Liban. « L’escalade sans fin de Netanyahou », par Agnès Levallois
Bombardements massifs, villages détruits, assassinat d’Hassan Nasrallah et d’autres responsables politiques. Que restera-t-il à Israël pour négocier l’après-guerre?
Après la bande de Gaza, le Liban. Benyamin Netanyahou est engagé dans une guerre meurtrière contre ses voisins. La bande de Gaza est rasée, sa population est en état de survie, mais Israël n’a pas encore atteint ses objectifs de guerre, à savoir le retour des otages israéliens retenus par le Hamas et la destruction du mouvement islamiste. Avec l’assassinat de Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah, il possède son trophée de guerre. Mais ce n’est pas suffisant. Pour atteindre ce but, les villages du sud Liban ont été détruits, et des milliers de combattants du Hezbollah ont été tués ou gravement blessés lors des attaques avec des drones et des talkies-walkies.
Aujourd’hui, il est question d’un million de Libanais ayant quitté leurs maisons, tentant de trouver refuge ailleurs dans le pays ou même en Syrie, un pays dont la stabilité est loin d’être assurée. Rien ne semble pouvoir arrêter l’armée israélienne, surtout lorsqu’on entend la déclaration de Joe Biden, qui considère que l’assassinat de Nasrallah était « une mesure de justice pour ses nombreuses victimes, dont des milliers de civils américains, israéliens et libanais ».
Netanyahou déclare, lui, que l’État hébreu a « réglé ses comptes, que Nasrallah n’était pas un terroriste comme les autres. Il était LE terroriste ». Ces propos confirment ce que l’on sait : Israël est engagé dans une vengeance depuis le 7 octobre 2023, vengeance contre le Hamas, contre le Hezbollah qui a soutenu le mouvement islamiste palestinien, et même contre les Houthis au Yémen. Mais une fois les responsables de ces mouvements tués, Israël pense-t-il vraiment pouvoir vivre en paix et en sécurité ?
Car cette stratégie guerrière n’est suivie d’aucune réflexion politique pour l’après. En effet, Ismaël Haniyeh, chef du Hamas, a été éliminé lors de son séjour à Téhéran alors qu’il était l’homme de la négociation pour obtenir un cessez-le-feu à Gaza. Il a été remplacé à la tête du mouvement par Yahya Sinouar, considéré comme plus dur. Il en va de même pour Hassan Nasrallah, qui était également un homme politique et savait quand négocier. Il avait déclaré à plusieurs reprises ces dernières semaines que les tirs de son mouvement contre Israël s’arrêteraient dès qu’un cessez-le-feu serait conclu à Gaza, cessez-le-feu que Netanyahou ne voulait pas pour poursuivre sa/leurs guerres.
Encore une fois, lorsque les armes se tairont, les autorités israéliennes pourront dire que la voie militaire était la seule possible, car elles n’ont pas d’interlocuteur avec qui négocier une solution politique. Ce scénario a déjà eu lieu avec l’Autorité palestinienne. Israël n’a cessé de délégitimer Yasser Arafat, favorisant l’ascension de Mahmoud Abbas, et une fois celui-ci à la tête de l’Autorité palestinienne, tout a été fait pour l’affaiblir.
Cette stratégie peut sembler être un succès pour Israël, qui a renversé le rapport de forces en sa faveur, mais c’est une vision très à court terme, car la violence des bombardements à Gaza et au Liban aura de lourdes conséquences sur les sociétés.
Et maintenant ? La crainte porte sur la Cisjordanie, qui est le véritable enjeu de ce gouvernement, en particulier pour ses membres représentant l’extrême droite et les colons. Ces derniers entendent bien profiter du chaos actuel pour poursuivre la colonisation, terroriser les Palestiniens afin de les pousser à partir et s’approprier l’ensemble des terres. Le sentiment de toute-puissance qui s’est emparé de cette équipe gouvernementale laisse craindre le pire pour les semaines, les mois et les années à venir.
Agnès Levallois, auteure de Le Livre noir de Gaza, Le Seuil.