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Pourquoi il faut interdire les organisations salafistes en France.

publié le 08/01/2015 | par Jean-Paul Mari

Ce n’est qu’un début.

Inutile de se voiler la face. Douze morts dont deux policiers, onze blessés dont quatre graves, l’attentat contre Charlie Hebdo ne peut plus être imputé à un acte de marginalisés, de déments, de « loups solitaires », tout ce qui peut permettre de considérer ce genre d’attentat sanglant comme un acte exceptionnel, anormal, sans logique et sans suite, hors de notre réel d’ici, pays en temps de paix à l’abri des violences du monde.

Professionnels.

Un simple examen des vidéos et des faits a montré que les tueurs ont agi en professionnels qui ont reçu un entrainement aux armes et à l’action. Ils ne paniquent pas, prennent des positions de tir adaptées, épaulent, visent et atteignent leur cible. Un épisode frappant montre un des deux hommes qui progresse en courant vers un policier, au sol et blessé, et l’achève sans hésiter au passage comme un milicien dans un combat de rue qui progresse sur le terrain et achève un adversaire – ou un témoin -qui peut le gêner. Pas une hésitation devant la main levée du policier qui demande grâce, pas un instant d’hésitation en pointant le canon de l’arme, rapidement, au bon endroit. Puis les tueurs reviennent vers leur véhicule et l’un d’eux prend temps de ramasser une chaussure de sport tombée avant de prendre la fuite. Seul, peut-être, l’accident sur le parcours, vers le 19eme arrondissement de Paris, indique une précipitation et une perte de sang-froid une fois la boucherie terminée.

L’école de la guerre.

Les deux frères Saïd et Chérif K., âgés de 34 et 32 ans, étaient tombés en 2005 dans une «filière irakienne» dite des «Buttes Chaumont» de combattants islamistes qui organisait l’envoi de combattants en Irak. Déjà. Aujourd’hui, plusieurs centaines – 800, 1000 ? – de ressortissants français sont partis faire le djihad en Syrie. Une partie d’entre est déjà de retour en France, d’autres vont revenir. Personne n’imagine qu’ils ont vécu des semaines, des mois, des années sur le terrain sans apprendre à se battre dans une des guerres les plus sauvages, les plus cruelles qu’on connaisse, sans règles et sans merci, où les prisonniers sont exécutés, l’adversaire torturé, mutilé, décapité comme un acte de gloire.

Retour du djihad.

Plusieurs centaines d’islamistes, haineux, fanatisés et endurcis, de retour en France dans un pays expressément désigné comme l’ennemi par les chefs d’Al-Qaïda et de Daech ne resteront pas inactifs une fois rentrés chez eux sur le sol français. Sans compter l’effet d’exemple et l’action de leurs admirateurs. Croire le contraire serait de l’aveuglement volontaire. Pour mémoire, en Algérie, dans les années 90, pendant la guerre civile, un millier d’islamistes de retour d’Afghanistan avaient joué un rôle essentiel dans la formation des combattants, leur dureté idéologique et l’action d’une brutalité inouïe des GIA, les Groupes islamistes armés. En France, nous sommes sans doute entrés dans l’ère du « troisième djihad ». Plus de grands attentats dans le métro ou les aéroports, mais une multiplication des actions, via des cellules décentralisées, visant à porter le djihad en Occident (lire l’article de Jean-Pierre Perrin, Libération, 8 janvier 2015).

La fin des années 70.

La cible, Charlie Hebdo. Son humour, son ironie tous azimuts, son irrespect, sa liberté absolue de penser et de s’exprimer ont marqué notre époque. Rien ne doit être sacré, plutôt la mort que la lâcheté intellectuelle, un renoncement ne vaut pas un bon dessin. Une philosophie de la vie et de la liberté exactement aux antipodes de l’idéologie des sectes islamistes basée sur l’interdit, le tabou, le dogme absolu, la dictature du sacré, la mise à mort des « déviants ». « « On a vengé Mahomet : on a tué Charlie hebdo ! », ont crié les tueurs de la rue Appert à Paris.

Charlie Hebdo et tous ceux qui pensent comme ce journal ont toujours été considérés comme une cible, une pensée à étouffer. Et pas seulement pas les tueurs islamistes. La Mosquée de Paris, qui vient de dénoncer avec force l’attentat contre les journalistes de Charlie, n’avait pas hésité, avec l’UOIF, à porter plainte contre le journal satirique après sa célèbre Une du 8 février 2006 sur le prophète Mahomet se lamentant : « « c’est dur d’être aimé par des cons ». (Voir dessin). Fini, l’esprit des années 70? Sans doute. Qui, désormais, même à Paris, osera risquer une mise à l’index des religieux voire un massacre à la kalachnikov pour pouvoir afficher publiquement une caricature qualifiée de « haram » par les fanatiques ?

Réagir.

Pour l’instant, le discours politique est monolithique. Venu de l’Élysée, de Matignon, des partis politiques et des associations de culte, le ton est à la compassion et aux appels au rassemblement. La France est en deuil.
Soit. Et après ? Comment s’attaquer aux racines du mal ? A chaque attentat, chaque tuerie, chaque meurtre, l’enquête montre que les « combattants » ont été longuement endoctrinés par les intégristes radicaux, les salafistes, dans les mosquées clandestines, les petites salles de prières de banlieue, les prisons ou l’énorme volume de publications, de vidéos sanglantes, de lamentations et d’appels à la vengeance sur le net.

Une partie des salafistes, partisans d’un retour aux sources de l’islam, se consacrent à la prière et vivent selon la tradition. Mais une autre, non négligeable, se consacre exclusivement à la propagande et à l’encouragement au djihad. Il y aurait une cinquantaine de lieux de cultes musulman sous influence salafiste sur les deux mille que compte l’Hexagone. Au sein de cette nébuleuse, les groupes locaux peuvent un temps se fédérer autour d’un imam influent.

Ce sont issus de ces groupes et imprégnés du discours des imams salafistes que naissent aussi les futurs révoltés, les futurs candidats au départ en Syrie, les futurs combattants du Djihad, les tueurs de Toulouse ou de Charleville-Mézières. Parce qu’ils sont intimement convaincus – grâce au discours salafiste – qu’ils ne font qu’obéir à Dieu, que tuer est légitime, qu’ils sont des justes, vivent dans le vrai, et que la loi divine est au-dessus de la loi des hommes.

Alors, une fois passé le temps du deuil, de l’immense tristesse et la compassion, il serait peut-être urgent d’interdire les organisations salafistes. Parce que cette guerre contre l’esprit qui vient d’éclater au grand jour n’est pas près de se terminer.

≠je suis charlie

Lire l’appel de l’association Albert Londres


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