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LIBYE: Papy fait de la résistance

publié le 11/10/2011 | par Jean-Paul Mari

Après toute une vie gâchée par « le diable », Lamine, à 58 ans, retrouve du sang neuf auprès des combattants à 30 km de Syrte.


Il faut le voir arpenter le check-point « Talatine », – trente en arabe, comme les 30 kms qui le séparent de Syrte -, la base de départ pour la ligne de front. Un mot gentil ici, un encouragement là, une tape sur l’épaule des plus jeunes. Et toujours, quand un pick-up démarre en direction des combats, une requête au chef de groupe pour qu’il l’emmène avec eux, au feu. Lui est prêt, toujours prêt.

« Quand le diable est arrivé… »

Lamine a déjà 58 ans, en paraît 70 mais il porte beau, barbe fleurie, corps mince et démarche souple. D’ailleurs, il sait manier les armes et aimerait bien le prouver face aux loyalistes de Kadhafi assiégés dans les murs de Syrte. « J’avais seize quand le diable est arrivé ! » Seize ans en 1969 quand un groupe d’ »officiers unionistes libres », influencé par les idées de Nasser, profite d’un séjour à l’étranger du roi Idriss pour faire un coup d’état et abolir la monarchie. A leur tête, un homme, pâle et ambitieux, va rapidement s’imposer comme le leader, un certain Mouammar Al Kadhafi…

Un insigne d’argent

« Quelle erreur ! » enrage le vieux Lamine qui montre l’insigne d’argent, symbole de la monarchie, agrafé sur son béret noir. Il le gardait caché chez lui depuis quarante deux ans. Aujourd’hui encore, il rêve de l’ancien royaume crée après l’indépendance. En oubliant que la population comptait alors 94% d’analphabètes, que le pétrole découvert en 1956 était aux mains des Américains, les bases militaires occupées par le Royaume-Uni et que la dynastie Sanussi était fragile, déchirée entre la Cyrénaïque et la Tripolitaine. Unité nationale fragile, malaise social, nationalisme et ressentiment envers l’occident ont fini par avoir raison du vieux roi.

La dernière citadelle

Aujourd’hui, après quatre décennies d’une dictature sanglante, Kadhafi, que tous les Libyens surnomment « l’ébouriffé », en fuite, se cache quelque part dans le désert où il continue à délirer à voix haute sur la « victoire finale ». Et ses derniers fidèles mènent une bataille du désespoir derrière les murs criblés d’obus de Syrte, la dernière citadelle. Et après 42 ans d’obscurité et toute une vie gâchée, le vieux Lamine, au contact des combattants, a retrouvé un sang neuf : « Aujourd’hui, j’ai 16 ans à nouveau ! »


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