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Roumanie, Hongrie, Slovaquie… de la nostalgie du fascisme

publié le 13/05/2025 par Pierre Feydel

Pourquoi les pays ex-alliés de l’Allemagne nazie voient ressurgir aujourd’hui leurs extrêmes droites

George Simion, un roumain émule de Trump dans les Carpates

Qui est George Simion, le candidat national-populiste dont le parti, l’Alliance pour l’Unité des Roumains, a remporté le 1er tour des législatives dans son pays avec plus de 40 % des voix et qui pourrait parfaitement accéder au pouvoir lors du second tour, le 18 mai prochain ? Ce leader de 39 ans cumule tous les signes funestes de l’extrême droite qui ne cesse de progresser en Europe. Bien entendu, il promet de supprimer toute aide à l’Ukraine, manifeste plus que de la complaisance vis-à-vis de Poutine et s’affirme comme une émule carpathique de Trump. C’est bien sûr un anti-européen, un nationaliste qui veut annexer la Moldavie, un populiste qui clame sa haine des élites mondialisées, un complotiste qui nie l’existence du Covid-19 utilisé, selon lui, par ces mêmes élites pour asservir les peuples, un climatosceptique affirmé.

Un admirateur des œuvres de Ceausescu

C’est aussi un révisionniste qui considère que l’enseignement de la Shoah dans les écoles roumaines « corrompt l’âme de la nation » roumaine, comme d’ailleurs l’éducation sexuelle. Ce nationaliste, qui ne cesse de rappeler son attachement à l’Église orthodoxe, est aussi un admirateur des œuvres du dictateur communiste Ceaușescu, renversé et exécuté le jour de Noël 1989. Enfin, il accuse la France de colonialisme culturel et rejette les liens anciens tissés avec Paris depuis deux siècles.

La Roumanie va-t-elle rejoindre la Hongrie, la Slovaquie, ces pays dirigés par des gouvernements illibéraux, qui sont, au sein de l’Europe, les soutiens des ennemis de l’Union européenne ? Y aurait-il une sorte de malédiction qui pèserait sur ces nations alliées de l’Allemagne nazie, vaincues comme elle, avant de subir quarante-cinq ans de dictature soviétique ?

330 000 Juifs sont exterminés, particulièrement en Transnistrie.

Dans ces pays, l’extrême droite florissante exprimerait-elle une forme de nostalgie des fascismes qui s’épanouissaient dans les années 1930 à Bucarest, Budapest ou Bratislava ? Les années 1940 consacrent en Roumanie la prise de pouvoir du maréchal Ion Antonescu, le « Conducător », le guide. Il instaure une dictature et engage son pays aux côtés de l’Allemagne nazie. Les « légionnaires » de son parti-milice, la « Garde de fer », massacrent, le 26 novembre 1940 (et non 1946), les opposants et les intellectuels détenus dans la prison de Jilava. Ils trouvent Antonescu trop mou, tentent de le renverser, sont emprisonnés. Pour autant, le dictateur n’assouplit pas sa politique. Il met en œuvre sa propre Shoah. À partir de 1937, les massacres sont courants. Environ 330 000 Juifs sont exterminés, particulièrement en Transnistrie.

les « Croix fléchées » de la Hongrie

Le « Pétain » roumain, comme son modèle français, a largement précédé les attentes de ses amis nazis. Ses troupes occupent Odessa et multiplient les exactions. Mais avec les Allemands, elles seront écrasées par l’Armée rouge. Antonescu sera exécuté en août 1946 (et non 1944). La Hongrie voisine a elle aussi son parti fasciste : les « Croix fléchées ». Ils soutiennent le régent, l’amiral Miklós Horthy, que sa politique nationaliste a poussé à une alliance avec les nazis contre les Soviétiques. Pour autant, cet ultra-conservateur se tient à distance, participe à l’offensive contre la Russie en 1941, mais refuse de livrer les Juifs hongrois aux nazis. En mars 1944, le dirigeant déclare son pays neutre. Les Allemands l’envahissent. Ferenc Szálasi, chef des Croix fléchées, dépose Horthy et prend le pouvoir. Son parti prône le « hungarisme », version locale du national-socialisme. Cinq cent mille Juifs sont alors assassinés ou déportés en quelques mois.

Des milliers de corps dans le Danube rouge

La milice fasciste hongroise fait plus que participer. Elle se charge des exterminations de la communauté juive de Budapest. Le Danube charrie des milliers de corps. Szálasi et plusieurs membres des « Croix fléchées » seront exécutés après la guerre. Enfin, la petite Slovaquie a elle aussi un lourd passé fascisant. La République slovaque naît en 1939 (et non 1941) et se détache de l’ensemble tchécoslovaque. Les nazis, qui ont déjà envahi la Bohême et la Moravie, nomment Mgr Jozef Tiso, chef de l’important Parti populaire slovaque, président. Il tente un temps de limiter les déportations. Il finira pendu.

« La bête immonde » rôde encore entre le Rhin et les Carpates?

Si aujourd’hui, le Hongrois Viktor Orbán, le Roumain George Simion, le Slovaque Robert Fico étaient traités de néo-nazis, ils protesteraient avec véhémence. Pourtant, dans leurs partis, comme dans l’AfD allemande ou le FPÖ autrichien, on repère parfois comme une nostalgie de ces années 1930 qui ont porté au pouvoir tous ces partis à vocation totalitaire. Ils ont leur part dans les horreurs de la Seconde Guerre mondiale. « La bête immonde » rôde encore entre le Rhin et les Carpates… et parfois au-delà.


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