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Les Cent Premières Années de la vie de Nino Cochise

publié le 11/05/2025 par grands-reporters

En ces temps tristes à en mourir, il est bon de rêver à une époque où l’on affirmait que « c’est un beau jour pour mourir ». Cochise, Geronimo, Theodore Roosevelt, l’Arizona, le peuple apache… laissez-nous rêver, merci

Une mémoire apache contre l’oubli

Les Cent Premières Années de la vie de Nino Cochise remet en lumière un témoignage hors du commun. Ce livre, paru initialement en 1971 aux États-Unis et traduit en français dès 1973, se présente comme l’autobiographie de Ciyé « Nino » Cochise, petit-fils du célèbre chef apache Cochise, recueillie par Kinney Griffith. Cent ans, un siècle d’histoire, et quelle histoire!

La mémoire des Apaches

Mythe ou légende ? Des esprits chagrins feront remarquer que le livre a été écrit au moment où Nino Cochise avait cent ans et une mémoire plus romantique que réelle ; d’autres, encore plus pointilleux, affirment que Taza, le fils de Cochise, aurait eu peu d’enfants. Évidemment, si l’on s’arrête à des détails…

L’intérêt, et la force du livre, ne sont pas là. Ils résident dans la force documentaire d’un ouvrage qui nous fait plonger dans un monde oublié, au plus près d’un homme au destin forcément extraordinaire, où la saga personnelle rejoint la grande Histoire. Où peut-on lire aujourd’hui le récit direct et personnel de la bataille sanglante contre les bandits de Basaranca pour la possession d’une mine ? Avec flèches enflammées, l’os de fémur de Dee-O-Det et le six-coups de Jim Ticer, un Peacemaker Colt .45 ?

Au « paradis du bastion caché »

Nino Cochise affirme être né en 1874 sur la réserve chiricahua d’Arizona, alors que son grand-père Cochise menait une résistance farouche contre l’armée américaine. À seulement deux ans, en 1876, il aurait vécu l’épisode tragique de la déportation des Chiricahuas vers la réserve de San Carlos. Sa famille et un petit groupe de 38 Apaches profitent d’une nuit pour s’enfuir et se cacher au Mexique. Là, dans la Sierra Madre, ils fondent une communauté secrète baptisée Pa-Gotzin-Kay, « le paradis du bastion caché ». Officiellement, ces évadés n’ont jamais existé – sur la réserve, on les appelait simplement « The Nameless Ones » (« ceux qui n’ont pas de nom »), surnom destiné à ne pas attirer l’attention sur eux. Nino raconte comment, élu chef à 15 ans, il a mené ce groupe d’Apaches libres pendant des décennies, tout en côtoyant des figures aussi variées que Geronimo (présenté comme son oncle), le chef Naiche, l’éclaireur Tom Jeffords (ami de Cochise), ou encore le président Theodore Roosevelt.

Le récit foisonne d’anecdotes sur la survie de ce clan clandestin : relations parfois pacifiques avec des éleveurs anglo-américains, batailles contre les soldats mexicains de Porfirio Díaz, exploitation discrète d’une mine de « fer jaune » (or), etc.

Un guerrier désenchanté par l’homme blanc

Nino évoque, par exemple, le sort des Chiricahuas restés aux États-Unis, traqués jusqu’à la reddition de Geronimo en 1886 et expédiés en exil loin de leur terre. Lui et les siens, isolés dans leur refuge de montagne, observent de loin la fin des guerres indiennes.Puis, le monde change : leur micro-société finit par se disperser au début du XXe siècle. Nino Cochise, curieux de la civilisation occidentale, apprend l’anglais, adopte le café et les pêches en conserve des « gringos », sans renier les danses de la victoire ni la firewater (alcool) de sa culture. Irrévocablement désenchanté vis-à-vis de l’homme blanc après bien des désillusions, il n’en garde pas moins quelques amitiés fidèles.

Ses aventures l’emmènent jusqu’à Hollywood dans les années 1920-1930 : l’Apache centenaire raconte ainsi avoir travaillé comme acteur et conseiller en image d’Épinal du Far West, avant de finir ses jours paisiblement en Arizona. Cette traversée du temps donne au témoignage une dimension presque épique, entre western authentique et mémoire d’ancien combattant.

La dernière voix

« On a tellement envie d’y croire ! Ce livre est tout à fait singulier dans le sens où il est très bien écrit, avec une pléthore de détails et des expressions apaches véritables. », a dit une libraire. Au final, Les Cent Premières Années de la vie de Nino Cochise serait-il le témoignage subjectif d’un homme au destin extraordinaire, mêlant souvenirs véridiques, exagérations folkloriques et silences éloquents ? Sans doute. Dont acte. Et peu importe !Allez ! Rêvons. Et plongeons dans ce récit d’un autre temps. « C’est un beau jour pour le lire. » Ugh !

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