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Révolte à Beyrouth:  les stigmates de la bataille.

publié le 25/01/2020 par Daniel Benoit

Images d’émeutes après plus de cent jours d’une explosion populaire sans précédent. Est-ce une révolution, une rébellion, ces émeutes menacent-elles réellement l’État libanais ? Reportage de Daniel Benoit pour grands-reporters.com

Les photos les plus récentes sont à la fin du reportage.

Aujourd’hui ,18 janvier 2020, plus de cent  jour d’ émeutes, certains étalages de super marchés commencent à ressembler à ces magasins de Hongrie pendant l’ère soviétique. Les retraits d’argent aux guichets des banques sont aux mieux limités à 200 ou 300$/semaine aux pires impossibles. Dans la vie quotidienne le Dollar US est autant utilisé que la Livre Libanaise. Au début de la « crise » la parité de la Livre Libanaise était d’environ 1500 LBP pour 1$, aujourd’hui dans les bureaux de change la parité est de 2200LBP/1$

Est-ce une révolution, une rébellion, ces émeutes menacent-elles réellement l’État libanais ?

Difficile à dire, une caractéristique de ces manifestations est que l’on trouve au coude à coude, la mère de famille, l’ouvrier, l’avocat, le chômeur, l’étudiant, le retraité, le médecin toutes communautés confondues (chiites, druze, sunnites et chrétiennes), la télévision, les médias sociaux et les « smartphones » jouent un rôle fédérateur trans-communautaire essentiel dans cette révolte de la pauvreté qui n’a pas de frontières.

Le gouvernement Hariri est démissionnaire depuis le 29 octobre 2019 et à ce jour il n’a toujours pas été remplacé par une équipe de technocrates, hors de tout parti politique, comme le souhaite les émeutiers. Les discussions byzantines prennent tout leur sens, dans cet « Orient compliqué ». Les libanais ont le sentiment, que par leurs actions, leur situation peut évoluer.

Il y a peu de revendications d’ordre idéologiques, mais surtout une volonté de pouvoir mieux vivre ensemble. En fait, peut-être, assistons-nous à un mouvement social qui cherche le démantèlement du système féodal et communautaire structuré autour de quelques familles, pour le remplacer par une élite politique issue de la classe moyenne supérieure et entrepreneuriale. Les ferments de ces désordres sont depuis longtemps dans l’Histoire et la Culture du Liban.

Une corruption endémique, le confessionnalisme, une économie exsangue, un secteur bancaire en faillite qui travaille, avant tout, pour quelques secteurs privilégiés comme l’immobilier. Le Liban est un pays riche en ressources énergétiques comme le gaz, le pétrole, l’eau est particulièrement abondante, mais il n’en tire quasiment aucun revenu.

Tous ces éléments concourent à créer une situation explosive, car la vie quotidienne de la majorité des libanais est difficile, entre le coût élevé de la vie, le chômage, les coupures d’électricité et d’eau, le manque d’infrastructures de transports, de santé, la concurrence sur le marché du travail avec les réfugiés syriens … face à ces défis beaucoup de jeunes libanais issus de l’enseignement supérieur, choisissent la voie de l’exil. La « matière grise » est aussi une autre richesse du Liban….

Les mouvements de 2015 avaient pour origine la mauvaise gestion des ordures et la corruption qui règne à tous les étages de la société libanaise. Ce mouvement s’est appelé « #youstink » en référence aux odeurs dégagés par les détritus et les ordures laissés dans les rues en plein été, et par extension aux hommes politiques de tous partis confondus.

Les émeutes de 2019/2020, sont la suite logique d’une situation qui n’a cessé de s’aggraver au fil du temps, les élites politiques libanaises n’ayant pas compris ou pas voulu entendre les cris de désespoirs des « laissés pour compte » …le Liban se trouve face à la réalité de ses contradictions et de ce fait à la croisée des chemins.

 

LES STIGMATES DE LA BATAILLE

«  » Dimanche 26 janvier 2020, 6 :00 du matin ,101ème journée de protestation.

Beyrouth s’est assoupie après une nuit d’émeutes. L’armée et la police ont réintégré leurs casernes, les émeutiers ont regagné leurs « quartiers ». Toute guerre a ses instants de répit. La révolte gronde depuis le 17 octobre 2019.

En ce début de journée ensoleillée et froide, les acteurs de cette tragédie ont quitté la scène, seuls restent les décors d’un théâtre antique. Seuls, sur les murs restent écrits les « maux ».

Parmi les graffitis, apparaissent pêle-mêle, des sigles, des figures politiques, communautaires honnies peintes au pochoir, des revendications…. Par qui ont-elles été faites, jamais nous ne le saurons…les « zaïms » ( chefs charismatiques), ont chuté de leur piédestal.

Comme une inversion, les devantures des magasins saccagés sont devenues les miroirs d’une colère longtemps refoulée, longtemps méprisée…tous les graffitis sont soit en arabe, soit en anglais, le français a disparu des murs de la contestation…est-ce la fin d’une époque ?

Le centre-ville, lieu de tous les pouvoirs, lieu de tous les rêves, vitrine de la renaissance de Beyrouth après une guerre de 15 ans, affichait la réussite insolente d’un pays qui semblait s’être relevé.

Le cœur de la Cité phénicienne s’est barricadé derrière d’épais murs de bétons comme le « seigneur » se réfugie dans son donjon, pour se protéger de la vindicte populaire…symbole d’un pouvoir à la dérive, d’un pouvoir qui n’a plus de lien avec le peuple. N’en a-t-il jamais eu ?

Comme une vieille baroudeuse, Beyrouth affiche ses blessures, ses cicatrices, ses stigmates qui sont comme des témoins de l’histoire multimillénaire de la Cité. Au petit matin, dans l’atmosphère fantomatique, errent quelques personnes comme des âmes en peine, un lendemain de bataille.

Quand cette guerre prendra-t ’elle fin ? » »

 

 

 

 

Le Liban en chiffres.

Superficie de 10 452km², avec une population estimée à 4 227 600 hab.., une diaspora de 8 à 14 000 000 de personnes disséminées dans le Monde.

Nombre de confessions : 17

Réfugiés palestiniens : 174 000 personnes

Réfugiés syriens : +/- 1 500 000 personnes

Dette publique : 150% du PIB

1% de la population accapare 23% des revenus et possède 40% des richesses.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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