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Rome. Cardinal Aveline, un pape made in France ?

publié le 08/05/2025 par Pierre Feydel

L’archevêque de Marseille, intellectuel méditerranéen proche de François, homme simple, chaleureux et qui aime rire, peut séduire conservateurs et progressistes. Mais les favoris sont rarement les élus

Aucun pape français depuis 650 ans

Et si le successeur de François était un pape français ? Une première depuis 1370, depuis plus de 650 ans, date de l’élection de Pierre-Roger de Beaufort. Ce Corrézien, apparenté à la puissante famille des Turenne, est nommé cardinal par son oncle Clément VI à 19 ans. Il devient docteur en droit canonique et en théologie. Il n’est même pas prêtre. Il faudra l’ordonner en catastrophe au moment de son élection à l’unanimité, pour pouvoir le couronner pape.

Devenu Grégoire XI, il utilise son talent de diplomate pour tenter à plusieurs reprises de faire la paix entre la France et l’Angleterre, en pleine guerre de Cent Ans. Mais c’est surtout lui qui ramènera la papauté d’Avignon à Rome. Pour ce grand retour, il s’embarquera à Marseille. Est-ce un signe ? Aujourd’hui, le « papabile » français dont on parle le plus est justement le cardinal-archevêque de la cité phocéenne.

L’enfance d’un Marseillais des quartiers populaires

Ce n’est pas sa dernière charge de prêtre qui fait de Jean-Marc Aveline un Méditerranéen. C’est sa naissance. Il a vu le jour, il y a 66 ans, à Sidi Bel Abbès, en Algérie. Sa famille de pieds-noirs, d’origine espagnole, doit, en 1962, au moment de l’indépendance, quitter le pays. Son père est employé de la SNCF. La famille gagne Paris, puis rejoint Marseille. La personnalité du fils se façonne dans les épreuves de sa jeunesse : l’exil en est une. Et il n’oubliera jamais ni ses origines sociales modestes, ni la diversité culturelle des quartiers populaires dans laquelle a baigné son enfance. Le jeune pied-noir, très vite enraciné dans sa foi, sera un élève brillant du prestigieux lycée Thiers avant d’entrer au grand séminaire d’Avignon. À Paris, il poursuit sa formation. Il accumule les diplômes : un doctorat en théologie, une licence de philosophie, un certificat de grec et d’hébreu bibliques…

Il dénonce les conflits, la misère et les dérèglements climatiques…

À 26 ans, il est ordonné prêtre pour le diocèse de Marseille. L’abbé Aveline va d’abord former les futurs prêtres. Il s’occupe activement de recherche, fonde plusieurs instituts tous voués au débat interreligieux, aux échanges sur la foi et les cultures méditerranéennes. « Le dialogue est le geste même de Dieu », écrira-t-il un jour. Cet homme d’ouverture intellectuelle et spirituelle est aussi un pasteur, jamais très loin de ses ouailles, animé d’un esprit de charité qui révèle une profonde humanité. « La priorité, c’est les pauvres. » (Jour du Seigneur, avril 2025 )

Il est partisan d’une aide active aux migrants. Il dénonce les conflits, la misère, les dérèglements climatiques, causes des déplacements de population. « L’Église n’est pas faite pour elle-même, elle est faite pour le monde. » ( Alsafa News, mai 2025). Il soutient activement l’action des associations catholiques caritatives, incite les paroisses à se rapprocher des plus précaires. Son Église est celle des pauvres au cœur de la société et d’un monde contemporain dans lesquels il faut toujours témoigner et agir au nom de l’Évangile

Dans la ligne de François

Cet intellectuel n’oublie jamais la réalité, la vie des autres. . « L’Église ne peut pas être une forteresse refermée sur elle-même. » (Alsafa News, mai 2025)  Ses solides convictions, il les exprime avec modération, car il ne veut jamais provoquer ou blesser. L’unité de l’Église lui importe trop. Du coup, les plus progressistes le trouvent tiède sur le mariage des prêtres ou la place des femmes dans l’Église. Mais, sur les abus sexuels, il prône la « tolérance zéro ». Très dans la ligne de François, il inquiète les plus traditionnalistes lorsqu’il participe à des ruptures du jeûne du Ramadan, mais il les rassure lorsqu’il va lui-même célébrer une messe en latin. L’actuel pape avait vite remarqué cet évêque charismatique et unitaire, qui rayonne bien au-delà de son diocèse. En 2022, il le nomme cardinal et lui donne des responsabilités stratégiques au sein du Vatican. Et un an plus tard, le souverain pontife vient en personne à Marseille, aux Rencontres méditerranéennes organisées par son cardinal.

Un prélat qui aime rire

Jean-Marc Aveline possède de nombreux atouts pour faire un candidat crédible au siège de Saint-Pierre. D’abord ses qualités d’homme. Sa simplicité et sa chaleur humaine n’ont pas séduit que les Marseillais. C’est un prélat qui aime rire. Ceux qui n’ont pas assisté à une de ses imitations des plus célèbres dialogues de Marcel Pagnol, « avé l’assent », moitié Fernandel, moitié Raimu, n’ont pas tout à fait compris qui est Jean-Marc Aveline. Certains supposent qu’il a des chances, ne serait-ce que parce que François a nommé 100 des 133 cardinaux qui auront à élire son successeur. Donc il devrait choisir un proche. Pas sûr. Tous ne partagent pas les idées du souverain pontife défunt. D’ailleurs, lorsque Léon XIII, le plus progressiste des papes du XIXe siècle, meurt en 1903, le conclave ne réunit que des cardinaux qu’il a lui-même nommés au cours de son pontificat. Or c’est Pie X, l’un des papes les plus traditionnalistes du même siècle, qui est élu… Les voies du Seigneur restent impénétrables. Même au Vatican.


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