« Non au procès. Oui à l’expulsion immédiate » pour Thomas Dandois et Valentine Bourrat
Journalistes français en prison en Indonésie. Expulsion ou procès, la course contre la montre est lancée pour Thomas Dandois et Valentine Bourrat.
L’acharnement policier, l’intention de poursuivre, de gonfler le dossier à charge, de monter un procès, de faire passer des journalistes pour des activistes, la volonté de faire un exemple, de dissuader les reporters et les journalistes de s’intéresser à ce qui se passe en Papouasie Occidentale, un territoire fermé depuis 1969 et qu’à l’évidence, on veut rendre hermétique…voilà ce qui caractérise la situation – peu ordinaire ! – dans laquelle se trouvent Thomas et Valentine.
Un mois et demi que nos deux confrères, sont détenus à Jayapura, en Papouasie occidentale. Et ils sont menacés d’une peine maximum de 40 000 dollars d’amende et de …cinq ans de prison !
Leur crime ? Thomas et Valentine sont journalistes. Une qualité que les autorités ont, au départ, voulu leur contester. En essayant de leur avouer qu’ils n’étaient que des activistes venus participer à des «activités subversives» avec les rebelles séparatistes de cette partie de l’île.
Oui, Thomas et Valentine, reporters et documentaristes envoyés par l’agence de production Memento, qui a pignon sur rue à Paris, étaient venus effectuer un reportage sur les conditions de vie locales et les revendications séparatistes des Papous, en vue d’un film à diffuser sur la chaine franco-allemande Arte.
Oui, ils sont entrés sur le territoire avec un visa de tourisme. Et pour cause. Comme le rappelle RSF, « depuis 1969, les autorités indonésiennes limitent drastiquement l’accès des journalistes étrangers à cette zone du pays, où des mouvements de rébellion sont fortement réprimés ».
Oui, ils faisaient leur métier de journalistes.
Oui, ils sont donc en infraction par rapport à l’immigration.
Sauf que…
Ce cas s’est déjà produit dans le passé. Au même endroit. Avec d’autres journalistes. Et cela s’est toujours traduit, comme sanction, par une expulsion immédiate.
Pas cette fois.
Nos confrères ont été immédiatement emprisonnés dans les locaux de l’immigration. Avec menace d’être transférés dans les cellules de la police dont le chef local se montre particulièrement attaché à les perdre. Dans l’enquête de la police, toujours en cours, il est toujours question d’alourdir le dossier avec des accusations de « subversion », de « déstabilisation » et de « propagande anti-indonésienne »… rien de moins !
Le dossier est maintenant entre les mains du procureur qui doit décider s’il y a matière à procès. Or, il faut savoir qu’un procès là-bas signifie quinze semaines de débats avec une audience par semaine. Au mieux, s’ils étaient relaxés à l’issue, nos deux confrères, Thomas, 40 ans et Valentine, jeune femme de 29 ans – fille de Patrick Bourrat mort en 2002 en reportage au Koweït pendant la guerre d’Irak – auraient passé plus de six mois en détention. Au mieux…parce que le seul délit sur l’immigration est passible d’une énorme amende et de plusieurs années de prison, jusqu’à cinq ans ! Sans compter, on l’a dit, que la police locale travaille à nourrir d’autres charges. C’est énorme.
Au point que deux associations de la presse indonésienne ont, dans une conférence de presse, demandé la « libération immédiate » de Thomas et Valentine. L’Alliance des Journalistes Indépendants d’Indonésie (AJI) a déclaré que leur arrestation « s’ajoute à une longue liste de manquements » du gouvernement « au maintien de la liberté de la presse sur tout le territoire de l’Indonésie et de l’absence à l’information et à la sécurité des journalistes en Papouasie ». Cette arrestation « contredit la liberté apparente de l’information » en Indonésie a encore souligné l’AJI qui a appelé à « la libération immédiate de Danois et Bourrat ».
Quand à la la FIJ (branche Asie), elle a pour sa part également exhorté l’actuel président Susilo Bambang Yudhoyono, en fin de mandat, à « ordonner la libération immédiate de Thomas Dandois et Valentine Bourrat et leur permette un retour sain et sauf dans leur pays ».
Ces interventions sont bienvenues, alors que depuis le début de l’affaire, la police accumule des informations négatives, relayées avec zèle par une partie de la presse nationaliste et islamo-conservatrice, qui ne rechigne pas à noircir le tableau sur les « journalistes étrangers et malveillants ».
Le problème crucial? C’est le temps.
L’AJI, dans son communiqué, souligne que le président actuel de l’Indonésie est en fin de mandat. Le nouveau président élu, Jokowi, issu d’une nouvelle génération d’hommes politiques sans lien avec le passé, réputé libéral et ouvert aux réformes démocratiques, est favorable à la visite de reporters étrangers en Papouasie occidentale. Un travail qui deviendrait alors légal, normal. Sauf que le nouveau président élu ne prendra ses fonctions que…le 23 octobre. D’ici là, vers le 13 octobre, le procureur aura décidé s’il y a matière à procès. Et une fois la machine juridique lancée et le procès commencé, plus personne ne l’arrêter. Avec les risques d’un verdict alourdi par de nouvelles charges. À la merci des juges et de l’opinion.
Une équipe présidentielle en place sur le départ. Une autre à venir qui n’est pas encore aux manettes. Un chef de la police locale, soldat en guerre féroce contre les séparatistes et déterminé à accabler les reporters étrangers…Thomas et Valentine risquent de payer cher cette vilaine conjoncture.
D’où l’inquiétude des familles et du comité de soutien, jusqu’ici discret en misant sur la négociation et la modération, et qui ont décidé de tirer la sonnette d’alarme. À juste titre.
Il faut maintenant dire aux autorités indonésiennes à quel point la tenue d’un procès nuirait à l’image du plus grand pays musulman du monde et de la première économie d’Asie du Sud-Est.
Et se mobiliser. Pour dire « Non au procès. Oui, à l’expulsion immédiate ».
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