Jean-Paul Mari présente :
Le site d'un amoureuxdu grand-reportage

Papouasie: reporters en prison, le temps presse.

publié le 14/08/2014 | par Jean-Paul Mari

Un mois de détention
thomas_668723-le-journaliste-francais-thomas-dandois-d-et-pierre-creisson-g-le-19-janvier-2008-a-l-aeroport-d-orly-3.jpg valentine_300x300-2.jpg

Thomas

Valentine

Thomas Dandois, 40 ans, et Valentine Bourrat, 29 ans, sont toujours détenus depuis le 6 août dernier par la police de Jayapura, en Papouasie occidentale, Ex-Irian Jaya, en territoire indonésien. Il y a de quoi légitimement s’inquiéter quand on apprend que le chef de la police locale vient de réaffirmer que les deux journalistes français restaient sous le coup de graves accusations : « Outre la violation de la loi sur l’immigration, il y a une indication claire selon laquelle ils ont participé à de la propagande anti-indonésienne » a dit Sulistyo Pudjo, porte-parole de la police de Papouasie, connue pour être particulièrement dure.

Résumons :

– Les deux journalistes ont été arrêtés en Papouasie où ils étaient entrés avec un visa de tourisme – les autorités ne délivrant pas ou très rarement des visas journalistiques – pour effectuer un reportage sur la rébellion des Papous en lutte pour leur indépendance et en révolte contre un pouvoir qu’ils accusent de les exploiter.
Le grand public sait peu de choses de cette guerre – et pour cause, les reporters étrangers en sont exclus – si ce n’est que la lutte est sanglante et la répression impitoyable.

– Dans un premier temps, la police a refusé de considérer nos deux confrères comme des journalistes
. Même s’ils étaient porteurs d’une lettre de mission de télévision franco-allemande Arte, pour laquelle ils réalisaient leur reportage. Ne pas leur reconnaître ce statut, c’est considérer qu’ils sont deux faux touristes entrés illégalement pour mener des activités inavouables. D’ailleurs, la police les a d’abord suspectés de « participer à une activité subversive ».
Devant l’afflux des témoignages des organes de presse pour lesquels ils ont travaillé, notamment Thomas Dandois, grand reporter aguerri et reconnu, il semble que l’attitude a changé. Et habituellement, les journalistes dans le même cas sont aussitôt expulsés. Or, ce n’est pas ce qui se passe pour nos deux confrères.

– Thomas et Valentine sont déjà sous le coup d’une accusation de « violation de la loi de l’immigration », ce qui leur fait encourir jusqu’à 40 000 dollars – 30 000 euros – d’amende et …cinq ans de prison.
Les nouvelles charges brandies par le chef de la police en Papouasie, – « propagande anti-indonésienne – sont elles aussi très lourdes de conséquences.
Le porte-parole a précisé : « Ils ont aidé à commettre une trahison. Mais l’enquête est toujours en cours, nous ne sommes pas encore au stade final. » En soulignant que les journalistes étaient venus à l’invitation de rebelles séparatistes. Ce qui est faux.
En octobre dernier, le gouverneur de Papouasie, Lucas Enembé, déclarait que les journalistes étrangers étaient …les bienvenus en Papouasie pour être témoins des progrès de la situation sur place.

– La police locale durcit le ton. À l’évidence, elle veut faire un exemple de nos deux confrères pour dissuader tous les autres de venir enquêter sur son territoire. On est d’ailleurs sans aucune nouvelles du fixer . Il apparaît aussi que les autorités provinciales ont une ligne beaucoup plus dure que le pouvoir central de Djakarta, – capitale moderne, doté de grandes instances, du ministère de l’information et d’ambassades internationales – mais distant de 3000 kilomètres de Jayapura.

– La diplomatie française est active, mais le processus peut-être lent.
L’ambassade de France à Djakarta est en relation avec les autorités centrales indonésiennes. Elle chercher « à trouver une solution rapide à cette situation » et deux de ses représentants se sont rendus aujourd’hui sur place « dans le cadre d’une visite consulaire ». Les conditions de détention sont correctes. Le moral des deux journalistes est bon. Le Consul de France leur a remis de la nourriture et des médicaments.

– Le sentiment est qu’il y a urgence à se mobiliser fortement. Et ne pas laisser s’engager un processus judiciaire- voulu par la police locale – qui pourrait aboutir à une longue enquête, un éventuel procès, de lourdes amendes et même une condamnation à la prison.

– Thomas et Valentine ont tenté de faire leur travail sur un terrain de conflit. Ni têtes brûlées, ni irresponsables, ni même inconscients des risques. Comme d’autres l’ont fait mille fois avant eux. Notamment Patrick Bourrat, ex-reporter de TF1 et père de Valentine, mort en 2002 au Koweït pendant la Guerre d’Irak.

Le temps presse.

Capture_d_e_cran_2014-08-11_a_22.27.03-2.jpg


TOUS DROITS RESERVES