Otages: Les miraculés du Cameroun
L’enlèvement des Moulin-Fournier montre que les groupes du Sahel, qu’ils soient islamistes ou malfrats, considèrent le rapt d’Occidentaux comme l’une de leurs meilleures armes
C’est fini. Après deux mois de captivité, les Moulin-Fournier sont libres. Au-delà du contexte émotionnel – la chaleur de la brousse, la soif, le riz et les sardines, le courage du père et la résistance étonnante des enfants –, la question est la nature de la rançon versée. Et la qualité des preneurs d’otages. Tout, dans cette opération, révèle l’opportunisme sinon l’amateurisme de marginaux crypto-islamistes pour qui la séquestration d’étrangers n’est pas, comme pour Aqmi ou le Mujao, un business établi. On sait maintenant qu’un premier projet de prise d’otages avait échoué sur cette route frontière entre le Cameroun et le Nigeria. La deuxième tentative a réussi. Les Moulin-Fournier ont donc été pris par défaut.
Enlever sept personnes, dont quatre enfants en bas âge, était une première, et une erreur. Personne n’approuve ce genre de pratique, surtout pas les villageois locaux, qui, du coup, ont lâché quelques informations utiles. Une famille, c’est lourd à gérer, en témoignent les détails donnés par les Français libérés, qui démontrent la fragilité logistique des ravisseurs. Ils se réclamaient de Boko Haram ? Sauf que ce mouvement fait la guerre au Nigeria, pas aux étrangers, ce qui a provoqué la naissance d’un groupe islamiste dissident, Ansaru, plus porté à l’attaque contre les Occidentaux.
Quant aux revendications – un peu d’argent et la libération de proches détenus au Nigeria et au Cameroun –, nous sommes loin de la revendication politique majeure ou des millions d’euros réclamés pour les otages retenus au Mali. L’action, les moyens, les exigences… tout indique plus un rapt de malfrats islamisés et opportunistes qu’une prise d’otages à la Abou Zeid.
François Hollande a assuré qu’« aucune rançon [n’avait] été versée ». Pas d’argent donc, même s’il semble que GDF, l’employeur du père, ait tenté une médiation chiffrée vite bloquée par l’Elysée. Reste la rançon politique. Le président a remercié le Nigeria et le Cameroun, en particulier son président, Paul Biya. Le Nigeria a suspendu ses actions armées et brutales contre Boko Haram, et le Cameroun a bien voulu oublier ses ennuis avec la justice française. Les ravisseurs demandaient la libération de proches emprisonnés dans les deux pays et, à l’évidence, ils ont obtenu satisfaction. En coulisses, on parle d’ailleurs de « menu fretin » ou de détenus « en fin de peine ».
Mauvaise préparation, piètre exécution, revendications locales limitées… la barre n’était pas placée bien haut. Il n’empêche. L’Etat français a mobilisé tous ses moyens. Le service action de la DGSE a envoyé ses agents sur place, la Grande-Bretagne a offert son expertise des tribus et des clans de la zone, les Etats-Unis ont fourni les moyens électroniques de surveillance et Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères françaises, a fait la navette entre les capitales pour mettre l’huile nécessaire dans les rouages diplomatiques.
Les Moulin-Fournier sont de retour, et l’on respire de ne plus voir ces vidéos infâmes où quatre gosses de 5 à 12 ans sont traités comme des enfants esclaves à vendre ou à troquer. Est-ce que cela facilitera la libération des autres otages du Sahel ? Non. Les parties et les objectifs ne sont pas les mêmes. En revanche, cette action confirme que, désormais, de la Mauritanie au Mali, de l’Algérie au Niger, du Nigeria au Cameroun, du Soudan en Somalie, qu’ils soient salafistes, crypto-islamistes ou vrais malfrats, les groupes du Sahel prennent goût au rapt d’Occidentaux pour faire avancer leurs revendications.
C’est le retour de la vieille pratique des captifs, d’une traite moderne de l’esclave. Et, s’ils en récoltent les fruits et n’en paient jamais le prix, ils continueront.
Des médicaments pour les otages du Sahel
« Les otages français sont vivants. Mais ils sont fatigués, pour certains épuisés ou malades », confirme un Touareg proche des négociations. Les quatre employés de Satom et Areva seraient toujours retenus dans l’adrar des Ifoghas. Pour échapper aux fouilles des soldats français, leurs ravisseurs d’Aqmi nomadisent sans cesse à pied dans la montagne surchauffée, par 45 à 50 degrés, dans une fuite permanente et éprouvante. Deux des otages sont malades, et l’un d’eux se serait blessé sérieusement à un doigt, nécessitant des soins.
Au tout début du mois, un intermédiaire d’une capitale africaine a été chargé d’acheter et de faire parvenir un lot d’antalgiques, antibiotiques, pansements, pommade, antiseptique et diverses vitamines. Les quatre otages sont prisonniers du désert depuis le 16 septembre 2010, date de leur enlèvement.
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