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Otages : une politique à deux vitesses

publié le 03/03/2011 | par Jean-Paul Mari

Pourquoi a-t-on choisi dans un cas de négocier alors que, dans l’autre, on s’interdisait de le faire.


Trois otages sont libres, une Française, un Malgache et un Togolais. Après cinq mois de captivité en plein désert, ils ont été libérés par Aqmi (Al-Qaida au Maghreb islamique) dans une zone touchant les frontières de l’Algérie, du Mali et du Niger, bastion et refuge des islamistes. Quatre autres Français, tous des hommes, restent détenus. Ils faisaient partie du groupe kidnappé sur le site d’uranium d’Arlit exploité par Areva. Trois otages libérés, voilà une bonne nouvelle. Et le président les a aussitôt reçus à l’Elysée. La question est : qu’est-ce qui a permis cet heureux dénouement, même partiel ?

La réponse est venue très vite du gouvernement nigérien : « Il y a un processus [de négociations avec Aqmi] qui est mis en place et implique beaucoup d’acteurs… » Comme souvent, des intermédiaires locaux sont intervenus. Notables maliens ou nigériens, incontournables dans ce genre de dossier, ils prennent au passage une confortable commission.

Cette fois, il s’agit notamment d’un élu et d’un ancien haut fonctionnaire « restés dans le Sahara pendant une semaine pour obtenir ces libérations». Evidemment, une rançon a été payée, de l’ordre de quelques millions d’euros, sans doute par Areva. Mieux, les moyens de la DGSE, les renseignements français, ont été en première ligne pour obtenir ces libérations. La DGSE est un appareil d’Etat qui travaille sous la houlette de l’Elysée et de son état-major. Le président a donc supervisé tout le processus. Et là, on ne comprend plus.

Négocier ? On croyait avoir compris que le temps de la discussion, des intermédiaires et des rançons, était terminé. Rappelez- vous les deux derniers otages enlevés à Niamey. La course-poursuite dans le désert, les forces spéciales, les hélicoptères, l’attaque du convoi des ravisseurs, sa neutralisation mais aussi la mort, prévisible dans ce genre d’opération, des deux otages.

Le message immédiat du pouvoir se voulait ferme, clair, réaliste. L’opération n’est pas un échec, c’est un choix politique, pour dire aux preneurs d’otages que l’heure était à la rupture, à la fermeté, avec tous les risques que cela comporte, pour interdire d’autres otages, d’autres surenchères, d’autres chantages. Deux jeunes hommes âgés de 25 ans sont morts, deux citoyens lambda, deux Français.

Que se passera-t-il la prochaine fois que les terroristes d’Aqmi enlèveront de nouvelles victimes, selon qu’il s’agira de simples expatriés, de journalistes, d’employés d’Areva, de parlementaires en visite ou de diplomates ? Le dogme de la fermeté ou la compromission de la négociation ? A l’évidence, la politique définitive du pouvoir est… une réponse au coup par coup.


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