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Le méchant roi et le vilain bouffon

publié le 08/06/2025 par Jean-Paul Mari

Entre les deux, la guerre est déclarée, brutale, vulgaire, sanglante. L’un menace de ruiner son adversaire, l’autre l’accuse d’être compromis dans le scandale sexuel Epstein

« Tu n’es pas le président, tu dois t’en aller »

C’était au temps où le roi présentait son bouffon à la cour, dans le Bureau ovale de la Maison-Blanche, face aux caméras. Elon Musk, debout, casquette à l’envers sur la tête, faisait son numéro, son fils sur l’épaule – à défaut de petit singe savant médiéval –, un gosse de cinq ans prénommé poétiquement X AE A-Xii, et surnommé « Little X ». Le roi Trump, assis, écoutait avec plaisir son nouveau chevalier du DOGE (Département de l’Efficacité Gouvernementale) expliquer comment il allait économiser 2 000 milliards d’écus-dollars en limogeant tout un tas de fonctionnaires inutiles. En ce temps-là, le roi adorait son bouffon : « Elon fait un travail colossal », même si « Little X », aussi impudent que son papa bouffon, avait lancé à Trump : « Tu n’es pas le président, tu dois t’en aller. »

« Il y a deux rois-soleil et seulement un seul ciel »


Nous sommes le 11 février de l’an 2025, en pleine lune de miel entre Trump et Musk. Ce dernier, magicien de la tech et ex-supporter d’Obama, a subitement rallié Trump après la tentative ratée d’assassinat contre le candidat. Il a passé à ses côtés la soirée électorale dans la résidence de Mar-a-Lago, en Floride. Musk, l’homme le plus riche de la Terre, possède le réseau X (ex-Twitter), le réseau Starlink utilisé par les militaires, et SpaceX, qui contrôle 60 % des satellites du monde. Évidemment, il a contribué au financement de la campagne et donc à l’élection de Trump. Et, lors de son investiture, le généreux donateur occupait une place de choix parmi les invités. Un bouffon qui commence à briller un peu trop. Steve Bannon, ancien conseiller ultraconservateur de Trump, remarque : « Il y a deux rois-soleil et seulement un seul ciel. »

Musk veut aller sur Mars pour sauver l’humanité

Derrière les messages d’amour, tout oppose les deux hommes. Musk, ce « bouffon dopé à la kétamine », comme l’a qualifié un sénateur français, veut aller sur Mars pour sauver l’humanité, après avoir auparavant détruit l’État fédéral US et cassé toutes les agences de régulation. C’est un libertarien qui veut détruire l’État. Or, le roi de ce royaume, l’exécutif, c’est Trump. Drogué lui aussi, mais à l’ego, diagnostiqué comme un « narcissique malfaisant » que rien ne doit arrêter.

« Trump n’aurait pas été élu sans moi »

rois mois plus tard à peine, le bouffon n’est plus drôle du tout. Son DOGE a renvoyé des serviteurs indispensables du royaume et fait peu d’économies : 275 milliards, sur les 2 000 prévus. Le remède est pire que le mal. D’autant que son image a beaucoup souffert. Tesla, sa société-phare de voitures électriques, a perdu 14 % en Bourse et 71 % de ses bénéfices. Pire : « la grande et belle loi budgétaire » du roi Trump creuse le déficit, supprime des crédits d’impôt à ses voitures, prend aux pauvres pour faire des cadeaux fiscaux aux entreprises… « Une abomination », clame Musk, qui entre en guerre ouverte avec son prince. Et l’affronte : « Trump n’aurait pas été élu sans moi. »

« Il est temps de lâcher la bombe! »

Le roi, méprisant, traite le bouffon de « fou » et menace de lui couper la manne fabuleuse de ses contrats nationaux. « Il est temps de lâcher la bombe », réplique Musk, en affirmant publiquement que Trump figure dans les « dossiers Epstein », énorme scandale sexuel, raison pour laquelle ils n’auraient pas été publiés. Le roi, lui, décide de le bannir en demandant à son administration d’enquêter sur son bouffon drogué et sur « la nationalité du Sud-Africain Musk ».

La guerre est déclarée, brutale, vulgaire, sanglante, aussi violente que leur passion toute récente. Entre le bouffon qui voulait être roi, et le roi qui ne souffre que les bouffons.


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