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José “Pepe” Mujica, le président « le plus pauvre du monde »

publié le 14/05/2025 par grands-reporters

L’ancien président de l’Uruguay, est mort à l’âge de 89 ans. Il avait fait de la simplicité une ligne politique, de la modestie un acte de résistance

« Si tu veux une tasse de thé, il faut marcher 200 mètres »

La nouvelle a été annoncée par son successeur, Yamandu Orsi, dans un message empreint d’émotion : « Tu vas beaucoup nous manquer, cher vieux. »

Président atypique, guérillero repenti, militant inflexible, Mujica a marqué le début du XXIe siècle en incarnant un contre-modèle absolu du pouvoir. Pendant son mandat (2010-2015), il refusa les attributs du luxe, délaissa les palais officiels, et gouverna depuis sa modeste ferme en banlieue de Montevideo. « Il existe bien une maison pour le président, avec un parc et tout ce qui va avec : insupportable », confiait-il. « Si tu veux une tasse de thé, il faut marcher 200 mètres. »

« Cela fait 28 ans que je vis là »

En 2014, José Mujica reçoit une équipe de télévision française. Il est en survêtement. Derrière lui, une petite maison de 45 m² au toit de tôle, quelques chiens, un potager. Rien n’a changé depuis des décennies. « Cela fait 28 ans que je vis là », dit-il, comme s’il parlait d’un voisinage paisible, et non d’une présidence. « Et autant d’années que je n’ai rien changé à mon mode de vie. »

Son salaire de chef d’État, de 9 000 euros par mois, il en reverse 90 % à des œuvres sociales. Il garde 1 000 euros, « largement suffisant pour vivre », selon lui. Cet anticonsumériste convaincu rejette le superflu avec la même rigueur qu’un militant. Et il agit toujours en cohérence : refus des voitures officielles, pas de cortèges, pas de cérémonies superflues.

« L’humanité a besoin de plus de temps libre »

En 2024, un an avant sa mort, Mujica accorde un entretien au New York Times. Il y défend, une fois de plus, sa vision radicale du monde : « L’humanité a besoin de plus de temps libre. » À 88 ans, malade, il n’a rien perdu de sa verve. Un cancer de l’œsophage, diagnostiqué en mai 2024, s’est rapidement propagé. Il annonce publiquement que son corps ne peut plus supporter les traitements. Il s’éteint quelques mois plus tard.

Sa disparition suscite une vague d’émotion en Uruguay et au-delà. Jean-Luc Mélenchon, en France, salue « le courage et l’exemple » de Mujica. Car au-delà du personnage, il y avait une cohérence totale : entre les actes, les idées et le style de vie. Une rareté.

« Je ne suis pas pauvre. J’ai ce dont j’ai besoin »

Surnommé « le président le plus pauvre du monde », Mujica rejetait ce qualificatif. « Je ne suis pas pauvre. Pauvres sont ceux qui ont besoin de beaucoup. Moi, j’ai ce dont j’ai besoin. » Il a incarné une autre idée du pouvoir, à mille lieues du cynisme et de la mise en scène. Une vision presque anachronique, mais précieuse, fondée sur l’honnêteté, le refus de l’ostentation et la fidélité à soi-même.

José Mujica s’en est allé comme il a vécu : discrètement, dignement, sans renier un seul mot. Un homme debout, jusqu’au bout.


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