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Rome : la grande valse des « papabili »

publié le 26/04/2025 par Pierre Feydel

Le conclave n’a même pas encore commencé que les premiers noms circulent. Les parieurs tentent leur chance mais les favoris ne sont jamais les gagnants

Rome retient son souffle

La mécanique est lancée : supputations, tractations, spéculations. À Rome, parmi les centaines de milliers de fidèles accourus, dans les salles feutrées des palais apostoliques, et jusque dans les cœurs des un milliard quatre cents millions de catholiques de la planète, une seule question s’impose : qui succédera à François ?

Avant même que le cercueil du pape soit refermé, que la dépouille de François soit solennellement inhumée, et alors que les 133 cardinaux électeurs ne devraient être enfermés dans la chapelle Sixtine qu’entre le 5 et le 10 mai, les bookmakers affûtent déjà leurs cotes.

Chez William Hill, à Londres, Pietro Parolin, secrétaire d’État du Vatican, était coté à 15 contre 8. Lointaine tradition : les paris papaux remontent à 1503. Un temps interdits, ils ont été à nouveau autorisés en 1918. Dès le lundi 21, trois millions de dollars avaient été engagés sur la plateforme Polymarket. Et l’effervescence ne fait que commencer.

Jean-Paul II fut une surprise et François un lointain outsider

L’incertitude pourrait durer plusieurs semaines. Les rumeurs, savamment orchestrées ou surgies du néant, pourraient bouleverser les équilibres apparents. Rien n’est jamais écrit d’avance : en 1978, l’élection de Jean-Paul II, premier pape non italien depuis 456 ans, avait pris tout le monde de court.
De même, Jorge Mario Bergoglio, futur François, n’était qu’en quarantième position dans les listes de favoris dressées par certains parieurs lors du conclave de 2013.

Le collège cardinalice choisira son chef en fonction de critères complexes, bien plus subtils que de simples alignements idéologiques. La question ne se résume pas à savoir s’il s’agira d’un François II ou d’un Benoît XVII.
Faudra-t-il un pasteur tourné vers les pauvres, les migrants, soucieux d’adoucir les rigueurs envers les homosexuels et les divorcés, prêt à promouvoir les femmes dans l’Église ? Ou bien verra-t-on émerger un nouveau « Panzer Ratzinger », défenseur de la tradition, résolu à ramener les intégristes au bercail, à lever les excommunications, à canoniser les martyrs de la guerre civile espagnole ?

Deux camps, deux visions de l’Église

Il faudra aussi choisir entre Sud global et Occident collectif et prendre en compte bien d’autres clivages. On peut essayer de regrouper les « papabili » par affinités, entre Église des périphéries et Église institutionnelle, sommairement, en deux familles.

Dans le courant réformateur, proche de François :

Cardinal Pietro Paroli
  • Pietro Parolin, Italien de 70 ans, diplomate chevronné, incarne une continuité institutionnelle. Ses détracteurs pointent sa gestion trouble des finances vaticanes et ses concessions face à Pékin.
  • Matteo Zuppi, archevêque de Bologne, 69 ans, président de la Conférence épiscopale italienne, médiateur pour la paix au Mozambique et en Ukraine, ardent défenseur des exclus.
  • Luis Antonio Tagle, Philippin de 67 ans, pro-préfet du Dicastère pour l’Évangélisation, surnommé le « François asiatique », apprécié pour son charisme pastoral.
Cardinal Jean-Marc Aveline
  • Jean-Marc Aveline, archevêque de Marseille, 66 ans, promoteur du dialogue interreligieux, défenseur des migrants, proche du pape.
Cardinal Pierbattista Pizzaballa

Pierbattista Pizzaballa, patriarche latin de Jérusalem, 60 ans, respecté pour son engagement interconfessionnel et son courage humanitaire. En 2023, il proposait de se substituer aux otages israéliens.

Face à eux, les conservateurs :

  • Robert Sarah, Guinéen de 78 ans, icône des traditionnalistes. Ancien préfet du Culte divin, défenseur farouche de la liturgie tridentine, critique acerbe des réformes de François.
Cardinal Peter Turkson
  • Peter Turkson, Ghanéen de 76 ans, ancien préfet du Dicastère pour le Développement humain intégral, mariant orthodoxie doctrinale et fibre sociale.
  • Péter Erdő, Hongrois de 72 ans, archevêque d’Esztergom-Budapest, juriste canoniste réputé, chantre d’une Église recentrée sur sa tradition doctrinale.
Cardinal Peter Erdo

Les outsiders, figures du compromis

Mais dans les conclaves, les surprises surgissent souvent du second cercle, des figures capables de rassembler au-delà des clans.

Parmi eux :

Cardinal Fridolin Ambongo Besungu

  • Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa, 65 ans. Conservateur sur la famille, mais engagé dans la justice sociale et la défense de l’environnement.
  • Robert Francis Prevost, Américain de 69 ans, préfet du Dicastère pour les évêques, ancien missionnaire au Pérou, administrateur expérimenté.
  • Mario Grech, Maltais de 68 ans, secrétaire général du Synode des évêques, dont l’évolution récente vers des positions réformatrices sur le rôle des femmes pourrait séduire un conclave partagé.
Cardinal Mario Grech

Un pape jeune pour un monde en crise

Quel que soit l’élu, il devra être relativement jeune : il lui faudra du temps et une énergie considérable pour affronter une Église ébranlée par les crises, face à un monde en pleine mutation.
Une mission immense. Même avec l’aide de Dieu.


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