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La mémoire et l’oubli

publié le 13/03/2012 | par Jean-Paul Mari


Force du souvenir, rôle de l’oubli, troubles de la conscience, dégâts de la maladie d’Alzheimer… Révélations sur une machine prodigieuse, complexe et mystérieuse. Un dossier de Jean-Paul Mari

La mémoire nous fascine. A juste titre. Nous sommes ce que nous nous rappelons. Ce que nous ne voulons pas oublier. La mémoire est bien notre identité, notre histoire, elle donne un sens à notre existence, l’inscrit, la raconte, la transcende. C’est une machine prodigieuse, d’une incroyable complexité, dont la recherche fouille sans cesse les ressorts, les atouts et les fragilités.

Surprise ! Les nouvelles découvertes nous apprennent que la mémoire… n’existe pas. Qu’il y a bien des mémoires, spécifiques, et que chacune a sa fonction, irremplaçable. Les travaux montrent aussi le rôle crucial de l’oubli, dans le choix des souvenirs qui nous permettent de construire notre avenir. Celui qui soufre d’amnésie est aussi malade que celui qui se souvient de tout.

Mémoire et oubli… comment fonctionne ce couple délicat ? Pourquoi un souvenir s’efface-t-il ? Qu’est-ce que ce mal du siècle, le drame de la maladie d’Alzheimer qui tue un homme en le privant d’abord de sa conscience ? Peut-on lutter ou la mémoire est-elle condamnée à s’effacer ?

LE ROMAN DE L’ALZHEIMER

« Il n’est plus là… »

Charles F. avait autrefois une «mémoire scandaleuse». Avant d’entamer un voyage sans retour vers l’oubli

La maladie d’Alzheimer est la forme la plus fréquente de l’amnésie. En France, 900 000 personnes sont frappées de démence, dont 700 000 atteintes d’alzheimer. Contrairement à une idée reçue, la maladie ne touche pas une population de plus en plus jeune. Mais notre population vieillit et le diagnostic est de plus en plus précoce. Le processus est évolutif. Aucun médicament actuel ne guérit la maladie mais plusieurs traitements efficaces diminuent les troubles du comportement.
Terrible maladie. Comment un homme normal, aimant et intelligent voire brillant peut-il perdre peu à peu toute conscience du monde jusqu’à devenir un « mort-vivant » ? Récit d’une tragédie parmi tant d’autres.

CHAPITRE 1
Un patient pas comme les autres

Combien en avait-il vus entrer, anonymes, dans son cabinet, en vingt ans de consultation ? Des hommes, des femmes, encore jeunes ou d’un certain âge, brillants ou médiocres, riches ou pauvres, des « patients », comme si ces choses-là avaient un rapport avec la patience ! Avec le temps, oui, certainement. Celui qu’il faut au neurologue pour les soigner ou, en cas d’échec, le temps de la maladie qui les conduira vers leur mort. Il faisait encore frais, ce matin de printemps 1998 et l’homme, un nouveau patient, a déposé son écharpe de cachemire et son manteau d’alpaga.

Très élégant, mais sans ostentation, une élégance naturelle. Le maintien du corps, des cheveux blancs coupés court, un visage lisse, des yeux noirs extraordinairement agiles, et cette voix grave doublée d’une syntaxe à faire pâlir un honnête homme du siècle dernier. Capable de parler huit langues dont le latin, le grec ancien et l’hébreu. Solide, en plus. Sous le costume gris clair, les épaules sont larges, celles d’un athlète de 65 ans qui pratique la marche, le VTT et le ski.

«J’avais autrefois une mémoire scandaleuse… », dit l’homme calmement. Le neurologue ouvre un dossier au nom de « Charles F. », écoute et prend des notes. Le patient se plaint d’être moins attentif, d’oublier parfois d’éteindre une plaque chauffante dans la cuisine ou de ne plus savoir ce qu’il est venu chercher dans une pièce. «Subjectif…», note le médecin. Son rôle à lui est d’établir la réalité des troubles. Il sort sa grille de test MMS (Mini Mental Score), trente questions notées sur 30, ciblées sur les désordres spatiotemporels.

Au-dessous de la note 26, la pathologie devient sérieuse. Charles F. obtient 30/30. Un deuxième test consiste à apprendre une histoire et 8 chiffres, pour les restituer, à l’endroit et à l’envers. Résultat : 16/20 pour l’histoire, 8/8 pour les chiffres. C’est parfait. Le patient est inquiet, pas le neurologue. Il note : «Plaintes banales du vieillissement normal chez un homme intelligent et brillant. » Le spécialiste referme son dossier et s’attarde à bavarder avec son visiteur. PDG à la retraite d’une grande entreprise à l’étranger, Charles F. est d’une culture fascinante. C’est un homme de lettres, féru d’histoire et de philosophie, catholique pratiquant mais pas religieux, un esprit fervent de spiritualité qui disserte sur saint Paul ou Salomon et peut citer tout le début de la Genèse en hébreu.

« Connaissez-vous l’amiral d’Argenlieu ?» Et Charles F. de raconter l’épopée du grand chancelier de l’ordre de la Libération, officier en 1914, entré aux Carmes entre les deux guerres, rappelé en 1939, capturé par les Allemands, évadé, parti pour Londres où il deviendra un gaulliste historique, grand commis de l’Etat en Indochine où il négociera en tête à tête avec Hô Chi Minh avant de revenir dans les ordres, dans l’éclatante splendeur de l’obscurité des Carmes.

Le neurologue l’écoute, impressionné et troublé. D’emblée, une empathie intellectuelle s’établit. Et quand le patient reprend son manteau d’alpaga, le médecin regrette que la conversation d’une heure soit passée si vite.

Chapitre 2
Une ombre au tableau

Février 2000, l’hiver était froid, on sortait à peine de la grande peur du bug universel. Il l’a reconnu tout de suite. Toujours aussi élégant. Il est venu seul, «poussé par son épouse» et trouve que sa mémoire s’est dégradée. Il a raté un rendez-vous, oublie des noms et des dates, utilise des pense-bêtes et a dû demander son chemin sur un itinéraire pourtant habituel. Son MMS a perdu un point, 29/30. Rien de méchant mais le neurologue tique.

A force de s’occuper de ce genre de troubles, il a acquis une sorte de flair. Il sent un subtil fléchissement qualitatif et griffonne « MCI » sur le dossier. Mild Cognitive Impairment, une qualification de trouble cognitif léger établie par un neurologue américain pour désigner des patients à risques dont 10%, chaque année, développent la maladie. Le médecin demande immédiatement une IRM, une scintigraphie cérébrale et de nouveaux tests de psychologie. Le patient a du mal à calculer à l’envers et oublie le mot « castor » de la liste des animaux. On lui relit une petite histoire entendue deux ans plus tôt et il ne se la rappelle pas… Il se passe quelque chose. La consultation terminée laisse place à la conversation, pleine d’humour, sur ces gens qui jugent de tout sans savoir.

« «Ne sutor…» vous connaissez ?» lance Charles F. Une belle histoire racontée par Pline l’Ancien, au Ier siècle après Jésus- Christ. Un cordonnier observe la statue d’une femme et critique la sandale, mal faite. Le sculpteur ne bronche pas. Puis le cordonnier grimace devant le galbe du mollet et l’artiste s’emporte : « Ne sutor ultra crepidam !» (« Que le cordonnier ne juge pas au-delà de la chaussure !»).

Médecin et patient éclatent de rire, la phrase restera comme un leitmotiv complice, un code amical entre les deux hommes. Et le neurologue demandera régulièrement à son visiteur : « «Ne sutor… » allez, Charles, racontez-moi !»

Chapitre 3
Quand l ‘esprit chancelle

Janvier 2001. Que ces hivers sont tristes ! Charles est venu accompagné de sa femme. Suzanne est grande, mince, très brune, éprise de peinture et de son mari. Lui a conservé tout son savoir mais bute sur la vie quotidienne, se perd en voiture et peine à remplir les bordereaux de l’association dont il est trésorier. Le MMS ne permet plus le doute : 26/30. Charles a basculé. Il faut prononcer le mot.
– « Charles, cela ressemble à un début d’alzheimer.
– Je comprends. »
Il est calme, presque rassuré de savoir enfin la vérité.
«Je ne vous abandonnerai pas.
– Ah ! Bien. Merci. »

Le neurologue prescrit de l’Exelon (rivastigmine), l’un des quatre traitements de la maladie. «Dire que ces médicaments sont inefficaces est scandaleux ! peste le médecin. Es ne rajoutent pas des années à la vie mais ralentissent les symptômes et donnent du confort au temps qui reste. »

Septembre 2001, juin 2002, mars 2003. Le médecin voit désormais son patient tous les neuf mois. Dans un premier temps, les médicaments ont fait leur effet. Quelques nausées, des vomissements, mais un MMS remonté à 28/30, la reprise un peu trop intensive du VTT – Charles a chuté et s’est luxé l’épaule… – et une sensation de mieux-être : «J’ai retrouvé un peu de joie de vivre !», confie Charles. Suzanne, sa femme, lui a offert un livre de Bernard Bro qu’il dévore : « La beauté sauvera le monde ».

Même s’il ne prend plus de plaisir à fumer, il avale régulièrement des grilles de mots croisés et de sudoku. Et il continue à lire le latin dans le texte :
«Oh, pas César, c’est trop simple. Ni Sénèque, c’est devenu trop difficile. Je lis donc Tacite en latin. Et Thucydide, en grec. » Enervant, non ?
« Au fait, « Ne sutor… », allez, racontez-moi !»

Et Charles raconte. Les deux hommes sont devenus amis. Une fois l’an, le neurologue va dîner chez son patient. Dans la banlieue bourgeoise de la ville, la maison est belle et la terrasse donne sur les monts environnants. Cela ressemble à un film de Claude Sautet. On boit du Ruinart et du bourgogne, on mange du «canard à l’orange fait maison» avant de passer au salon fumer un Havane et parler musique, histoire et spiritualité.

L’heure n’est pas aux lamentations : «Je n’ai plus, c’est vrai, le dynamisme d’autrefois, mais j’ai retrouvé la foi», confie Charles. Pour son ami, il reste un interlocuteur de rêve. Mais le neurologue remarque qu’il lui arrive de poser plusieurs fois la même question.

Mars 2004. Charles a été obligé de réapprendre l’« Ave Verum » de Mozart, qu’il connaissait déjà. Sa mémoire ancienne commence à décliner. Plusieurs fois par jour, il pose la même question : « Mais quel jour est-on ? » Il n’a pas trouvé la marche arrière de la Clio alors qu’il était au volant… de son XM.

Les pense-bêtes sont devenus la règle absolue. Chaque poche de ses vêtements doit avoir une fonction précise : clés de voiture, clés de maison, papiers. «Le problème, c’est quand je change de costume», sourit encore Charles. Il ne fait plus les comptes, a abandonné le sport et sa réflexion est plus difficile. Pourtant, il affirme : « Ca va mieux, je le sens. » Sur son carnet, le neurologue note « anosognosie », en clair, la sous-estimation ou la négation de ses problèmes, les mêmes symptômes que ceux décrits récemment pour Jacques Chirac.

Septembre 2005. Son épouse vient, seule. Inquiète, elle raconte des erreurs de conduite en voiture, mais Charles refuse d’abandonner ce « rare plaisir ». Cet été, en vacances dans les Alpes, ils ont « marchoté ». Ils n’iront plus.

Chapitre 4
La marche vers l’obscur

Février 2006. MMS à 24/30. La barrière est rompue. Charles ne conduit plus, les mots croisés deviennent difficiles et il regarde le foot à la télé «pour ne penser à rien ».

Décembre 2006, mai 2007. Charles, lui-même, constate : «Il y a quelque chose de tordu dans ma tête. Je baisse lentement mais sûrement. » Il marche mal, mange trop, et l’ancien sportif a grossi de huit kilos. L’homme charmant est devenu irritable, grogne, s’est endormi en laissant échapper sa pipe allumée sur sa robe de chambre et ne raccompagne plus son médecin à sa voiture lors de leurs belles soirées. Le neurologue «broie du noir». L’homme en face de lui n’est plus le même. L’ami d’antan est en train de disparaître. Il n’ira plus dîner.

Suzanne l’appelle : «Cela devient aventureux…» Charles ne lit plus, devient confus et sa mémoire est encombrée de faux souvenirs. Il ne reconnaît plus certains visages, avale un deuxième whisky le soir parce qu’il a oublié en avoir déjà bu un et se montre difficile, « des heures de discussion pour qu’il fasse sa toilette !». Le temps n’a plus d’importance.

Octobre 2007, avril 2008. Qu’importent les saisons ? Charles est incontinent. Une infirmière fait sa toilette. Il a perdu toute prestance. Il doit vivre avec des couches, refuse d’avaler ses médicaments et il faut lui couper sa viande. Sa femme passe sa vie à son chevet, à le soigner et à le regarder s’étioler.

Lui somnole ou regarde « Star Academy » à la télévision. Il parle seul, se lance dans une phrase, s’interrompt, perd le fil. Son MMS est à 20/30. Voilà longtemps qu’il ne peut plus citer le début de la Genèse en hébreu. La consultation devient interminable. La gorge nouée, le neurologue tente :
«Au fait ! «Ne sutor…»
– Qu’est-ce que c’est ? Vous ai raconté quoi Ne m’en souviens pas. Désolé. »
Silence. Le médecin est bouleversé. D’autant que le bel esprit a parfois son chant du cygne, quand il sort subitement de sa torpeur pour rectifier un imparfait du subjonctif de Suzanne ou s’accroche à son ultime livre, les « Conférences » de saint Augustin, le chapitre 10, consacré à… la mémoire.

Octobre 2008. MMS à 17/30. Quand son médecin lui demande de recopier des pentagones, Charles trace avec difficulté une croix inégale. Le neurologue a écrit une dernière note sur son dossier : «Mon ami aie regard triste. » Les nuits de Charles sont pleines de cauchemars. Il commence à avoir des hallucinations et voit des chats partout dans la maison. Le soir, il faut le traîner vers son lit.

Charles résiste, s’accroche aux murs et une fois couché, lui, père de deux fils et grand-père de cinq petits-enfants, s’agite dans son lit, parle à ses parents décédés et s’endort en appelant «Maman !».

Septembre 2009, février 2010. La maison est vide d’amis. Suzanne, une infirmière et une auxiliaire de vie s’occupent du malade vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Charles veut absolument retourner vivre dans sa maison d’enfance. Il a dérobé une carte postale chez son fils, qu’il garde contre lui, «comme un doudou», dit Suzanne, les larmes aux yeux.

Lui ne dit plus rien ou parle seul, incohérent, monte et démonte sans cesse son stylo, grogne ou rit devant un match de foot, vouvoie son épouse, l’appelle Françoise, du nom de sa soeur, et lui demande sans cesse : « Qui êtes-vous ? Où est Suzanne Je veux Suzanne !»

Chapitre 5
Un mort-vivant

Juillet 2010. Il n’y aura plus de test MMS. A quoi bon ? Le dernier résultat donnait 0/30. D’ailleurs, la consultation est devenue impossible et seule Suzanne s’exprimait, à côté de son mari absent, ailleurs, affalé dans son fauteuil roulant et qui ne comprend plus de quoi on parle. Un mort-vivant. Après l’avoir observé, le neurologue-ami a refermé son dossier et il a constaté, bouleversé : «E n’est plus là. »

Suzanne a décidé d’abandonner leur maison, de quitter la ville et d’aller vivre avec Charles chez son fils, à Nice. Parfois, elle envoie un mot pour dire simplement qu’il y a «des moments difficiles…». Le médecin, lui, a continué à recevoir de nouveaux patients, sans pouvoir oublier «cet ami que la maladie lui avait offert avant de le lui enlever».

Et il garde, chez lui, comme un trésor, le livre offert par Charles, bien avant son grand départ : «La beauté sauvera le monde ».

N.B. les noms et les lieux ont été modifiés.

Les célébrités victimes d’alzheimer


– Charles Bronson, acteur (« Il était une fois dans l’Ouest », « les Douze Salopards », « Un justicier dans la ville »).
– Emil Cioran, philosophe et écrivain roumain.
– Bob Denard, mercenaire. A notamment opéré en Afrique.
– Peter Falk, acteur (« Columbo »), décédé en juin dernier.
– Annie Girardot, actrice (« Rocco et ses frères », « Docteur I Françoise Gailland », « On a volé la cuisse de Jupiter »), décédée il y a un an.
– Barry Goldwater, homme politique (conservateur, candidat à la Maison-Blanche).
– Rita Hayworth, actrice (sa fille créa la première association d’aide a. aux malades).
– Charlton Heston, acteur (« les Dix Commandements », « Ben Hur »).
– Willem De Kooning, peintre, plasticien.
– Ronald Reagan, ex-président des Etats-Unis.
– Sugar Ray Robinson, boxeur (champion du monde).
– Margaret Thatcher, 86 ans, ex-Premier ministre du Royaume-Uni.

« Une gauloise et un verre de rouge ? »

Les neurologues ont constaté que les fumeurs ne sont pas touchés, – en principe -, ou affectés plus tardivement par la maladie d’Alzheimer ou le syndrome de Parkinson. Observation à moduler par le fait que les fumeurs meurent, – en principe -, plus tôt que les autres. On sait aujourd’hui aussi qu’une consommation modérée mais régulière de vin, un ou deux verres par jour, peut retarder de quelques années la survenue de la maladie d’Alzheimer.

Les substances végétales du vin, associées à l’alcool, protègeraient les neurones de l’agression des radicaux libres, libérés à certaines étapes du fonctionnement cellulaire et qui altèrent nos membranes cellulaires. Les vertus du vin lutteraient donc contre le vieillissement précoce de nos neurones. Un adage, ancien, affirmait déjà : « Le vin est le lait des vieillards. » Et la cigarette, leur tétine ?

Interview

«SANS ELLE, NOUS N’EXISTONS PLUS…»

La mémoire a ses clés, sans cesse redécouvertes. Bernard Croisile, chef de service de neuropsychologie à l’hôpital neurologique de Lyon, en décortique le fonctionnement. Et les mystères.

Ainsi, d’après vous, un souvenir… n’existe pas vraiment !
Eh non ! Enfin pas tel que vous l’imaginez. Ce n’est pas une reproduction figée. Le souvenir n’est pas un livre rangé dans une bibliothèque mais plutôt des feuilles éparses sur les étagères, un ouvrage que vous devez recomposer en rassemblant les pages, une à une. C’est une reconstruction. Et à chaque fois, votre souvenir est réappris… mais fragilisé.

Il vaut donc mieux parler, au pluriel, de « souvenirs » ?
Chaque souvenir est un épisode de ma vie. « Hier, vendredi, j’ai fait une conférence à Saumur » : c’est un événement personnel, unique, avec un lieu, une date et riche d’émotions – bonne ambiance, retrouvailles avec des amis, nouvelles rencontres – donc un ensemble de souvenirs, très personnels. Pour les retrouver, je dois faire un effort volontaire, un « voyage mental dans le passé ». Pour la conférence d’hier, c’est facile, mais que faisiez-vous au milieu de l’été 1993 ? Là, le travail de la mémoire épisodique devient important. Il faut situer la période de vie – les années 1990 -, les événements généraux – l’été 1993 -, et le détail qu’on finit par retrouver. Résultat : en juillet 1993, je faisais du canoë-kayak au Canada avec mon cousin Antony et, au détour de la rivière, nous avons failli emboutir la masse sombre d’un énorme élan qui traversait… Tout un processus.

A l’opposé, si je vois la photo d’un élan sur un écran de télé, tout me revient d’un bloc, l’image, le son, l’odeur, la sensation. Ce surgissement, cette récupération rapide mais involontaire, c’est la « madeleine de Proust ». Il n’y a donc pas un souvenir figé, stocké tel quel, mais des éléments dispersés dans le cerveau.

Reconstituer un souvenir, l’opération paraît complexe…
… Et délicate. Si je reconstitue, j’expose. Je peux avoir un souvenir incomplet de l’épisode de « l’élan du Canada » et mon cousin Antony peut se rappeler un détail inexact, une page fausse, que je vais intégrer comme vraie à ma propre mémoire. C’est la fameuse histoire de Freud. Un ami lui expose sa « théorie sur les névroses ». Deux ans plus tard, Freud revoit son ami et, devant ses yeux ébahis, lui parle en toute sincérité de « sa » nouvelle découverte… la « théorie sur les névroses » qu’il s’est appropriée ! Cette distorsion s’appelle une « cryptomnésie ». Un souvenir peut donc être fragilisé, déformé, réappris.

Jusqu’au faux souvenir ?
Bien sûr ! Une expérience célèbre d’Elizabeth Loftus, psychologue américaine, place des étudiants face à un ordinateur avec ordre de ne jamais toucher la touche « alt » sous peine de faire planter le système. Ils ne le font pas, mais l’ordinateur est prévu pour bugger. « Vous avez appuyé sur «ait» ! – Euh. ..-Je vous ai vu !» Et 30% des étudiants vont « se souvenir » d’avoir fait l’erreur, et même raconter comment ils l’ont commise…

Adieu donc le souvenir ! Reste que la mémoire existe, elle ?
Pas plus… « La » mémoire n’existe pas. Nous savons désormais qu’il existe non pas une, mais des mémoires. D’abord celle qui permet d’apprendre une information nouvelle : « Frédéric II de Prusse a été battu à la bataille de Kolin » ou « Hier, j’ai failli mourir dans un accident de voiture… » Ensuite, il faut stocker ces informations, les encoder, les consolider. Par le sommeil, l’étude ou le récit. Raconter les choses, c’est les retenir.

Que sont devenus nos souvenirs éparpillés ?
Rassurez-vous, ils sont là, mais dans plusieurs stocks différents. Il y a : 1) les mémoires perceptives, c’est-à-dire la mémoire des formes ;

2) la mémoire procédurale, les gestes et les actions répétées : monter un escalier, faire un noeud de cravate, la natation, le vélo… Celle-là est dite « non déclarative » : « J’ai appris, je ne dis pas que je sais, je fais. » C’est une mémoire solide, très robuste – le vélo, cela ne s’oublie pas -, qui libère de l’espace mental. C’est ce que nous appelons la routine ;

3) la mémoire sémantique, celle des connaissances. Elle est dite « déclarative ou explicite » : « Je sais et je dis que je sais. » C’est la mémoire du savoir, de l’écolier et du savant. Je ne me rappelle pas où j’ai appris que « Joséphine a été la première femme de Napoléon » mais je le sais. C’est une mémoire du monde, assez solide, décontextualisée et pauvre en émotions. On peut avoir du mal à retrouver un élément de celle-ci – « avoir le mot sur le bout de la langue » – mais se rappeler une poésie apprise trente ans plus tôt ;

4) la mémoire épisodique, déclarative, celle des épisodes personnels, de nos souvenirs. Riche en émotions, fragile, autonoétique… j’ai conscience de moi. Il faut aussi évoquer une nouvelle mémoire, la mémoire autobiographique, un mélange transversal de mémoire épisodique et sémantique : « Je m’appelle, j’ai tel âge, je suis né, ma mère habitait à … », ce grand CV, ces faits du monde sur moi existent.

En France, Pascale Piolino, professeur de psychologie à l’université Paris-Descartes, a beaucoup travaillé sur le sujet. Qui suis- je ? Mon identité, c’est ce dont je me souviens et tous ces faits sur moi : « J’aime les arts, mon père est né dans le Pas-de-Calais… » Dans certaines maladies, les patients auront oublié les épisodes de leur vie mais pas ce qu’ils sont ; 5) enfin, il y a la mémoire à court terme, dite « mémoire du travail ». Fondamentale ! On me donne un numéro de téléphone, je le note et l’oublie aussitôt. Ou bien, s’il est important, je fais l’effort de l’encoder, de l’apprendre. C’est un système fragile, sensible au vieillissement, à l’alcool, aux médicaments, à la maladie, aux émotions.

Comme dans le film « Memento » où le héros oublie tout mais a conservé sa mémoire à court terme ?
Ah ! « Memento » est le meilleur film sur la mémoire que je connaisse. Le héros ne dispose plus que d’une mémoire de travail, de quelques minutes. Quand il raisonne, il note vite ses conclusions sur des papiers, photographie les lieux, se fait tatouer le corps… Ce qui lui permettra d’agir une fois tout oublié. Et on s’aperçoit à la fin du film que ces aide-mémoire forment un corset qui l’oblige à reproduire indéfiniment sa quête, donc sa vie.

Maintenant, la question qui fait peur… Quels sont les circuits de la mémoire ? Comment tout cela fonctionne ? [Voir infographie au-dessous.]
Là, il me faut parler d’anatomie du cerveau…

Aïe ! En effet… Bon, simplifions, disons qu’il y a deux systèmes différents, le circuit sensoriel et émotionnel. Le sensoriel permet d’apprendre le monde extérieur – « le ciel est bleu, il y a du vent, les oiseaux chantent, je lis un article ». Parfois, je reconnais quelque chose – l’air de « la Marseillaise » – ou je détecte une information inédite que je vais essayer d’apprendre. Tous ces signaux convergent vers les hippocampes droit et gauche, une zone corticale temporale, une structure enroulée en anneaux, en forme de cheval marin, de la grandeur d’un doigt.

L’hippocampe est la porte d’entrée de l’apprentissage. Aujourd’hui, on pense même qu’elle garde la trace du lien entre les informations – « le ciel est bleu ET il y a du vent… ». Elle ouvre sur un grand réseau, le « circuit de Papez », qui va expédier ces informations dans le lobe frontal pour un apprentissage plus organisé, intelligent. L’autre circuit, propre aux émotions, passe par l’amygdale, structure cérébrale en forme d’amande, qui reçoit des informations neurovégétatives (rythme cardiaque, sudation, respiration), sur les instincts (soif, faim, sexualité), le comportement (agressivité) et la peur. Tout converge vers l’amygdale – je vois une jolie fille, j’ai du désir sexuel, mon coeur bat plus fort, mes joues rougissent, mes mains sont moites, ma voix tremble… Voilà une émotion, non ? Toutes ces expériences sont mémorisables, les bonnes et les mauvaises.

Au point que chez les traumatisés psychiques de longue date, on a détecté une… augmentation du volume de l’amygdale !
Oui, parce qu’il y a un lien mnésique très fort entre l’expérience vécue et l’émotion ressentie. Je regarde la tour Eiffel, une bombe explose près de moi. Dorénavant, chaque fois que je verrai ou penserai à la tour Eiffel, la terrible émotion va resurgir. C’est une « madeleine de Proust », trop fréquente, voire permanente, sauf que la madeleine est empoisonnée ! Elle va investir ma vie mentale, mes nuits, mes cauchemars, provoquer des flash-back. D’autant que ce circuit émotionnel et le sensoriel, le circuit de Papez, sont parallèles mais interconnectés.

Où sont stockées toutes ces informations ?
Celles du circuit de Papez sont envoyées dans les régions postérieures du cerveau. Les informations visuo-spatiales, en clair, la mémoire des itinéraires, sont stockées dans le cerveau droit. L’IRM a montré que l’hippocampe des chauffeurs de taxi londoniens qui retiennent des milliers d’adresses et de chemins est surdéveloppé, surtout chez les chauffeurs expérimentés. En matière de musique, les artistes novices développent l’hémisphère droit, celui de l’émotion, et les experts utilisent plus le gauche, celui de l’analyse… Nous possédons une mémoire fabuleuse !

Et pourtant, on oublie !
Heureusement ! L’oubli joue un rôle capital dans la mémoire. A quoi bon vous rappeler que le 12 février 2005, vous portiez une écharpe jaune ? Ou se souvenir de tous les repas de votre vie ? Ce genre de « traces » sans intérêt s’estompe rapidement.

Il y a cependant des gens qui n’oublient rien.
Les pauvres ! Il y a des cas rarissimes de « mémoire absolue ». Dans les années 1920, en Russie, le rédacteur en chef d’un journal, convoque un de ses journalistes nommé Vienamin. Comment a-t-il l’audace de ne jamais prendre de notes pendant les conférences de rédaction ? En fait, Vienamin retient tout. Les conférences, les dates, les lieux, les calculs, etc. Il lit rapidement un livre une fois, le referme, apprend 400 chiffres en un clin d ‘ oeil et ressort le tout dix ans plus tard, à l’endroit ou à l’envers. Longtemps après un événement, il peut préciser la couleur des vêtements des gens, la marque des chaussures, la forme des nuages, l’odeur dans la maison… Tout !

Rapidement, il devient un animal de music-hall avant d’être obligé de se soigner. Il lui faut visualiser sa mémoire et faire un effort terrible pour l’effacer avec une éponge virtuelle : la détruire. Mais le réel l’a tellement envahi qu’il a fini par se réfugier dans son monde intérieur, enfermé dans une sorte de psychose. Un hypermnésique étouffé, miné, paralysé par trop d’informations. L’oubli, lui, nous permet d’être efficace.

Une façon de « faire le ménage » ?
De retenir ce qui nous est utile, ce qui nous ressemble.

Notre identité, c’est notre mémoire, et je la construis ?
Oui, la mémoire est notre identité, en dehors du spirituel qu’un neurologue ne traite pas. Je me rappelle ce que je veux être, ce que je pense être, ce qui m’est confortable, la vision que j’ai de moi. Des études ont montré qu’un dépressif se rappellera des histoires tristes à l’inverse d’un optimiste. J’essaie d’être en harmonie entre mes souvenirs et ce que je suis.

D’où les distorsions et les oublis ?
Exactement. En tant que neurologue, je suis surtout passionné par ce côté « infidèle » de la mémoire. On sait qu’on peut oublier mais on ne sait pas que notre mémoire n’est pas fidèle ! On s’en aperçoit en comparant les témoignages lors d’un procès, ou lors des divorces.

Qu’avons-nous découvert récemment ?
Une chose fabuleuse… Les zones du cerveau qui nous permettent de nous rappeler notre passé sont les mêmes qui nous permettent d’imaginer… notre futur ! Demandez à quelqu’un d’imaginer un scénario sur Bill Clinton et vous obtiendrez une construction pauvre qui ne mobilise pas vraiment les zones cérébrales. Demandez-lui d’imaginer son propre futur et toutes les zones de la mémoire s’enflamment !

L’imagerie cérébrale fonctionnelle a aussi démontré que l’organisation de la mémoire est beaucoup plus complexe qu’on le croyait, que 80% du cerveau sont impliqués dans le processus. Voilà pourquoi on n’aura sans doute jamais UN médicament de la mémoire. A quoi bon ? Il me ferait retenir des souvenirs sans intérêt ou néfastes à mon identité. Mes souvenirs sont à moi et c’est moi qui les construis.

Se souvenir, c’est oublier ?
C’est se rappeler ce qui m’intéresse… sans craindre de flirter avec l’oubli.

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H. M., l’homme sans mémoire

H. M. a eu une vie étrange. En 1935, à l’âge de 9 ans, il est renversé par un cycliste et connaît ses premières crises d’épilepsie. Si fortes que les convulsions généralisées mettent sa vie en péril. En 1953, un chirurgien américain enlève la zone du cerveau concernée, dont les deux hippocampes et les deux amygdales. Radical. L’épilepsie a quasiment disparu. Sauf que le patient, au réveil, ne se rappelle pas l’opération et ne reconnaît ni son médecin ni les infirmières. H. M. souffre d’une amnésie antérograde, une incapacité à se créer de nouveaux souvenirs. S’il se rappelle sa vie d’avant l’opération, il va passer les cinquante-cinq ans qui lui restent à tout oublier. Il range un objet et l’oublie immédiatement, lit inlassablement les mêmes magazines, raconte les mêmes histoires, ne reconnaît aucun des psychologues qu’il voit chaque jour et croit toujours faire une chose pour la première fois.

Pourtant, H. M. a une intelligence normale. Donnez-lui des chiffres à calculer, il les restitue. Quelques minutes après, le psychologue le félicite :» Bravo. Vous avez bien retenu les chiffres. – De quels chiffres parlez-vous ? – Dites-moi, comment faites-vous pour vous rappeler ? – Ah ! Je ne sais pas. Je ne m’en rappelle plus… » Les années passent. Face à un miroir, H. M. ne reconnaît plus ce vieillard, si loin du jeune homme qu’il croit être. Peu importe ! Il reste un homme gentil, sans besoins, sans vrais plaisirs, sans douleurs. Il faut lui rappeler de se raser, de se laver les dents, n’a jamais faim ou soif et oublie qu’il vient de manger. Il ne se plaint jamais, ne pense pas à signaler une rage de dents, reste indifférent à la douleur et ne ressent aucune libido…. H. M. n’apprend rien, ne retient rien. Hors du temps.

Une seule chose l’inquiète : « Que vient-il de se passer ? Je ne le sais pas. Chaque jour est le seul jour. C’est comme si je me réveillais d’un rêve. » H. M. – drôles d’initiales pour un Homme sans Mémoire – mourra à 82 ans d’une banale bronchite. Son cerveau, congelé, sera découpé en très fines lamelles dans un laboratoire de Californie, tenu par des boulons et des vis, et entièrement tranché au rasoir pendant cinquante-trois heures d’affilée, sous l’oeil d’une caméra. Et de milliers d’internautes qui suivront toute l’expérience. H. M. n’a pas fini de fasciner.

« Le numérique m’a tuer. »

Sept heures du matin, le journaliste allume son ordinateur. Un papier à écrire d’urgence : « Internet nous fait-il perdre la mémoire ? »…Étrange question posée par un chef nostalgique de l’odeur du plomb à l’imprimerie. Allons y ! D’abord, bien sûr, un coup d’œil sur les mails – une petite vingtaine dont trois urgents – , l’état du compte en banque – aïe !-, le blog personnel – l’audience chute, faudrait en écrire un bien polémique sur DSK ou Lady Gaga – et la météo qui annonce la pluie. Coup d’œil par la fenêtre, oui, il pleut. Déjà huit heures. Allez…D’abord, le cerveau : « Éminemment plastique, cet organe se serait déjà adapté à l’usage intensif des nouvelles technologies… » Tout est dit, non ? Il y a bien ces chiffres entrevus sur l’utilisation excessive des mails. Où sont-ils ?

Posons la question à Google. Dans les résultats, une vidéo. Voyons… « Pour lire cette vidéo, télécharger le plug-in ». Un, deux, trois clics. Télécharger- enregistrer-exécuter : « désolé, X221-7 ne peut pas lire cette…Allez sur l’aide en ligne. » Tant pis. Alors, ces chiffres ?…Bip ! Un sms : « Où es tu mon chéri ? Maman » Aïe ! Faudra répondre. Elle est capable d’appeler toute la journée. Les chiffres… Ah ! les voilà: « 6 salariés sur 10 passent plus de deux heures par jour sur leur boîte mail, 4 sur 10 écrivent plus de 100 mails par jour, 7 sur 10 disent vérifient leur messagerie toutes les 5 minutes. » Et celui-là, terrible : « Il faut 64 secondes, pour reprendre le fil de sa pensée après interruption par un message », un trou de mémoire de plus d’une minute ! Coup d’œil sur la boîte mail. Rien. Sauf une proposition récurrente « to enlarge your penis… ».

Bip ! Sms de la maison : « As-tu payé la femme de ménage ? ». Non, j’ai oublié. Bip ! Alerte Facebook. « 44 amis ont publié des statuts, liens et photos… ». Jérôme résiste et en profite pour se déconnecter de Tweeter. Nous avons une mémoire jetable. Et alors ? Quelqu’un a écrit que la lecture fragmentée sur le Web aboutissait à l’impossibilité de lire des textes longs. Autrefois, un livre en main, l’homme-grenouille s’immergeait en eau profonde. Il avançait au fond de l’eau au rythme de ses palmes, apprenant par coeur son carré d’océan.

Aujourd’hui, il surfe sur le net, incapable de parler de cette mer qu’il effleure. Il est déjà 14 heures. Et pas une ligne d’écrite. Tout faire à la fois, cela s’appelle le multitâches. Les internautes américains ouvrent en permanence 8 fenêtres sur leur écran d’ordinateur et passent de l’une à l’autre toutes les 20 secondes, à la recherche d’une « récompense », moins attentifs que …les fumeurs de marijuana ! L’ère de la distraction perpétuelle pour obèses mentaux devenus des abrutis numériques ? La plasticité du cerveau est limitée, l’aire préfrontale ne peut accomplir qu’une tâche à la fois, l’idée du « jongleur-cognitif » est une vue de l’esprit.

Le journaliste tape « multitâches » sur Google…et voit défiler des pubs, comme tout internaute, exposé quotidiennement à 15000 « stimuli consuméristes ». Bip ! Sms : « Où es tu mon… » Assez, maman ! Il est déjà dix-sept heures. Comment muscler sa mémoire ? Il y a bien des programmes de jeux vidéos, « Rajeunissez votre mémoire », dont le succès chez les seniors fait exploser les recettes de Nintendo. Sauf que les exercices proposés ne renforcent qu’une forme de mémoire. « Si vous musclez uniquement votre jambe droite, n’espérez pas obtenir tous les bienfaits du sport » ironise un neurologue. On le sait maintenant, il n’y a pas une mais des mémoires.

Pour les entretenir, il faut travailler toutes les gammes : lire des livres, apprendre par cœur, mémoriser des chiffres, regarder la télévision, faire des mots croisés, avoir une vie sociale et… pratiquer la méditation. Et ne pas tout confier à une mémoire numérique, comme le font 73% des internautes. Le journaliste regarde sa montre. Encore une machine infernale qui nous dit quand se lever, manger, travailler ! Il est déjà 19H00. Bip ! Dernier rappel de l’agenda numérique : «Envoyer l’article sur Net et mémoire avant demain… ». Il l’avait presque oublié.

A LIRE :

– « TOUT SUR LA MEMOIRE » par Bernard Croisile, Odile Jacob. Une bible claire et pédagogique.

– « AVENTURES AU COEUR DE LA MEMOIRE » par Joshua Foer, Robert Laffont. L’art et la science de se souvenir de tout.

– « ANNIE GIRARDOT : LA MEMOIRE DE MA MERE » par Giulia Salvatori, Michel Lafon. Le récit du drame d’une mère vu par sa fille.

« INTERNET REND-IL BETE ? » par Nicholas Carr, Robert Laffont. Réapprendre à lire et à penser dans un monde fragmenté.

A VOIR :

– «MEMENTO», de Christopher Nolan. Un film culte.
– « L’HOMME SANS PASSE » d’Ari Kaurismäki.


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