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OTAN: face à Trump, l’Europe paie sa faiblesse

publié le 25/06/2025 par Pierre Haski

Le Sommet de l’OTAN va décider d’augmenter les dépenses de défense comme l’exige Donald Trump… mais fera silence la guerre en Ukraine

On se prend à rêver : et si Donald Trump, fort de sa puissance démontrée sur le front iranien, décidait de l’appliquer pour défendre l’Ukraine face à l’invasion russe ? Il pourrait écrire sur son réseau social, en gros caractères comme il l’a fait hier en direction d’Israël et de l’Iran, qui menaçaient le fragile cessez-le-feu, « STOP THE WAR », « arrêtez la guerre ». Une injonction qui serait accompagnée de la promesse de sanctions massives contre celui qui refuserait, et d’aide militaire sans limites à l’agressé.

« L’Europe va payer massivement »

Ça a marché au Moyen Orient, cela n’arrivera pas en Ukraine. Le Sommet de l’OTAN qui s’est ouvert hier soir à La Haye avec un dîner de gala offert par le Roi des Pays-Bas, n’a pas pour objet central de son agenda la guerre qui se déroule depuis trois ans à la frontière orientale de l’Alliance ; non, il est destiné à donner satisfaction à Donald Trump sur son exigence de dépenses supplémentaires des Européens pour leur défense, la cible de 5% du PIB.

Un SMS du Secrétaire Général de l’OTAN, le Néerlandais Mark Rutte, adressé au président des États-Unis, et que celui-ci a aussitôt brandi sur son réseau social comme un nouveau triomphe de sa volonté, en donne la mesure. « L’Europe va payer massivement », promet-il à Donald Trump, avec ce qu’il faut de flatterie et de déférence ; mais pas un mot sur l’Ukraine.

La flatterie est obligatoire avec Trump dans le manuel de diplomatie

La flatterie est certes obligatoire avec Trump, c’est même la première règle dans le manuel de diplomatie pour traiter avec lui ! Mais elle doit être un moyen de parler ensuite des sujets de désaccord, pas seulement de s’assurer la paix lors d’un sommet.

Or les Européens sont tétanisés à l’idée que le sommet tourne mal, comme en 2018, lors du premier mandat de Donald Trump : il avait alors menacé de quitter l’alliance. La semaine dernière, le président américain est parti avant la fin du Sommet du G7 qui se tenait au Canada, ratant la réunion avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky qui avait fait le voyage.

A La Haye, Zelensky a été invité au dîner de gala au palais royal hier soir (mais pas à la même table que Trump), mais il ne sera pas présent aux réunions de travail qui se déroulent aujourd’hui. Pas question de laisser entendre que l’Ukraine aurait un pied dans l’OTAN, c’est un sujet qui fâche dans une partie de l’électorat trumpien. Nous avons donc ce paradoxe extravagant d’un Sommet d’une alliance militaire qui va décider d’une augmentation de ses dépenses, mais refuse de regarder en face la guerre à sa porte.

Fort avec les faibles, faible avec les forts 

La complaisance de Donald Trump vis-à-vis de Vladimir Poutine est en cause : il a cru qu’il arriverait à imposer la paix en Ukraine d’un claquement de doigts, et s’est fait balader par le président russe. Mais au lieu de réagir comme il l’avait promis, en soutenant l’Ukraine et en sanctionnant la Russie, il détourne le regard, à la différence de ce qu’il vient de faire avec l’Iran. Fort avec les faibles, faible avec les forts ? Ça y ressemble.

La responsabilité de soutenir l’Ukraine retombe donc sur l’Europe, en aide militaire et en sanctions supplémentaires contre Moscou. Sans le clamer trop fort, toutefois, de peur de froisser Donald Trump : les États-Unis resteront pour longtemps encore, qu’on le veuille ou pas, les protecteurs ambivalents d’une Europe qui n’a pas su organiser à temps sa propre défense.

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