les files d’attente devant un magasin épargné, une station-service, un point d’eau. On reçoit quelques biscuits, deux oranges, une boîte de thon, un onigri, boulette de riz et d’algues, et un mince futon pour la nuit. Pas un mot. Et ce calme stupéfiant d’une population qui se tient rend le silence encore plus effrayant. Mais quand, avec la nuit, la neige qui tombe se mêle aux flammes des incendies, Sendai a le visage nu de l’horreur.

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Ses fantômes ont peur, ils ont froid, ils ont faim et fouillent les ruines ou les plages pour retrouver les cadavres que la mer commence à rejeter. Les morts, les pauvres morts, reviennent, par centaines, par milliers. Sur la côte, des piles de cadavres gonflés commencent à s’accumuler. Une femme, hagarde, titubante, avance au hasard dans les décombres, criant à l’infini le nom de quelqu’un qui ne répondra plus. Dans le port de Rikuzentakata, l’armée a découvert quatre cents corps, hommes, femmes, enfants. Non loin de là, il y avait Minamisanriku, une ville de 17 000 habitants. Quand les secours sont arrivés, ils n’ont recensé que 7 000 habitants. Le reste s’est volatilisé. Dix mille personnes ! Une vague, une seule vague…

Enfermé dans sa maison, Blaise Plant, un Canadien, pianote sur son téléphone sur Twitter, alignant messages horodatés et appels à l’aide : «1507 : ma maison est détruite. C’est sinistre. 1828 : la ville est complètement noire. On ne voit que les phares des voitures. 2208 : secousses non stop ! Une grosse toutes les 15 minutes. Chaque fois, on se demande si cela va être la « Big One ». 2315 : Oh non ! Je viens d’entendre que 300 personnes sont mortes, à un quart d’heure de chez moi. 2333 : des sirènes. Partout ! 2359 : grosses secousses. Peux pas me reposer. Angoisse à chaque respiration. Restons forts ! 0014 : viens de sortir avec mon copain Dave. Jamais vu les étoiles si brillantes ! 0016 : des incendies partout ! 0127 : suis épuisé. Appris que 88 000 personnes ont disparu. Trop dur. »

Samedi 12 mars : « La plus grave crise nucléaire que le Japon ait connue »

A force de tanguer, le Japon vacille. Les sismologues ont enregistré plus de 200 répliques du séisme dont une très forte, supérieure à 7, et 24 répliques supérieures à 6. Autant de vrais tremblements de terre qui feraient chacun la une dans n’importe quel pays du monde. Cela commence toujours par quelques craquements dans un coin de l’appartement. Puis tout valdingue dans les pièces. Et l’immeuble se met à danser. En bas, en haut, à droite, à gauche… dix, vingt, trente secondes d’affilée. Terrifiant. Epuisant.

Une certaine panique commence à gagner Tokyo. Les télévisions diffusent en boucle des images de bateaux retournés, de maisons en suspension sur la boue. Une image montre un tourbillon gigantesque, d’un diamètre de 2 kilomètres, dans une baie. Il tourne, tourne, aspire tout, à la fois oeil du cyclone et gueule de l’enfer, trou noir qui emmène le monde dans les abysses des profondeurs. La capitale ressemble à une cité fantôme, les supérettes sont vidées, les hôtels pris d’assaut. Pas un piéton, plus une voiture. Les habitants s’enferment chez eux. Ou perdent un peu la tête. Dehors, une jeune femme à vélo porte un bonnet, un masque, des gants et… des lunettes de soleil en pleine nuit.

Parfois, une bonne nouvelle, minuscule mais réconfortante : un Japonais a été secouru à 15 km de la côte après être resté deux jours accroché à un morceau du toit de sa maison. Ou l’image d’un bus qui roule plus vite que la vague de boue qui talonne le conducteur dans le rétroviseur. Le gouvernement essaie aussi de rassurer en alignant les moyens déployés : 50 000 soldats, 300 avions, 20 destroyers et 25 chasseurs de reconnaissance. Plus les hélicoptères. Plus les moyens américains, la flotte, deux porte-avions. Plus l’aide étrangère, Australie, Corée du Sud, Chine, Singapour, Mexique, Allemagne, Royaume-Uni, France, toute l’Union européenne. Plus… quoi encore ? Ce qu’on veut ! Sauf qu’il y a eu une explosion dans la centrale nucléaire de Fukushima 1. Le toit du bâtiment abritant le réacteur du site s’est effondré.

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Et selon l’institut de radioprotection de sûreté nucléaire, «des rejets radioactifs très importants se sont produits simultanément à l’explosion du bâtiment ». Rien ne va plus. Les centrales nucléaires craquent. D’autant qu’une violente réplique de 6,8 vient de toucher la façade est du Japon. Et que la secousse principale, après étude, a été requalifiée de 8,9 à 9 ! Ce qui en fait un des quatre séismes les plus forts que le Japon ait connus depuis l’ère Meiji et le monde depuis l’an 1900 ! Qui peut résister à cela ? Le Premier ministre Naoto Kan parle d’un « désastre national sans précédent», peut-être pour expliquer que le séisme a déréglé les systèmes de refroidissement des deux réacteurs des centrales de Fukushima, au coeur de la zone sinistrée. Et sur le nucléaire, les Japonais n’ont plus confiance dans leur gouvernement, ni dans Tepco, l’opérateur Tokyo Electric Power, gérant les deux centrales, peu adepte de la transparence à chaque incident nucléaire.

Tepco avait le choix : sacrifier ses réacteurs endommagés ou attendre pour essayer de les sauver. «Le temps perdu provoque maintenant la plus grande crise nucléaire que le Japon ait jamais connue », dit un spécialiste nippon. Et le journal conservateur « Yomiuri », dans un éditorial au vitriol, stigmatise une gestion au ralenti, une communication précautionneuse : « Il y a de quoi s’interroger sur la manière dont le gouvernement a informé la population… » En clair, l’opérateur a joué le profit et le pouvoir a été piégé par sa volonté de ne pas affoler. Erreur. Les nouvelles venues du front nucléaire ont des allures de réactions en chaîne !

Dimanche, lundi, mardi…Explosion, radioactivité et nuage

A Fukushima, les sauveteurs en sont réduits à percer les murs et à injecter de l’eau de mer pour refroidir le système. A la centrale de Tokai n° 2, à 120 km au nord-est de Tokyo, une pompe du système de refroidissement est en panne. Deux explosions se produisent au niveau du réacteur 3 de Fukushima. Tepco n’exclut pas que le combustible du réacteur 2 soit un temps… entré en fusion. L’Agence de Sûreté nucléaire exclut un accident du type Tchernobyl, niveau 7 et parle de niveau 4 au Japon. A l’étranger, les évaluations sont plus proches du niveau 5, voire 6 ! Le mardi, nouvelle explosion liée à la présence d’hydrogène dans le réacteur 2 de Fukushima, puis incendie du réacteur 4, encore une explosion.

Cette fois, la Bourse s’effondre, perd 14%. Le pouvoir reconnaît que « le niveau de radioactivité a considérablement augmenté sur le site » et il demande l’aide de l’Agence internationale de l’Energie atomique. Vingt kilomètres alentour, 215 000 habitants sont évacués et les autres appelés à rester calfeutrés chez eux. Trois personnes habitant près de la centrale ont été irradiées. Après les couvertures et l’eau, les habitants commencent à rechercher des pastilles d’iode, utiles en cas de contamination. Et dans la capitale, les Tokyoïtes qui continuent à tanguer régulièrement dans leurs gratte-ciel apprennent que le niveau de radioactivité relevé dans la capitale est désormais supérieur à la normale. A Fukushima, les images de la centrale montrent un nuage, un dégagement de vapeur au-dessus d’un bâtiment : le réacteur n° 2 n’est plus étanche.

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A l’étranger, le niveau de l’accident est désormais porté à 7, à un niveau seulement de la fusion tragique de Tchernobyl.
Fukushima, Tokyo, le Japon tout entier… et maintenant le monde, tout le monde commence à oublier le terrible séisme et le tsunami. Brutalement, la compassion laisse place à l’inquiétude.

Comme si, à l’inverse du monstrueux tsunami, né dans les profondeurs de l’océan, qui a ravagé les côtes du Japon jusqu’aux premières montagnes, rien dans l’air ne pouvait arrêter un nuage maléfique inventé par les hommes.


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