Netanyahou, l’incendiaire
Au risque d’entrainer l’Iran et toute la région dans une spirale infernale, le Premier ministre israélien ne connait que la guerre comme méthode et tactique. Mais aucune stratégie

La guerre perpétuelle est une tactique, ce n’est pas une stratégie. En tout cas, pas pour Netanyahou en vue d’ aboutir à un plan de paix au Moyen-Orient. Netanyahou ne veut pas la paix. Avec la paix, il serait déjà devant un tribunal. Il veut simplement, avec acharnement, rester au pouvoir. Et sa tactique est donc de souffler aussi fort sur les peurs des Israéliens que sur les braises de l’incendie.
Pour mémoire, après le 7 octobre 23, Netanyahou a promis de détruire le Hamas et de libérer les otages. Il a en partie détruit le Hamas, affamé et massacré les civils palestiniens, 55 000 morts, 127 000 blessés, dont 60–70 % de femmes et d’enfants, et continue de bombarder pour « libérer les otages ».
Gaza brûlait déjà quand il a attaqué le Liban du Hezbollah, tué son chef Hassan Nasrallah, rasé des pans entiers de villes, signé un cessez-le-feu qu’il n’a pas respecté et continué à bombarder quand bon lui semble. On l’oublie parfois, mais Netanyahou frappe aussi en Syrie, à Damas et à Alep, des dizaines de frappes, et occupe de larges zones tampons sur le Golan syrien.
Tout cela ressemble à un scénario parfait, un grand jeu vidéo géopolitique où on admire l’aviation et les missiles israéliens semer le feu et la mort, en s’extasiant sur l’ingéniosité des services secrets capables de monter des coups tordus sophistiqués et redoutables contre les barbus d’en face.
Restait l’Iran. Là aussi, Netanyahou a utilisé la même méthode, 200 avions israéliens, des drones infiltrés, des hauts dirigeants de l’armée et des gardiens de la Révolution éliminés… Bis repetita. Certes, on doit légitimement s’inquiéter de la mauvaise volonté des mollahs de disposer de l’arme nucléaire. Et vouloir l’interdire. Surtout quand on habite Jérusalem à deux pas de Téhéran. Mais y avait-il une urgence absolue ?
Les Israéliens ne cessent de répéter que l’Iran était à quelques jours de la bombe – on a l’impression de revoir Colin Powell agiter sa fiole à l’ONU – mais le réel est plus complexe. L’Iran possède l’uranium et les centrifugeuses et se trouve effectivement « à quelques jours » de produire de l’uranium militaire. Il lui manque le montage, l’assemblage, le vecteur, d’une arme opérationnelle. Ce qui demande entre 3 et 6 mois, et pas pour une bombe larguée par avion, archaïque, mais un missile.
Urgence absolue ? Quand Trump est assis à une table en train de négocier directement avec les mollahs qui ont annoncé le 9 juin une contre-proposition, que les deux camps préparent un sixième round de discussion, et qu’un rendez-vous est pris entre les États-Unis et l’Iran à Oman, à Muscat, ce week-end du 15 juin 2025 ? Ce jeudi 12 juin, Trump déclarait publiquement qu’il ne souhaitait pas qu’Israël frappe l’Iran, car cela « pouvait faire échouer les négociations en cours »… La nuit suivante, Israël lançait « Rising Lion » , ( « l’ascension du lion », symbole fort dans l’histoire juive, tribu de Juda), avec 200 avions pour frapper les installations nucléaires et les bases antimissiles.
Pris de court, Trump a affirmé qu’il avait été… tenu au courant. Merci. Puis, perdu, il a qualifié l’opération « d’excellente » en affirmant qu’il avait lui-même fixé un ultimatum expirant de 60 jours. En réalité, Netanyahou a piétiné Trump. Et le petit Israël se fiche de l’Amérique du grand blond décoloré. On percevait Trump comme un dirigeant puissant et imprévisible, on a un dirigeant erratique et inapte.
Évidemment, les Iraniens ont répliqué et on se promet, des deux côtés, à coups de phrases rhétoriques ronflantes, une mutuelle fin des temps. Sauf que cette fois la guerre risque fort de durer très longtemps, et de coûter très cher, et que l’Iran est un grand pays qui a connu dix ans d’une épouvantable guerre Iran-Iran. Les Israéliens risquent fort d’être condamnés à redescendre souvent dans leurs abris.
Quant à Netanyahou, qui a eu, sans surprise, l’audace de dire que cela allait « accélérer la libération des otages », il a appelé le peuple iranien à faire chuter le régime. En sachant que le sien, coagulé grâce au sang d’une guerre perpétuelle, a de beaux jours devant lui.
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